Sorti aujourd'hui en salles, Birds of Prey ou la Fantabuleuse Histoire de Harley Quinn est le dernier film du DC Extented Universe. Pour la seconde fois, le spectateur suivra les aventures de Harley Quinn, quatre ans après l'échec retentissant de Suicide Squad. On l'a vu, et on vous donne notre avis.
Résumé
Tout va mal pour Harley Quinn. Lorsqu'elle rompt avec Mister J, tous les criminels et les flics de Gotham se lancent à ses trousses. Lorsqu'un parrain local la pousse à capturer une jeune pick-pocket, la vie de Harley en sera bousculée. Elle croisera sur sa route de nombreuses héroïnes, Black Canary, Huntress et Rosie Perez. Harley Quinn devra choisir entre s'en faire des ennemies supplémentaires ou des alliées.
Suicide Squad au féminin ?
Bien que par de nombreux aspects Birds of Prey soit différent de Suicide Squad, les deux films partageant un personnage commun (Harley Quinn), les comparaisons seront nécessaires. D'autant plus que le film semble partagé entre l'envie de rompre avec le film de David Ayer, tout en prolongeant le style. Il en résulte que Birds of Prey ou la Fantabuleuse histoire de Harley Quinn possède des qualités intrinsèques que n'avait pas Suicide Squad, et que quand le film échoue, c'est souvent pour les mêmes raisons. Explications.
Tout d'abord, l'ambition scénaristique des deux films n'est pas la même. Là où Suicide Squad désirait nous emmener d'un point A à un point B par tous les raccourcis possibles, Birds of Prey prend parti inverse : nous raconter une histoire, en prenant un maximum de détours. L'une des stratégies les plus utiles qu'utilise le film, c'est de faire de Harley Quinn la narratrice de l'histoire, une narratrice forcément pas fiable. D'où des flashback (pas toujours justifiés, il est vrai). Cathy Yan et Christina Hodson, respectivement réalisatrice et scénariste du film, ont par ailleurs su comprendre l'origine de certains problèmes de Suicide Squad, et ont su, dans une certaine mesure, corriger le tir. Si dans le film de David Ayer le personnage de Harley Quinn sortait clairement du lot (grâce au charme faussement innocent de Margot Robbie), le film se voulait presque comme une stérile guerre d'égo entre les différents personnages, qui s'envoyaient des vannes pendant tout le film. Birds of Prey prend là encore le parti inverse, du moins jusqu'au dernier quart du film. Car si le film est une origin story du célèbre groupe d'anti-héroïnes créé dans les années 90, la véritable star du show, c'est Harley Quinn. C'est Harley Quinn qui monopolise l'écran. Et ce n'est que dans le dernier quart, quand les autres personnages prennent plus d'importance, que commence la bataille tant redoutée.
Cependant, et on en comprend les raisons, le film ne pouvait pas tirer un trait définitif sur Suicide Squad. Cathy Yan était bien obligée de reprendre les codes esthétiques du film de David Ayer, tout en tentant de rendre une meilleure copie. Ainsi on retrouve cette même esthétique pop MTV, avec les incrustations graphiques fluos. Forte heureusement, Cathy Yan arrive, en jouant avec les décors et les effets de lumière, à réaliser un film avec de bonnes idées visuelles. On pense notamment à la scène de braquage du commissariat.
Là où le film pèche le plus, c'est dans son approche scénaristique. Si là encore la copie rendue est indéniablement de meilleure facture que Suicide Squad, certains travers du film de David Ayer ont résisté, et sont encore présents. Tout d'abord, le personnage de Harley Quinn (au demeurant bien interprété par Margot Robbie) n'est pas drôle. Or on sent, pendant tout le film, la volonté d'en faire un personnage marrant, le principal élément comique du film. Et on peut le comprendre : le personnage de Harley Quinn possède un fort potentiel comique. Cependant, les blagues sont à la fois trop appuyées et calibrées pour susciter le rire. Ensuite, le scénario souffre par ses manques. Si la rupture entre le Joker et Harley Quinn sert de point de départ à Birds of Prey, le Joker brille par son absence. Rares sont les moments où Harley Quinn pense à son ancien amant, qui est censé occuper toutes ses pensées, constamment. Mais cette faiblesse du scénario est en vérité intrinsèquement lié au second point sur lequel nous voulions revenir : l'échec du message féministe du film.
Un film féministe, vraiment ?
Attention, cette partie aura quelques spoilers. Nous vous conseillons de revenir la lire après avoir vu le film.
Dès l'introduction de Birds of Prey, Harley Quinn évoque son désir d'émancipation. On comprend dès lors que Warner nous propose là un film calibré pour l'ère #MeToo. Qu'un studio tente de produire un film sur l'émancipation féminine, cela ne nous dérange absolument pas, bien au contraire. On pourrait même être assez client d'un tel projet. Cependant, le discours féministe de Birds of Prey n'est pas amené finement, bien au contraire.
Car dès lors où il est question de féminisme, le film s'embourbe dans tous les clichés possibles et imaginables. En tout premier lieu, il ressort de ce film un discours du type "Seules contre tous". Alors on va pas jouer les mecs atteints dans leur masculinité, cependant, le fait qu'il n'y ait pas un seul personnage masculin gentil, et aucun personnage féminin méchant est assez évocateur. Le méchant ? Un milliardaire déshérité (interprété par Ewan McGregor, assez convaincant dans son jeu). Le seul flic connu ? Un pourri qui s'attribue les mérites de sa collègue. Le but de Huntress ? Tuer les mecs qui ont tué sa famille, et surtout sa mère. Le restaurateur asiatique avec qui Harley Quinn est amie ? Un traître, qui la vend, car après tout "Business is business". On s'amusera par ailleurs que pour étayer son propos supposément féministe, le film plonge dans le cliché raciste.
Le film devient ensuite ridicule dans son dernier quart. Car là encore, il résulte de cette volonté affichée de faire un discours féministe au demeurant idiot, que certaines scènes sont proprement ridicules. Le combat dans le parc à thème du Joker, par exemple, est à pleurer de rire. Surtout quand Harley Quinn s'arrête en plein combat pour proposer un chouchou à Black Canary.
Le discours féministe du film est inintéressant, car inutile. Au lieu de faire un film sur la difficile émancipation des femmes, l'équipe créative nous a proposé un film sur la nécessité de l'émancipation des femmes. Mais qui dira le contraire, à part une minorité conservatrice frustrée ? Qui ? C'est regrettable, car si le film avait traité la question de la difficile émancipation des femmes, cela aurait à la fois été utile et en plus en totale adéquation avec le personnage de Harley Quinn : Harley Quinn veut s'émanciper, mais n'arrive pas à oublier son amour dévastateur pour le Joker. Cela aurait pu donner des scènes véritablement en accord avec le LORE du personnage. On aurait pu imaginer par exemple un dernier acte durant lequel Harley Quinn apprend que le Joker s'est trouvé une nouvelle amante. Folle de rage, elle se rend chez le Joker pour la tuer, et se rend compte que ce n'était qu'une rumeur lancée par Monsieur J pour la ramener auprès de lui, et lui faire la démonstration qu'elle est toujours accroc.
Conclusion
En dépit du fait que le film soit meilleur que Suicide Squad, grâce notamment à quelques bonnes idées visuelles, on peut difficilement qualifier Birds of Prey ou la Fantabuleuse Histoire de Harley Quinn de bon film. Très vite, malgré les meilleures intentions du monde, le film s'embourbe dans tous les clichés, et offre un message, supposément féministe, dénué d'intelligence. Regrettable.
Par jeanLucasec, il y a 4 ans :
J'y vais dès ce soir
Répondre à ce commentaire
3
17