Depuis le 9 octobre, et la sortie du film Joker de Todd Philipps, avec Joaquin Phoenix dans le rôle-titre, la némésis de Batman et son nouvel interprète sont omniprésents sur Internet. Il faut dire que l'interprétation de Joaquin Phoenix était ahurissante. Voici une tentative de classement finalement assez subjective, mais tentant de s'accrocher à des éléments objectifs, des interprétations du Joker, à la télévision comme au cinéma.
Attention : cet article reflète uniquement l'opinion de son auteur, et non celle de l'ensemble de la rédaction de Hitek. Si vous n'êtes pas d'accord, je serai toutefois ravi d'en discuter avec vous dans les commentaires, à condition bien sûr que cela se fasse dans le respect et la cordialité, éléments essentiels à un débat tenu en bonne et due forme.
6. Jared Leto dans Suicide Squad
Cela ne surprendra personne, je pense, mais le Joker de Jared Leto se trouve à la dernière place du classement. Son interprétation du Joker ne m'a malheureusement pas convaincu. Le personnage ressemble bien plus à une racaille aux cheveux verts qu'à la Némésis du Chevalier Noir de Gotham. Certaines scènes, comme celle dans le Night Club, sont ridicules. On imagine mal le Joker parler à un petit dealer à chaîne d'or en lui disant "Tu veux baiser ma pute"... J'entends déjà dire les défenseurs de Jared Leto qu'une bonne partie de ses scènes ont été coupées, qu'il était de toute façon à la périphérie de Suicide Squad, et qu'il n'a pu dévoiler tout son potentiel d'acteur. Soit. D'autant plus que Jared Leto est un bon acteur, et il nous l'a prouvé autant dans Requiem for a Dream de Darren Aronosfky que dans Lord of War d'Andrew Niccol, en passant par Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée (qui lui valut un Oscar) et Mr. Nobody de Jaco von Dormael. Mais le problème est ailleurs : dès lors où on propose un Joker qui sert de faire-valoir à Harley Quinn, cela ternit nécessairement le rôle du Joker. Et puis même son interprétation pose problème, à mon sens. J'avoue que l'image d'un Joker avec des "Hahaha" tatoué sur le corps, avec des dents en or façon JoeyStarr et un sourire tatoué sur la main, cela me laisse assez perplexe. D'autant plus que le Joker façon Jared Leto n'avait rien d'un clown, et se résumait à un névrosé riant aux éclats allongé sur le sol, entouré de couteaux. Le fait qu'il soit à la périphérie ne lui a enlevé qu'une dimension du personnage, ce côté complètement fou, mais également brillant, lui permettant de fonder des plans incroyablement rodés. Quand dans un comics le Joker apparait alors qu'il n'est pas la principale menace de Batman, comme c'est le cas dans Batman : Un long Halloween et Batman : Silence de Jeph Loeb, le Joker reste le Joker. Classe, charismatique, fou et clownesque.
5 - César Romero dans la série et le film Batman de 1966
Si le film comme la série de 1966 avec Adam West paraissent aujourd'hui aussi kitsch que possible, à tel point que la série a souvent été moquée par The Big Bang Theory, notons néanmoins qu'elle a eu une importance somme toute importante dans la pop culture. Grâce notamment à César Romero, qui interprète un Joker unique. Le Joker de Romero est un Joker ultra-burlesque. S'il n'est pas ce monstre dément tels que le seront Heath Ledger et Joaquin Phoenix, il faut remettre les choses en perspective. Le Joker, dans les comics, a gagné en noirceur, notamment suite à The Killing Joke d'Alan Moore. Le Joker de Romero correspond donc bien aux comics tels qu'ils étaient à l'époque de leur production. Par ailleurs, Romero a su insuffler à son personnage un je-ne-sais-quoi shakespearien, qui a fait que cette interprétation, bien que vieillotte, reste mémorable.
4 - Mark Hamill dans Batman, la série animée
J'ai longtemps hésité à mettre Mark Hamill à la troisième place, mais n'étant que le doubleur du personnage, on peut difficilement le trouver meilleur que Jack Nicholson, qui a prêté au Joker sa voix, son visage, son corps, sa gestuelle. Mais le Joker de Mark Hamill n'en demeure pas moins absolument dingue, et explique en grande partie le succès de la série animée Batman de Paul Dini et Bruce Timm. A la fois drôle et machiavélique, le Joker de Mark Hamill vole facilement la vedette à Batman. C'est également dans cette série que naitra Harley Quinn. Le génie de Paul Dini, c'est d'avoir donné au Joker une identité forte, mais également un univers taillé à sa mesure. Car le Gotham de Paul Dini et Bruce Timm est autant, sinon plus, la ville du Joker que de Batman. Même ses accessoires font état de son narcissisme, sa voiture affichant son sourire de dingue. Et son rire est aujourd'hui véritablement culte. J'aime énormément ce Joker.
3 - Jack Nicholson dans le Batman de Tim Burton
Jack Nicholson qui interprète le Joker, c'est l'évidence même. L'acteur légendaire est tellement habitué aux rôles de personnages frôlant la folie (Vol au-dessus d'un nid de coucou, The Shining), qu'à l'époque du film de Burton, il aurait été de mauvais goût de choisir un autre acteur pour ce rôle. Et Jack Nicholson est parfait dans ce rôle. Son Joker est d'une extravagance fanfaronne, qui confère au personne une présence jubilatoire pour le public. Jack Nicholson interprète un personnage profondément clownesque, qui aime se mettre en scène, et qui, pour jouir de lui-même, a besoin du regard des autres. En ce sens, il est l'extrême opposé de Bruce Wayne, qui n'est véritablement lui que dans l'obscurité, dans l'ignorance d'autrui concernant sa propre identité. Autre chose que j'apprécie avec ce Joker, même si c'est indépendant de l'interprétation de Jack Nicholson, c'est le fait que, de la même manière qu'il n'y a pas de Joker sans Batman, il n'y aurait pas de Batman sans Joker.
2. Heath Ledger dans The Dark Knight de Christopher Nolan
Attendez, avant de gueuler. Pour dire vrai, j'aime autant le Joker façon Heath Ledger que le Joker façon Joaquin Phoenix. Ces deux acteurs incroyables ont bouleversé la façon de percevoir le personnage, et ils serviront de mesure-étalon pour les prochaines interprétations du Joker. Heath Legder a signé ici son meilleur rôle (avec celui qu'il a eu dans Le Secret de Brokeback Mountain d'Ang Lee). Méconnaissable, Heath Ledger a complètement réinventé le rôle autant qu'il s'est réinventé lui-même. Sa performance d'acteur est complètement dingue, et notre cultomètre (machine intérieure permettant de mesurer le nombre de scènes cultes) ne fait que s'agiter à chaque fois qu'on revoit le film. Le Joker et son tour de magie, Le Joker habillé en infirmière, le Joker brûlant un tas de billet, le Joker avec un masque de clown dans le braquage introductif, le Joker donnant sa carte. Heath Ledger livre une interprétation tellement viscérale, que son sourire éternel est deux cicatrices. La folie du Joker, cette folie anarchique créant le chaos (un autre aspect que j'adore dans cette interprétation du Joker), est une folie physique, qui pousse la Némésis à se faire mal autant qu'elle fait mal aux autres. Le Joker de Heath Ledger, c'est du génie à l'état brut, une interprétation tellement parfaite qu'on peine à réaliser qu'elle fut possible. C'est dans le Joker que Heath Ledger s'est vraiment révélé, en tant qu'acteur comme en tant que personne, et cette révélation, cette confusion des peaux, a mené à la mort d'un des acteurs les plus talentueux de sa génération.
1 - Joaquin Phoenix dans Joker de Todd Phoenix
Si le paragraphe précédent ne vous a pas encore calmé, pitié, lisez celui-ci avant de m'incendier dans l'espace commentaires. Je rappelle par ailleurs que, comme dans tout débat, respect et cordialité sont de mise. Si j'ai choisi de mettre Joaquin Phoenix à la première place de ce classement, c'est pour plusieurs raisons. Tout d'abord, Joaquin Phoenix livre ici une interprétation de folie, une performance d'acteur telle qu'on en croise trop rarement au cinéma aujourd'hui. Une interprétation viscérale, tantôt glaçante, tantôt poignante. Avec Joaquin Phoenix, le Joker, c'est un être vivant, à la fois réaliste et cauchemardesque, intime et politique, faible et puissant, raté et charismatique, symbole de ce qui ne va pas dans la société et de ce qui ne va pas dans l'humanité. Joaquin Phoenix nous a livré avec Joker des moments de grâce absolue, comme la scène de danse dans la salle de bain, ou la descente des escaliers. Ou sa confrontation avec Robert De Niro (lui aussi magistral). Ensuite, l'interprétation du Joker dépasse les limites de l'imagerie du personnage. Joaquin Phoenix interprète un Joker qui pourrait tout aussi bien être votre voisin, et ce faisant, il rappelle l'aspect le plus passionnant du personnage, son côté ultra-protéiforme, qui ne dépend pas uniquement du mystère qui tourne autour de son passé, et qui explique sa si longue longévité. Enfin, le Joker de Joaquin Phoenix semble contenir, en germes, toutes les autres interprétations du Joker. Quand il danse, il rappelle Nicholson. Quand il pose sa tête sur la vitre de la voiture ou qu'il porte un masque de clown, il rappelle Heath Ledger. Quand il est tout simplement tragique (au sens le plus théâtral du mot), il rappelle l'interprétation quasi-Shakespearienne de Cesar Romero. Quand il rit, surtout quand il est perdu, il rappelle Mark Hamill. Joaquin Phoenix livre ici une interprétation dantesque (infernale, quoi !). Une interprétation qui, si elle ne lui fait pas gagner d'Oscar, alors cela signifiera que l'Académie est complètement déconnectée des réalités. Jusqu'à Joaquin Phoenix, c'était Heath Ledger qui servait de mesure-étalon pour quantifier, qualifier, mesurer la qualité d'une interprétation de Joker. Cette épée de Damoclès a fait que, pour se mettre dans la peau du personnage, Jared Leto avait envoyé des capotes usagées à Margot Robbie et une tête de cochon à un autre membre du casting. Tout ça pour quoi ? Joaquin Phoenix n'a eu besoin que de recherches intensives sur la maladie mentale pour se mettre en conditions de jouer ce rôle. On espère que son succès permettra de désinhiber les acteurs qui se risqueront à interpréter le Joker après lui. Pour toutes ces raisons, Joaquin Phoenix méritait la première place du classement, même s'il est difficile de désigner un champion entre lui et Heath Ledger.
Par jeanLucasec, il y a 5 ans :
J'aurais toujours un petit faible pour Jack !
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