Comptant sans aucun doute parmi les films les plus attendus de l'année 2022, The Batman de Matt Reeves sort ce mercredi 2 mars. Nous l'avons vu hier soir en avant-première. Voici notre critique !
Un film très attendu
Malgré quelques réticences parmi les spectateurs lorsque Warner a annoncé que Robert Pattinson incarnerait le Chevalier Noir de Gotham, il aura fallu une bande-annonce pour que The Batman s'impose comme l'un des films les plus excitants de 2022. Sombre, sauvage, la bande-annonce portait la promesse d'un film pouvant faire la jonction entre les spectateurs amateurs de cinéma à grand spectacle et les cinéphiles les plus exigeants. Aussi, dire que The Batman était très attendu relève du pur euphémisme !
Pour notre part, nous attendions avec impatience ce nouveau long-métrage. D'abord en tant que cinéphiles, curieux des choix de Robert Pattinson, qui opère depuis Cosmopolis de David Cronenberg une mutation proprement passionnante, avec des rôles particulièrement audacieux, notamment dans The Rover de David Michôd et The Lighthouse de Robert Eggers. Ensuite, en tant que journalistes, attentifs à l'évolution des productions super-héroïques, et notamment de comment Warner Bros. tente de perpétuer l'héritage de la trilogie The Dark Knight de Christopher Nolan, entre deux films du DC Extented Universe.
Batman à la sauce fincher
The Batman raconte donc l'enquête que mène le Chevalier Noir dans les rues de Gotham pour découvrir l'identité d'un nouveau tueur en séries, The Riddler, qui assassine un à un les grands pontes corrompus qui tiennent la ville. Pour l'aider dans son enquête, Batman pourra compter sur le soutien de James Gordon et de Selina Kyle.
Chaque cinéaste s'attaquant à la mythologie de Batman semble s'intéresser tout particulièrement à une dimension du super-héros et de Gotham. Ainsi, dans Batman et Batman, le défi, Tim Burton a fait de Gotham une espèce de cirque gothique, dans lequel un homme déguisé en chauve-souris affronte des monstres (des freaks). D'où le côté extrêmement théâtral des antagonistes des deux films du réalisateur de Beetlejuice. De son côté, comme l'ont si bien résumé nos confrères d'Écran Large, le Batman de Christopher Nolan a un côté très bondien. La scène d'introduction de The Dark Knight, avec ce casse inspiré du Heat de Michael Mann en dit long sur les objectifs du cinéaste britannique. Enfin, le Batman de Zack Snyder, bien qu'il soit un peu vieilli, semble taillé pour affronter des monstres venus d'autres galaxies, Superman compris. Il en résulte un Batman tout en muscles, dont on s'intéresse finalement peu à la psyché.
Dans The Batman, Matt Reeves réinvoque une dimension malheureusement parfois oubliée du Chevalier Noir de Gotham : c'est le plus grand détective du monde. Bien qu'il soit un redoutable combattant et qu'il utilise divers gadgets, la plus grande arme de Batman est son intelligence. Ainsi, Matt Reeves n'oublie jamais son sujet (l'enquête de Batman autour du Riddler), et convoque le spectre des thrillers fincheriens pour donner plus de corps à son univers.
Déjà, comme il l'avait annoncé en amont de la sortie du film, le Riddler est très inspiré du Tueur du Zodiac, dont l'histoire a été racontée par David Fincher dans Zodiac. Ensuite, dans Joker de Todd Philipps, les rues de Gotham rappelait le New York de Taxi Driver de Martin Scorsese, dans The Batman elles se font l'écho de celles de Se7en. Ce sont les mêmes rues sales martelées par la pluie, les mêmes appartements pourris et griffonnés. Pour autant, Matt Reeves arrive à insuffler une dimension gothique à ce Gotham presque toujours filmé de nuit, jouant avec les ombres ainsi qu'avec la démesure et la symétrie des architectures, notamment celle de la Tour Wayne.
Une mise en scène soignée
Matt Reeves, qui avait déjà montré ses talents de cinéaste dans Cloverfield et dans les deux volets de La Planète des Singes qu'il a réalisés, prouve encore une fois qu'il sait particulièrement bien manier sa caméra et poser ses plans. De tous les films sur le Justicier Masqué, The Batman est sans doute le film centré plus beau visuellement parlant, certains plans ressemblant à des tableaux. Par ailleurs, bien que ce long-métrage soit à la croisée du thriller et du film noir, Matt Reeves n'oublie pas que Batman est également un super-héros, et n'hésite donc pas à l'iconiser de la meilleure façon qui soit. On songe notamment à cette scène, dévoilée dans la bande-annonce, dans laquelle Le Pingouin observe, la tête en bas dans sa voiture retournée, Batman avancer lentement vers lui, avec derrière lui un rideau de flammes.
Alors que la critique spécialisée a pu reprocher à Christopher Nolan de ne pas savoir filmer les scènes d'action dans la trilogie The Dark Knight, ces scènes fonctionnent merveilleusement bien dans The Batman. Au lieu de multiplier les coupes comme l'aurait fait son homologue britannique, Reeves les filme souvent en plan fixe, comme dans la première scène dans laquelle apparaît le héros masqué. Cette méthode permet au réalisateur de saisir au mieux la rage granitique de Bruce Wayne, qui tente d'expurger ses démons, ses regrets et le sentiment de faiblesse qu'il a ressenti enfant en voyant ses parents mourrir devant ses yeux. "Je suis la vengeance", déclare-t-il à la vengeance après avoir molesté son premier criminel.
Un casting habité
Dans le rôle de Bruce Wayne / Batman, Robert Pattinson est absolument parfait. Bien qu'il n'ait pas la masse musculaire d'un Ben Affleck, il parvient à insuffler beaucoup de corps au Chevalier Noir. Cela se ressent particulièrement dans les scènes d'action, où chaque coup semble faire mal. Néanmoins, certains critiqueront sans doute sa version de Bruce Wayne, très grunge. Il convient cependant de rappeler que nous avons ici un Batman qui est dans sa deuxième année d'activités. Si la structure et la thématique du film rappellent le cultissime Un long Halloween de Jeff Loeb, Matt Reeves s'est inspiré de Batman : Année Un pour écrire l'identité de son Batman.
Dans le film, Bruce Wayne n'a pas encore saisi quelle est la véritable signification du Batman. Il est la vengeance, au lieu d'être la Justice. Et si Batman est la vengeance, Bruce Wayne est encore ce jeune enfant qui attend que ses parents soient vengés. Grunge (avec un côté Brandon Lee dans The Crow), Bruce Wayne l'est assurément ; et ce côté grunge ne sert pas à l'iconiser, mais au contraire à montrer sa souffrance et cette violence qu'il a du mal à contenir, et qui ne peut exploser que quand il est masqué.
Le reste du casting n'a rien à envier à Pattinson. Zoë Kravitz (Selina Kyle) déborde de charisme et de séduction. Jeffrey Wright offre sans doute l'une des meilleures versions du commissaire Gordon. John Turturro déborde de classe en Carmine Falcone, et Colin Farrell cabotine à fond en Pingouin. Quant à Andy Serkis, bien qu'il soit moins présent à l'écran que Michael Caine dans The Dark Knight, sa version d'Alfred Pennyworth est pleine de promesses.
Un mot également sur Paul Dano, dans le rôle du Riddler. Absolument brillant, l'acteur fera bien évidemment parler de lui. Si tout le monde saluera son travail sur la voix, certains spectateurs regretteront peut-être que la version du Riddler qu'il incarne est très éloignée de l'image que l'on se fait du Sphinx, notamment grâce à la série d'animation Batman des années 90, dirigée par Bruce Timm et Paul Dini. Cela se ressent notamment par son costume (on sait que Matt Reeves s'est inspiré du costume que porte le Tueur du Zodiaque dans le film Zodiac de David Fincher). Le cinéaste est-il trop prisonnier de ses inspirations fincheriennes ? Peut-être.
Néanmoins, tous les personnages iconiques présents dans le film sont appelés à se transformer. Selina Kyle n'est pas encore Catwoman. S'il se fait appeler Le Pingouin, Oswald Cobblepot n'est pas encore l'un des plus puissants mafieux de Gotham, mais le sbire de Carmine Falcone. Même Batman, on l'a dit, est en pleine mutation. Le Sphinx peut également devenir plus théâtral dans un film ou une série ultérieurs.
Un des meilleurs films Batman ?
Un mot également sur la musique. Pour The Batman, Matt Reeves retrouve le compositeur Michael Giacchino, avec qui il a déjà collaboré à plusieurs reprises. Celui que beaucoup considèrent (à raison) comme le plus digne héritier de John Williams propose une partition tout en subtilité. Soulignant merveilleusement les inspirations fincheriennes (époque Se7en) et films noirs de Matt Reeves, il distille des thèmes qui fonctionnent immédiatement ! Le compositeur américain offre ici l'une de ses meilleures bandes originales. À noter que l'incrustation de la chanson Something in the Way de Nirvana fonctionne à la perfection, soulignant le côté grunge du film, comme l'ont fait remarquer plusieurs de nos confrères avant nous.
The Batman est sans aucun doute l'un des meilleurs films sur le Chevalier Noir, et plus généralement un des meilleurs films de super-héros. Plus proche du film Joker de Todd Philipps que des films du DC Extented Universe, le film de Matt Reeves est assurément un des meilleurs films Batman, et plus généralement un des meilleurs films de super-héros. Attention toutefois, cela ne veut pas dire que le film ne souffre d'aucun défaut.
Comme Todd Philipps dans Joker, Reeves essaye de donner une dimension politique à son récit. Comme cela était clairement précisé dans la bande-annonce, Le Sphinx dénonce la corruption des élites de Gotham. Cependant, ces accusations semblent avoir un écho somme toute assez faible... Si les vérités découvertes par le Sphinx sont relayées par le tueur en séries sont relayées dans les médias mainstream, les manifestations des citoyens sont assez rares, et on n'a jamais cette impression que l'on avait dans Joker que la ville allait sombrer dans le chaos en un claquement de doigts (ou même dans The Dark Knight). Le Sphinx semble au contraire n'intéresser véritablement qu'un petit groupe d'extrémistes. C'est d'autant plus étrange que Gotham n'a jamais été aussi présent dans un film Batman. Il en ressort que la dimension politique du film n'est finalement qu'un accessoire scénaristique permettant de justifier que Le Sphinx entre en action.
Conclusion
Pour conclure, The Batman est un film brillamment mis en scène, devant lequel on ne s'ennuie jamais, malgré sa durée touchant presque les trois heures. Visuellement splendide, le film de Matt Reeves peut compter sur un casting particulièrement habité, que le cinéaste arrive à iconiser. Comptant à n'en pas douter parmi les meilleurs films de super-héros, The Batman n'est néanmoins pas sans défaut. Notamment l'incapacité de Matt Reeves à assumer sa dimension politique de manière aussi radicale que l'avait fait Joker de Todd Philipps.
Et vous, comment avez-vous trouvé le film ? Si vous l'avez aimé, on rappelle que The Batman pourrait bien être le premier film d'une trilogie. D'ailleurs, Matt Reeves pense à ce méchant iconique pour le second volet !
Par Old Yoda, il y a 2 ans :
Franchement, je trouve que Joker et The Batman éclatent une bonne partie des blocbusters actuels ! Ça fait plaisir de voir des blockbusters aussi exigeants !
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