La rentrée littéraire 2019 s’est achevée la semaine dernière. Au milieu de cette jungle littéraire, Le Meurtre du Commandeur, dernier roman date du romancier japonais Haruki Murakami (Kafka sur le rivage, 1Q84) n’est pas passé inaperçu. Il s’agit de mon coup de coeur personnel.
Un roman très attendu
Grand fan de Haruki Murakami depuis des années, j’attendais ce roman avec impatience. Nous avions d’ailleurs teasé son arrivée dès le mois d’août, en interviewant Hélène Morita, la traductrice française des derniers romans de l’auteur de Chroniques de l’oiseau à ressort. Publié en deux volumes – Une idée apparaît et La métaphore se déplace -, Le Meurtre du Commandeur est un roman aussi ambitieux que la trilogie 1Q84.
Lorsque sa femme demande subitement le divorce, le narrateur anonyme, portraitiste talentueux, mais sans passion, part vivre seul dans une maison à la montagne, celle du célèbre peintre de nihonga Tomohiko Amada. Un jour, il trouve dans le grenier un tableau jusqu’ici inconnu du célèbre peintre. Son titre : Le Meurtre du Commandeur. Son sujet : une retranscription japonisante du Don Giovanni de Mozart. La découverte de ce tableau, qui fait forte impression à notre narrateur, amorce le début d’un déluge d’événements et de rencontres étranges. Un voisin mystérieux et affable, une clochette qui semble sonner toute seule dans un sanctuaire, un homme sans visage, et le Commandeur en personne rythment le quotidien du narrateur.
Du pur Murakami
Comme d’habitude chez Haruki Murakami, le quotidien est décrit de manière presque phénoménologique. Et c’est dans ce quotidien raconté avec précision que l’étrange, le bizarre, le surréalisme entrent avec fracas. C’est cet entre-deux, entre hyperréalisme et surréalisme, qui donne naissance à la poésie si caractéristique de Murakami.
Les meilleurs romans de Haruki Murakami sont souvent des romans-somme. Le Meurtre du Commandeur ne fait pas exception. Il s’agit d’un roman à la fois sur la création artistique, sur l’amour, sur la solitude, sur le mystère japonais. Les amateurs de l’ambiance si particulière et si addictive des romans de Haruki Murakami ne seront pas déroutés : dans cet univers poétique à souhait, les disques et les lectures du narrateur viennent rythmer le récit. De quoi vous donner envie de lire ou relire Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll, Contes de pluie de printemps de Ueda Akinari ou Les Démons de Fiodor Dostoïevski en écoutant Don Giovanni de Mozart, Le Chevalier à la Rose de Strauss, Monk’s Music de Thelonious Monk, Nashville Skyline de Bob Dylan ou The River de Bruce Springsteen.
Un roman ambitieux qui semble contenir toute l'oeuvre de son auteur
Mais les fans de Haruki Murakami trouveront un autre intérêt au Meurtre du Commandeur : trouver les différentes correspondances entre ce roman et le reste de l’oeuvre de l’écrivain japonais. Car l’une des caractéristique de ce roman, c’est qu’il semble contenir en lui tous les autres romans de Murakami. La femme du narrateur demande le divorce au bout de six années de vie commune (comme dans Chroniques de l’oiseau à ressort) ; en état de choc, le narrateur voyage au gré du hasard pendant un mois (comme dans La Ballade de l’impossible), avant de se réfugier dans la montagne (symbole important dans La Ballade de l’impossible et dans Kafka sur le rivage). Il y découvrira une entité qui prendra la forme du Commandeur (de la manière qu’une entité avait pris la forme du Colonel Sanders dans Kafka sur le rivage), y fera la rencontre de deux femmes à la beauté idéalisée (comme Naoko dans La Ballade de l’impossible et Fukaéri dans 1Q84), aura des relations sexuelles à distance avec sa femme, grâce au monde du rêve (comme Aomamé et Tengo dans 1Q84 et Kafka et Sakura dans Kafka sur le rivage). Il habitera près d’une fosse qui n’est pas sans rappeler le puits de Chroniques de l’oiseau à ressort. Tomohiko Amada rejoint, sous forme d’esprit, son atelier de la même façon que le père de Tengo faisait sa tournée de redevance alors qu’il était dans le coma dans 1Q84. Et enfin, les crimes commis par le Japon en Mandchourie continuent à avoir une importance dans ce roman, comme dans Chroniques de l’oiseau à ressort.
Le Meurtre du Commandeur est un roman magnifique, poétique et complexe, qui ravira les nouveaux venus dans l’univers Murakamien, et qui comblera ceux qui en sont déjà adeptes.
Par jeanLucasec, il y a 6 ans :
Enorme coup de coeur !
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