Au cours des années 2000 (en s'étalant un peu), Christopher Nolan a sûrement dévoilé la plus brillante saga autour du Chevalier noir. Si brillante que sa succession semble difficile à enclencher pour l'univers DC.
Trois films pour autant de classiques. Avec, au milieu, un joyau du septième art, le second du nom. L'énumération des qualificatifs est interminable tant Christopher Nolan a réussi à dépoussiérer la légende d'un super-héros aussi vieux que les super-héros eux-mêmes. Par son fort charisme et son explosion médiatique, la trilogie a également influé l'environnement de Batman dans les salles obscures. Pourtant, quelques petites années après son dernier opus, DC souhaite imposer un nouveau souffle sur la franchise. Un souffle inespéré au-dessus duquel se dresse une épée de Damoclès. Décryptage.
Un monde lugubre
Plus que jamais, Nolan a démontré que Batman n'avait rien d'enfantin. À l'aube d'un MCU qui a assouvi le jeune public et surtout après une première saga Spider-man, également très appréciée par les enfants, le réalisateur a joué avec succès la carte d'un univers sombre et mature. Par sa mise en scène et ses scènes parfois crues, pour la première fois, Batman a collé avec son image moderne. En parallèle de la série des jeux vidéo Arkham, elle-aussi très sombre, la saga a contribué a façonner ce à quoi ressemble le Chevalier noir aujourd'hui.
Et c'est sûrement ce qui cloche avec Ben Affleck et le DC Cinematic Universe. En souhaitant marcher dans les pas de son éternel concurrent, la firme américaine en a oublié son propre environnement beaucoup plus sombre. De plus, l'intégration du héros aux côtés de Superman, qui dévie complètement de l'image sombre de Batou déchante évidemment son image. De manière plus générale d'ailleurs, la Justice League a un caractère bien plus friendly que peut l'avoir Batman.
Si la trilogie de Nolan s’est offerte un succès tel, c’est également grâce à son traitement qui sortait des super-héros héros ultra classiques. Avec une intrigue développée prenant de grosses largeurs avec le matériel de base (jamais les cicatrices du Joker n’avaient été évoquées par exemple), Christopher Nolan a osé, avec brio. En somme, le personnage de Batman n’est presque qu’une vitrine qui cache un polar sombre et austère. La tendance est d’autant plus prononcée qu’aucun super-pouvoir ne découle du film, les trois protagonistes - Batman, le Joker et Double-Face - ne sont distinguables qu’avec leurs habits originaux. Le réalisateur et ses scénaristes ont puisé au plus profond des films de détective avec une histoire étouffante pour ne tirer que le meilleur du chevalier noir.
Un super-héros, sans pouvoir
Transition idéale pour aborder un point très important : l’absence de super-pouvoir dans un film. Force est de constater que quelques années plus tôt, le Batman de Tim Burton s’offrait déjà un imposant succès sans mettre en avant le moindre super-pouvoir. Voilà une nuance, certes faible, qui maintient néanmoins le film dans une sorte de crédibilité mature qui dénote avec l’omnipotence des super-héros parfois outrageuse qui façonnent des univers bien moins cohérents. Batman, derrière son masque noir et ses petites oreilles pointues de chauve-souris, conserve son âme humaine et c’est, en partie, ce qui rend le personnage aussi apprécié.
Tout l’environnement du personnage est également traité avec une précision chirurgicale. Du Commissaire Gordon en passant par Alfred et Lucius Fox, Christopher Nolan a réussi à peindre toute une mosaïque du Chevalier Noir sans surjouer la carte du comics. Quelques références plus précises amuseront les lecteurs, mais n’empêcheront pas les autres de comprendre l’histoire. Avec le DC Cinematic Universe, Alfred est noyé dans la masse des personnages secondaires, au même rang que Loïs Lane et voit son intérêt être divisé de manière exponentielle. Lucius n’existe pas, le Commissaire Gordon non plus. Comme un héros sombre et seul errant dans les rues de Gotham, il semblerait que Batman ait besoin d’être seul pour faire briller le reste de son univers.
L'héritage compliqué de Ledger
C'est également l'un des vrais poids désormais : le Joker. Interprété brillamment par Heath Ledger, il a connu, pour beaucoup, son adaptation la plus réussie. Laquelle est bien différente de celle de Nicholson quelques années plus tôt, dans un esprit paradoxal, mais tout aussi pertinent. Et l’adaptation de Ledger est tellement bonne qu’elle semble bloquer le personnage du Joker pour les prochains films DC. Plus personne n’imagine le Clown sans ses cicatrices et cet esprit complètement fou.
Dans sa dernière oeuvre, Suicide Squad, DC a tenté d’abattre la carte d’un Joker complètement différent, sûrement pour ouvrir une nouvelle perspective et ne pas prendre le risque de faire moins bien que Ledger. Mauvaise idée. Dans tous les cas, la nouvelle interprétation sous Joaquin Phoenix devra avoir sa propre couleur et sa propre âme pour relancer le vilain au septième art. Cependant, cette nouvelle production au petit budget dans l’ombre du DC Universe semble, encore une fois, être un aveu de faiblesse de la firme qui se rend bien compte que Batman mérite un traitement tout autre que celui du DCCU. Car dans son interprétation, froide et adulte, le Joker ne peut intégrer un monde qui vise, plus ou moins, le jeune public.
Le problème : lorsque Heath Ledger s’est mué sous les traits du Joker, il était déjà un énième successeur du personnage. Avant lui, d’autres grands noms se sont fondus dans la peau du Clown. Ledger était d’ailleurs savamment critiqué parce que sous sa toise de joli blondinet il n’avait rien de franchement machiavélique. Son interprétation a toutefois marqué le personnage a jamais et la succession de Leto, récente, puis la nouvelle de Phoenix offrira donc un troisième visage au Joker en… dix ans. C’est beaucoup trop, surtout quand on sait le besoin d’identification des fans de la franchise.
Vers un Bat-Verse ?
En l’espace de quelques années et seulement trois long-métrages, Christopher Nolan a réussi a parcourir, même si parfois brièvement, l’univers de Batman. Voilà qui devrait donner des idées à DC Comics qui, au lieu d’intégrer de manière très survolée son personnage dans une Justice League qui laisse clairement à désirer, pourrait bien créer un Bat-Verse. Au même titre que le compliqué Spider-Verse qui semble se dessiner chez Marvel.
Ce n’est d’ailleurs pas une surprise si les deux termes reviennent à plusieurs reprises car l’Araignée et la Chauve-souris sont deux des personnages ultra influents du monde des comics. Objectivement, ce sont également eux qui disposent des univers les plus fournis. À lui seul, Batman jouit d’un incroyable nombre d’ennemis emblématiques que ne peuvent que lui envier les autres super-héros. À titre de comparaison, Nolan n’en a dévoilé qu’une infime partie dans sa trilogie. On notait l’Épouvantail, le Joker, Double-Face ou encore Bane, mais le Sphynx, le Pingouin ou encore Poison Ivy pourrait corroborer une série de films classiques au cinéma. Bien loin de Doomsday et l’univers très éparpillé du DCCU.
Par jeanLucasec, il y a 6 ans :
Gloire à Batman
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