Enfin, l'épisode 3 de la saison 8 de Game of Thrones est sorti. Après avoir été teasée pendant de longs mois, la Bataille de Winterfell, opposant les vivants à la redoutable Armée des Morts, a déferlé sur nos écrans. On peut dire, sans crainte de se tromper, que jamais auparavant un épisode de série avait été aussi attendu. Et comme chaque fois qu'une oeuvre suscite une telle attente, elle fait des déçus. L'épisode The Long Night divise, et il s'agit peut-être même de l'épisode de Game of Thrones qui a le plus divisé les spectateurs de la série. Personnellement, j'ai été amplement satisfait par cet épisode. Peut-être pourrait-on me reprocher que je ne suis pas très objectif quand je parle de Game of Thrones (il s'agit de ma série préférée, que je vois et revois régulièrement, sans jamais me lasser), néanmoins, il me semble que certains reproches faits à cet épisode peuvent être nuancés.
Attention : Je donne ici mon avis personnel, qui n'est pas celui de l'ensemble de la rédaction de Hitek. Par ailleurs, je respecte totalement que certaines personnes puissent être en désaccord avec mes propos. Aussi, si vous êtes en désaccord avec moi, je vous prierais d'être aussi poli avec moi que je le suis avec vous. C'est la base pour faire avancer le débat.
Azor Ahai
Parmi les reproches qui sont le plus souvent faits à cet épisode 3 de la saison 8 : le destin d'Arya, qui tue le Night King à la fin de l'épisode. Comme beaucoup, je pensais que Jon Snow serait le fameux Azor Ahai, l'élu du Dieu de la Lumière destiné à tuer le Night King. Il faut dire que tout nous laissait croire ça : Melisandre a ressuscité Jon Snow, et le fils adoptif de Ned Stark est le personnage qui a le plus de fois affronté l'Armée des Morts. Or, cet épisode a entériné cette hypothèse, de manière définitive.
Mais est-ce que le fait que Jon Snow ne soit pas celui qui tue le Night King, et donc ne soit pas Azor Ahai est une trahison ? Je ne le pense pas. Et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, c'est dans l'essence même de Game of Thrones que de nous surprendre, en nous trompant sur les identités des personnages. Je m'explique. Pendant longtemps, dans la Fantasy (jusqu'à l'apparition des anti-héros tels que Geralt De Riv ou Locke Lamora), les héros pouvaient être répartis en deux grandes catégories : celle du chevalier courageux, loyal, honorable (comme Aragorn dans Le Seigneur des Anneaux) ou celle du guerrier barbare (comme Conan dans Conan le Cimmérien). En tuant Ned Stark (archétype de la première catégorie) et Khal Drogo (archétype de la seconde), Game of Thrones s'inscrivait dans une nouvelle forme de Fantasy. Pourtant, Jon Snow, de plus en plus, par son courage, par son habileté au combat, par son sens de l'honneur, a commencé à ressembler de plus en plus à l'archétype de la première catégorie. Pour couronner le tout, il était même, aux yeux de certains, l'Elu (un autre leitmotiv des parfaits héros de Fantasy, comme Harry Potter). Ainsi, ce qui s'apparente à une trahison pour certains fans me semble être finalement assez proche de l'esprit de George R.R. Martin : le héros n'est jamais celui qu'on croit.
Ensuite, il convient également d'admettre que si Melisandre pensait que Jon Snow était Azor Ahai, les prophéties de la Dame Rouge ne doivent pas être considérées comme telles. Melisandre s'est déjà trompée concernant Stannis Baratheon. Par ailleurs, je voudrais revenir sur la notion de "prophétie". Qui dit prophétie dit religion, les deux étant intrinsèquement liées. Or la religion est une question très complexe dans Game of Thrones tant au niveau de l'histoire racontée que dans la narration en elle-même. Si les personnages croient tous, plus ou moins, en un ou plusieurs dieux, nous n'avons aucune preuve, nous spectateurs, de l'existence de ces mêmes dieux. Certes Melisandre parvient à ressusciter Jon Snow, mais Melisandre n'est-elle pas finalement un peu sorcière ? Ne pense-t-elle pas finalement que ses pouvoirs viennent d'un Dieu alors que ces pouvoirs viennent tout simplement d'elle-même ? Même si pour les personnages les visions de Melisandre ont la valeur de prophéties, elles ne sont pour le spectateur averti que de simples visions, tant que nous n'avons pas la preuve formelle que les dieux de Westeros existent. Des visions contradictoires qui plus est, puisque Melisandre voyait en Jon Snow le Azor Ahai, alors que la Grande Prêtresse Rouge pensait que c'était Daenerys.
Et si finalement il y avait plusieurs Azor Ahai ? Jon Snow, Daenerys Targaryen, Arya Stark et pourquoi pas Beric Dondarion ? Et si, finalement, Azor Ahai n'était pas le guerrier du Dieu de la Lumière mais LES guerriers ?
Le Roi de la Nuit
Autre reproche qui a souvent été fait contre cet épisode, c'est le fait que le Roi de la Nuit est tué trop facilement. Je tiens à rappeler une chose : l'axe principal de la série, c'est la guerre pour le trône de fer. C'est la motivation qui se cache derrière les destins de la majorité des personnages, Cersei et Daenerys en premier chef. Le fait que l'axe narratif secondaire soit terminé dans le troisième épisode, afin de laisser le temps à la série de boucler toutes les autres lignes narratives ne me semble finalement pas extraordinaire, bien au contraire. On me rétorquera que les Marcheurs Blancs sont les premiers personnages qu'on voit dans le premier épisode de Game of Thrones. C'est vrai. Mais cela ne veut pas dire qu'ils forment l'axe narratif principal de la série. La série s'appelle Game of Thrones, ce qui me semble assez éloquent relativement à la hiérarchisation des axes narratifs. On me rétorquera également que la série de livres s'appelle A Song of Ice and Fire. Oui. C'est vrai aussi. Mais on a compris dès la saison 6 que ce titre ne faisait pas référence aux Marcheurs Blancs et aux Dragons, mais plus à Jon Snow, qui en tant que Stark et Targaryen, fait cohabiter la glace et le feu.
Arya tue-t-elle trop facilement le Roi de la Nuit ? Peut-être. C'est vrai qu'elle arrive de manière complètement inopinée, en sautant comme un ninja. Seulement, là encore, il me semble possible de défendre la série. Si Arya arrive à passer les morts et les Marcheurs Blancs pour s'attaquer au Roi de la Nuit, c'est parce que les Marcheurs Blancs sont trop occupés à assister à la scène offerte par le Roi de la Nuit. L'arrivée impromptue d'Arya ne correspondant pas à ce qu'ils attendaient, ils n'ont pas eu le temps d'encaisser l'idée qu'une intruse venait de faire son arrivée. On voit d'ailleurs un Marcheur Blanc commencer à sentir sa présence, lorsqu'on voit une mèche de cheveux blancs s'agiter. Mais c'est sans compter le fait qu'Arya est à la fois rapide et silencieuse. Quant aux Morts, eux semblent dénués de toute forme de volonté ou d'initiative. Sans oublier qu'ils sont carrément débiles. Dans l'épisode 6 de la saison 7, c'est parce que le Limier a balancé une pierre qui a glissé sur la glace que les morts ont commencé à avancer, et encore, au compte-gouttes, avant de se lancer par centaines. De même, si le Roi de la Nuit n'avait pas utilisé sa magie, les morts ne se seraient pas jetés dans le feu pour faire un passage, dans la Bataille de Winterfell. Du coup, l'arrivée d'Arya ne me semble pas si fantaisiste que ça.
Le fait qu'Arya tue le Roi de la Nuit par surprise n'enlève rien à sa puissance. Il a seulement péché par un excès de confiance en lui (ou plutôt parce qu'il a mal jugé la force des mortels). Certains ont pointé du doigt le fait que le Roi de la Nuit soit tué avec de l'Acier Valyrien. Leur argumentation est assez intéressante, puisque le Roi de la Nuit ne craignant pas le feu-dragon, on peut s'étonner du fait qu'il craigne une lame forgée avec du feu-dragon. Mais là encore, on peut, je pense contre-argumenter. Je pense que si le Roi de la Nuit ne craint pas le feu-dragon, c'est parce qu'il manipule le froid, l'air glacial triomphant apparemment sur le feu-dragon. C'est du moins ce que laisse penser l'arrivée du Roi de la Nuit dans l'épisode 5 de la saison 6, lorsqu'il passe le feu créé par les Enfants de la Forêt, afin de rentrer dans la Caverne de la Corneille aux Trois Yeux. Le Roi de la Nuit ne rentre pas dans les flammes : les flammes baissent sur son passage. Autrement dit, sans cette capacité de manipuler le froid, il craindrait le feu-dragon, ce qui explique le fait qu'Arya puisse le tuer avec de l'acier Valyrien.
Pas de morts marquantes ?
Malgré la mort d'Eddison Tollett, de Theon Greyjoy, de Melisandre, de Beric Dondarion, de Jorah Mormont et Lyanna Mormont, il est vrai que les spectateurs n'ont pas eu à pleurer de morts de personnages principaux. Ceux qui attendaient la mort de Jon Snow ou Daenerys Targaryen, Sansa ou Arya Stark, Jaime ou Tyrion Lannister, Brienne et Thormund, le Limier ou Gendry, Davos ou Samwell ont dû être déçus.
Néanmoins, je voudrais revenir sur deux points. Tout d'abord, le fait que ces personnages ne soient pas morts ne signifie en rien que l'armée des Morts n'était pas redoutable. On ne compte même plus le nombre incroyable de victimes que l'Armée des Morts a laissé derrière elle. La cavalerie Dothraki a été presque entièrement décimée et, selon moi, les Immaculés ne sont plus très nombreux non plus. Le nombre de victimes est incroyable. Du coup, je m'interroge. Certains auraient-ils souhaités que, pour montrer la monstruosité de l'Armée des Morts, tous les personnages principaux y passent ? J'aurais trouvé cette fin décevante. Encore une fois, l'axe narratif principal de Game of Thrones est la conquête des Sept Couronnes. La politique avant la magie, en somme.
Ensuite, je reconnais que les scénaristes n'ont pas voulu tuer, pour des raisons scénaristiques, des personnages qui, pour plus de crédibilité, auraient dû mourir. Mais ces personnages sont, je pense, tellement importants pour la suite de l'Histoire, que cela aurait été dommage qu'ils périssent pendant la Bataille de Winterfell. Par exemple, si Le Limier avait péri pendant la Bataille, il ne pourrait pas se battre contre son frère, La Montagne. Si Tyrion ou Jaime étaient morts, l'axe narratif tissé entre Bronn et les deux frères, et plus important encore, entre les deux frères et Cersei, serait mort avec eux. Si Daenerys avait succombé, les jeux politiques n'auraient plus eu d'importance. Et pour chaque personnage survivant, on peut trouver une raison scénaristiquement intéressante justifiant sa survie. Si Thormund était mort, serait mort avec lui le symbole pour le seul véritable sauvageon identifiable pour les spectateurs, et la question sauvageonne tomberait donc dans l'oubli, alors que personnellement je m'interroge sur l'avenir du Peuple Libre une fois la guerre pour le trône terminée (resteront-ils au Sud du Mur, retourneront-ils sur leurs terres, noueront-ils des relations commerciales avec le Nord et le reste des Sept Couronnes).
Un épisode trop sombre
Si effectivement l'épisode était tellement sombre que certaines scènes ont pu paraître, sur certains écrans, illisibles (j'ai dû augmenter au maximum la luminosité de mon ordinateur, et regarder l'épisode de nuit), nos confrères de Numerama nous apprennent que la responsabilité incombe non pas à la direction artistique de l'épisode, mais bien plus à des problèmes d'encodage d'OCS. Autrement dit, dans de bonnes conditions, il est possible de profiter pleinement de l'épisode.
Du coup, malgré quelques facilités scénaristiques, malgré une charge des Dothraki débile d'un point de vue militaire, mais génial d'un point de vue artistique, je retiendrais de cet épisode une bataille magnifique, dantesque, qui a su me faire rester en apnée, me faire craindre pour des personnages que j'adore, me faire perdre haleine quand ils perdaient haleine, me faire perdre courage quand ils perdaient courage, me faire trouver de l'espoir quand ils trouvaient de l'espoir. Un épisode avec une bande originale d'une beauté crépusculaire (merci Ramin Djawadi !), avec des image tellement magnifiques qu'elles ressemblent à des tableaux. Une bataille réalisée d'une main de maître, qui a su satisfaire à son plus haut niveau mon excitation de fan absolu de Game of Thrones.
Encore une fois, je ne fais que donner mon avis sur cet épisode que j'ai adoré. J'imagine sans mal que mes arguments ne satisferont pas ceux à qui l'épisode a déplu. Mais bon. Je ne me lasse pas de parler, et de défendre, Game of Thrones, qui reste à mes yeux la plus grande merveille télévisuelle de l'Histoire.
Par jeanLucasec, il y a 5 ans :
Episode de dingue !
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