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Dossier Netflix : de la location de vidéos à la main-mise sur le secteur des séries TV

De Gaetan Desrois - Posté le 3 mai 2018 à 10h26 dans Séries TV

Il est toujours étonnant de voir comment le passé appréhendait le futur. Il y a quelques décennies, un futur avec des voitures volantes semblait envisageable. Pourtant, force est de constater que le futur est bien différent que celui imaginé par les auteurs de SF. Les voitures volantes n’existent pas, et ce n’est pas demain la veille que nous pourrons voyager dans le temps. Tout simplement parce que les évolutions se cantonnent, actuellement, dans notre manière de consommer. Nous ne nions pas les avancées techniques exceptionnelles qui ont lieu chaque jour. Seulement, nous remarquons que ce qui change le plus, c’est notre façon de consommer. Lorsque vous installez un jeu sur votre ordinateur, vous n’avez plus besoin d’utiliser des CD-ROM. Vous utilisez Steam, ou Uplay. Lorsque vous désirez écouter de la musique, une simple recherche sur Spotify ou Deezer vous permet d’épargner votre compte en banque, puisque l’achat de CD n’est même plus nécessaire. Et notre manière de consommer films et séries a été profondément révolutionnée par Netflix. Dans ce dossier, nous allons tenter de retranscrire l’histoire de cette entreprise révolutionnaire.

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Les premiers petits pas d’un géant

Si nous connaissons tous Netflix, on connait moins l’histoire qui se cache derrière ce géant de l’audiovisuel. Netflix est la création de l’américain Reed Hastings. Diplômé en mathématiques, et spécialiste des intelligences artificielles suite à des études à Stanford, il crée la firme Pure Software, en 1991, visant à faciliter l’utilisation de Linux. En 1997, Hastings vend sa firme 75 millions de dollars, argent qui servira à créer Netflix, avec son ami Marc Randolph. Comment cette idée lui est-elle venue ? Un peu à la manière de la pomme de Newton. L’article "Reed Hastings, le PDG de Netflix", publié par LesEchos.fr nous apprend qu’en 1997, le futur PDG de Netflix a "rendu une cassette VHS en retard louée au vidéo-club du coin" et qu’il a écopé d’une amende de 40 dollars. Cette simple amende lui a donné l’idée de créer un service sur internet visant à louer en ligne des DVD. Mais, petit à petit, le simple site de location de DVD va se transformer. En 1999, Netflix propose un service d’abonnement au prix attractif, permettant la location illimitée de DVD, avant de proposer, en 2000, grâce à des algorithmes, un système de recommandation personnalisée, pour aiguiller les clients sur les films à regarder. Le site de location est un succès : en 2005, on dénombre pas moins 4,2 millions d’abonnés. Pourtant, Netflix est à l’époque seulement proposé aux Etats-Unis. Ce qui, visiblement, n’empêche pas l’idée de Hastings de devenir une véritable success story, puisque dès 2002, Netflix entre en bourse. La deuxième grande révolution de Netflix (la première étant son service d’abonnement), c’est de proposer dès 2007 le streaming à ses abonnés, plutôt que la location de DVD. Finies les longues heures de téléchargement, il est désormais possible, en quelques clics, de regarder le film ou la série désiré(e).

Reed Hastings

Reed Hastings

Hastings pouvait s’arrêtait là, et pourtant, tel Walt Disney avant lui, il est un homme d’affaires très futé, et décide, petit à petit, de rendre son service de streaming disponible à tous. Cela commence, dès 2008, par une association avec de grandes sociétés, dont Xbox, qui proposent une application Netflix. En 2009, la PS3 et tous les objets possédant une connexion à internet proposent également une application Netflix. Ainsi, petit à petit, Netflix change de dimension : l’entreprise ne se limite plus aux ordinateurs, mais investit, petit à petit, tout le mobilier électronique. La création en 2010 de l’application Netflix proposée par Apple sur tous ses produits électroniques est la consécration de cette volonté d’omniprésence. On peut désormais utiliser Netflix partout, chez soi comme dans le bus. Même au travail. A condition d’avoir un patron pas trop regardant…

2010 est également l’année où Netflix a commencé à s’ouvrir sur le monde. L’entreprise commence par offrir son service au Canada, avant de conquérir l’Amérique Latine et les Caraïbes (en 2011), le Royaume-Uni, l’Irlande et les pays Nordiques (en 2012), l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg et la France (en 2014), l’Italie, l’Espagne, le Portugal, le Japon, la Nouvelle-Zélande et l’Australie (en 2015), pour finir par être disponible mondialement en 2016. En 2005, Netflix comptait 4,2 millions d’abonnés. En 2014, Netflix pouvait s’enorgueillir d’avoir 50 millions d’abonnés. Aujourd’hui, nous sommes 125 millions dans 190 pays.

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Les raisons de cette success story

En commençant l’écriture de ce dossier, j’avoue avoir été quelque peu désespéré. Netflix est un véritable phénomène. Pourtant, les informations disponibles sur le web restent finalement faibles comparativement à la grandeur du phénomène. Tapez Netflix sur Wikipédia, et regardez le peu d’informations que vous trouverez. Il semblerait que ce phénomène soit si grand, qu’il est difficile de le comprendre tout à fait. Pourtant, Netflix reste particulièrement lucide relativement à son succès. Et le fait qu’il fasse preuve de transparence m’a beaucoup facilité la tâche.

Sur une page intitulée "Netflix’s View : internet entertainment is replacing linear TV", Netflix explique ainsi que son succès repose sur trois facteurs essentiels : la croissance des écosystèmes d’internet, la liberté et la flexibilité, et enfin les mises à jour fréquentes.

Un peu plus loin, nous pouvons lire :

"People's tastes are very broad, even in a single market. The internet allows us to offer a wide variety […]. Those members who love action blockbusters, Korean soaps, anime, sci-fi, Sundance films, zombie shows, or kids cartoons will find that Netflix fills their homepage with relevant and interesting titles."

Les goûts des utilisateurs étant très variés, Netflix se fait un devoir (grandement facilité par Internet) de diffuser la plus grande variété possible de genres : blockbusters, films indépendants, films coréens, dessins animés, etc.

Qui n’a pas déjà eu le vertige face au nombre impressionnant de programmes que propose Netflix, à tel point qu’il s’est retrouvé dans l’impossibilité de choisir quoi que ce soit ?

Les contenus originaux Netflix

Depuis sa création en tant que service de location de DVD, Netflix a toujours été dépendant des autres studios, pour pouvoir proposer des programmes. Netflix dépend des droits de SVOD (pour subscription video-on-demand), ce qui signifie des droits exclusifs de vidéo à la demande. Explication : quand Netflix propose à ses utilisateurs la possibilité de regarder Peaky Blinders, cela signifie qu’ils ont acquis les droits de diffusion exclusifs auprès de la BBC, ou du distributeur français (en l’occurrence Arte) de la série. Autrement dit, ni OCS, ni CanalPlay ne pourront diffuser, pour un temps donné, la licence Peaky Blinders. C’est d’ailleurs pour cette raison que les programmes proposés par Netflix varient autant d’un pays à l’autre. Parce que Netflix se heurte aux droits de SVOD achetés par d’autres services que Netflix. Ainsi, comble de l’ironie, nous pouvons en France regarder les quatre saisons de Peaky Blinders sur Netflix, alors qu’elles ne sont pas disponibles sur Netfllix en Angleterre, parce qu’un autre service de VOD les propose.

IMPORTANT : Il existe néanmoins un moyen pour les utilisateurs de ne jamais se retrouver piégés par les droits SVOD qui desservent tant Netflix, suivant le pays où on se trouve. Il suffit d’utiliser un VPN. Avec ce logiciel, vous pouvez surfer entre les Netflix du monde entier, et ainsi avoir un accès à plus de films et séries.

Reprenons. En 2013, Netflix a, financièrement, enfin la possibilité de produire des contenus originaux. Il faut dire qu’ils ont un avantage : la fameuse flexibilité, dont nous parlions tout à l’heure. Pour faire simple, quand une grande chaine américaine propose une série TV, elle la propose à heure fixe. Ainsi, lorsque AMC propose la nouvelle saison d’une de ses séries (au hasard : The Walking Dead), son public (américain) doit regarder l’épisode à une heure fixée à l’avance. Lorsque Netflix propose du contenu, le public est libre de regarder le programme désiré quand il le désire. De plus, Netflix peut le diffuser à l’international, et cela sans passer par d’autres diffuseurs, contrairement aux grandes chaines américaines, comme HBO, CW, ABC ou AMC, qui passent par des services de VOD tels qu’OCS, Amazon Prime Video ou Canal Play.

Rien d’étonnant donc à ce que Netflix se lance dans la production de contenus originaux. Si les techniques de financement sont diverses et variées (nous les avions évoquées dans notre dossier intitulé "Les séries, le nouvel Eldorado ?"), le fait est que, très majoritairement, les séries Netflix sont bien accueillies. Le succès de séries telles que Stranger Things, House of Cards, Orange is the New Black ou encore Narcos tend à prouver que Netflix, avec ses séries originales, a le vent en poupe. En 2013, Netflix gagnait 31 Primetime Emmy Awards, devenant le premier service de VOD à gagner ces récompenses. Si les films originaux Netflix connaissent un succès moins retentissant que les séries, gageons que Netflix ne compte pas rester les bras croisés. Bien que l’entreprise soit critiquée par certains pontifes du cinéma Hollywoodien, comme Christopher Nolan, et que son excellent film Okja n’ait reçu aucune récompense au dernier Festival de Cannes sous le prétexte (fallacieux pour certains) que les films estampillés Netflix ne sortant pas en salles, il n’y a aucune raison pour qu’ils gagnent des récompenses appartenant au monde du cinéma (comme la Palme d’Or), de nombreux réalisateurs semblent se tourner, désormais, vers Netflix. Ainsi, le gigantesque Martin Scorsese prépare pour Netflix un film original, The Irishman, avec Robert De Niro, Al Pacino et Joe Pesci.

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Netflix a toujours le souci de se plier aux attentes du public. C’est sur ces attentes qu'est basée toute sa stratégie. Dans cette optique, l’entreprise a annoncé la production de séries et de films turcs, allemands, français, espagnols, afin de toucher tous les publics.

David contre Goliath ?

Alors que certains présageaient à Netflix un succès éphémère, l’entreprise américaine a montré dernièrement qu’elle est loin d’être un simple effet de mode, tel que le handspinner ou Pokemon Go. Netflix est une entreprise ultra-puissante. Valorisée à 138,3 milliards de dollars, l’entreprise créée par Reed Hastings talonne de près le géant Disney, dont la capitalisation est estimée à 151 milliards de dollars. Certains présagent même que Netflix pourraient prochainement peser plus lourd économiquement que Disney.

Ces chiffres sont néanmoins à prendre avec un peu de recul. En effet, l’analyste financier Michael Nathanson avait tenu des propos plutôt négatifs à Variety concernant l’évaluation de Netflix : "On a le sentiment désagréable que la valeur de l’entreprise est surrévaluée". Pourquoi Netflix mentirait sur les chiffres ? Pour rassurer les créanciers, étant donné que Netflix a emprunté, quelque 3,5 milliards de dollars (un emprunt de 1,6 milliard en octobre 2017, et un nouvel emprunt de 1,9 milliard, annoncé il y a peu). Néanmoins, nous n’avons aucune preuve que Netflix ait menti sur les chiffres, et nous devons, pour l’heure, les considérer comme véridiques.

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D’autant que véridiques ou non, ces chiffres restent impressionnants. Tellement impressionnants que Disney s’inquiète. En effet, on imagine mal que Disney ait pu imaginer que son nouveau concurrent viendrait du domaine de l’internet. Pour contrer ce nouvel adversaire, Disney a annoncé une opération de rachat de 21st Century Fox, une opération qui avait fait les gros titres, et que nous avions analysée dans notre article "Faut-il s’indigner du rachat de la Fox par Disney ?".

A ce jour, nous ignorons si Disney et la Fox vont fusionner, à cause des lois anti-trust. Nous supposons néanmoins que les financiers de la Disney et la Fox savent à quoi s’attendre, et n’auraient sûrement pas tenté une opération aussi vaste si elle devait, de toute façon, s’avérer être un échec cuisant. Si Disney acquiert une partie de la Fox, alors l’Empire de Mickey coupera l’herbe sous le pied de Netflix. En effet, Disney a annoncé l’année dernière sa volonté de créer son propre service de VOD, où seront diffusées toutes les licences, films et séries estampillés Disney et affiliés. Ainsi, Disney privera Netflix de 20% de son catalogue, et pas des moindres. N’oublions pas que sur les 12 films les plus rentables du box-office mondial, sept sont des productions Disney, et deux sont des productions 21st Century Fox, faisant partie du deal entre les deux géants Hollywoodiens.

Néanmoins, n’oublions pas que Netflix a de la ressource. Et les chiffres extraordinaires que l’entreprise a annoncés tendent à prouver que désormais, l’époque des Big Five de Hollywood est révolue. Il y a désormais les Big Two : Disney et Netflix. Pour vous conforter dans cette idée, sachez que le concurrent historique de Disney a toujours été Time Warner. Time Warner, qui pèse 73,9 milliards de dollars. Soit 64,4 milliards de dollars de moins que Netflix. Presque moitié moins.

Nous ignorons de quoi l’avenir sera fait pour ces deux géants. Qui gagnera ? L’avenir y répondra. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que ces deux mastodontes doivent prendre en compte l’arrivée d’un nouveau concurrent sur le ring : Amazon Prime Video, qui a annoncé produire la série la plus chère de tous les temps, Le Seigneur des Anneaux, réussissant là un gigantesque coup de communication, étant donné que le service de VOD bat un record alors que presque aucune somme n’a été avancée à ce jour. 

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Source(s) : Netflix

Mots-Clés : netflixdossierhistoire

Salut, c'est Gaëtan. Diplômé d'un Master en Langues Modernes, je suis un grand passionné de Culture Pop. J'ai une affection toute particulière pour la culture des années 80/90. Grand lecteur, je suis aussi cinéphage et sérivore (un régime alimentaire des plus équilibrés !). Passionné par le Moyen-Âge, je suis un grand fan de Fantasy. Sinon, j'adore le cinéma coréen, la littérature japonaise, les séries et les comics britanniques. Ah, j'oubliais : pour savoir s'il y a du vent, faut mettre son doigt dans le cul du coq.

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Commentaires (7)

Par jeanLucasec, il y a 6 ans :

Success story de dingue !

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Par Skw4ll, il y a 6 ans :

Il est tellement dommage que la chronologie des médias soit punitive en France surtout pour le consommateur, j'adore netflix pour ses séries mais je serais ravi de pouvoir voir mes films préféré quelques mois après leur sortie en salle sur la plateforme au lieu de 3 ans ...

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Par Paeh, il y a 6 ans (en réponse à Skw4ll):

C'est ce que j'allais écrire, cette loi devrait vraiment être réformée, voir abrogée.

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Par Kirishikey, il y a 6 ans :

Je suis le seul à penser que pour l'instant, Netflix et Disney sont plus complémentaires que réellement rivaux ?
Ils ne boxent pas dans la même catégorie.
Disney fonde une immense part de sa force sur le cinéma : il lui fournit une confortable partie de ses revenus, et surtout, il est la vitrine mettant en valeur les jouets et produits dérivés qui feront envie aux enfants, sans parler des parcs d'attractions où on s'efforcent de retrouver la magie des films.
Qui connait une série Disney de qualité, à destination d'un public adulte ?

A l'inverse, qui connaît un film Netflix de qualité ? Ils sont encore dénombrables sur les doigts de la main, ou presque. Et ce n'est pas Bright qui dira le contraire.
Par contre, niveau séries, comme dit l'article, ça envoie du lourd. Après tout, c'est là le réel domaine d'expertise de Netflix.
Donc, ce qui compte pour Netflix, c'est la fidélisation des clients, qui doivent repasser à la caisse chaque mois. Et c'est pas demain la veille que ça passera par les films : il faut bien 2 ans pour venir à bout d'un film de qualité, qui réclame un budget colossal à l'échelle de Netflix (100 millions pour un blockbuster acceptable), et peut très bien se planter. Donc les séries, moins chères à produire, plus longues, plus nombreuses, plus diversifiées, vont rester encore un bon moment le fer de lance de Netflix.

Ceci dit, on dirait que Netflix est conscient qu'un jour Disney se mettra massivement aux séries pour continuer à sur-dominer le marché : Netflix est vraiment actif sur les animations, avec beaucoup de films et de séries actuellement diffusées ou à venir.

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Par Gaetan, il y a 6 ans (en réponse à Kirishikey):

ABC (qui est des cinq grand networks américains) et Hulu (la plateforme qui produit The Handmaid' tale) appartiennent à Disney. :)

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Par Kirishikey, il y a 6 ans (en réponse à Gaetan):

Depuis quand Hulu appartient à Disney ? La plateforme est issue de l'alliance Disney Fox et NBC. Pour l'instant la Fox n'appartient pas encore à Disney. Et NBC, encore moins.

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Par Gaetan, il y a 6 ans :

Dès lors où la fusion entre Disney et Fox aura lieu, Disney sera actionnaire majoritaire de Hulu. C'est d'ailleurs à cause de ça qu'ils comptent utiliser Hulu comme service de VOD auxiliaire à celui qu'ils vont créer.

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