Pourquoi Disney+ a-t-il une sortie différée selon les pays ?

22 novembre 2019 à 15h23 dans Cinéma

Depuis l'annonce de la sortie de Disney+ en France le 31 mars 2020, on voit beaucoup d'internautes s'indigner sur les réseaux sociaux. En effet, on peut avoir du mal à comprendre pourquoi Disney n'a pas organisé une sortie internationale de son service de VOD, prenant ainsi le risque que les épisodes de la série The Mandalorian soient tous téléchargés illégalement avant même la sortie européenne de Disney+. Nous avons essayé de comprendre les raisons de ces sorties différées, en essayant de prendre une posture de stratège commercial. Dans cet article, nous ne donnerons que des pistes de réflexion, qui valent ce qu'elles valent, dans la mesure où nous n'avons interviewé aucun cadre de chez Disney pouvant nous donner une réponse officielle. 

Pourquoi Disney+ a-t-il une sortie différée selon les pays ?

Première raison : créer de l'attente 

Ce fut, à notre humble avis, l'une des motivations principales de Disney lorsque la décision a été prise de différer les sorties officielles de Disney+ selon les zones géographiques. En effet, il suffit pour s'en convaincre de regarder les résultats : après un démarrage en trombe de Disney+ aux U.S.A., toute la presse européenne s'est emballée et s'est fait le relais, conscient ou inconscient, des mérites de Disney+. Chaque semaine, sur Twitter, en France comme partout dans le monde, pleuvent des tweets félicitant les créateurs de la série The Mandalorian. Car ce serait faire preuve de naïveté que de penser que Disney n'avait pas conscience qu'en différant la sortie de The Mandalorian tout en différant la sortie de Disney+ en Europe et en Asie, la série serait massivement téléchargée sur les plateformes de téléchargements illégaux. D'autant plus que la série est déjà disponible en VF et en VOSTFR, puisque distribuée au Canada. Si vraiment Disney+ avait désiré lutter pour cette série contre le téléchargement illégal, ils auraient choisi sciemment des zones géographiques assez homogènes du point de vue des foyers linguistiques, et non pas en choisissant des zones géographiques aux foyers linguistiques hétérogènes (anglais, français, néerlandais). Bien évidemment, s'ils avaient opté pour la première solution, des petits malins auraient craqué les épisodes, et aurait forcé les sous-titres pour y ajouter leur langue maternelle, mais en optant pour la seconde, Disney+ leur a clairement facilité le travail. 

Seconde raison : rassurer les potentiels clients 

On ne pense pas que ces sorties différées de Disney+ avaient pour motivation de rassurer Disney, ni même que c'était pour parer à toute éventualité de problème technique, comme cela avait pu être le cas avec Netflix. Disney est une institution suffisamment puissante (avec une fan base suffisamment solide) pour s'assurer du fait qu'il y aurait une clientèle d'une part, et a suffisamment de moyens financiers techniques pour résoudre en amont les problèmes technique qui pourraient résulter d'une sortie internationale unifiée, instantanée. D'autant plus que contrairement à Netflix, Disney possède des bases implantées sur tous les continents, et Disney France aurait tout à fait été capable de s'occuper du Disney+ français. Mais on pense que Disney+ voulait rassurer non pas sa fan base, qui allait de toute façon s'abonner, mais ceux qui hésiteraient entre l'entreprise montante Netflix et Disney+. En gros, lâcher une grosse série, The Mandalorian, pour montrer à tous que Disney est capable de produire des séries originales de taille, capables de concurrencer Netflix, en dépit du profond désamour que peuvent ressentir certains fans de Star Wars suite aux échecs relatifs de la nouvelle trilogie et de Solo : a Star Wars story

Troisième raison : proposer une offre adaptée 

Qu'on se le dise, si Disney+ est déjà attrayant, et si l'auteur de ces lignes est déjà convaincu du fait qu'il s'abonnera mensuellement au SVOD de Disney, l'offre actuelle est en vérité adaptée à un public américain, et non à un public français. Explications : en dépit de la sortie de The Mandalorian et de l'adaptation-live de La Belle et le Clochard, Disney+ possède à ce jour peu de contenus originaux. Et les autres contenus originaux sont beaucoup plus susceptibles de plaire à un public américain qu'un public français. Dans notre article Disney+ : Que valent les programmes originaux ?, nous vous offrions un petit aperçu des premiers programmes originaux du SVOD disneyen. Ainsi trouve-t-on une émission de télé-réalité ayant pour thème les comédies musicales, une série de documentaires sur Disney, une série de documentaires très égotrip présentée par Jeff Godblum (Jurassic Park), une série de caméras cachées rendant hommage à Pixar. Autrement dit, même si nous avons apprécié les premiers programmes originaux de Disney+, nous doutons qu'une première mouture en l'état de Disney+ convaincrait véritablement le public français, à plus forte raison que dans notre territoire, du fait d'une loi française, le catalogue Disney se retrouve amputé des films sortis il y a moins de trois ans. Disney+ a donc intérêt à étoffer son catalogue en contenus originaux avant de partir à la conquête de nouveaux territoires, afin de contrecarrer les désagréments causés pour le studio et son SVOD par des lois locales. On pense donc clairement que d'ici le 31 mars 2020, Disney+ aura un catalogue beaucoup plus fourni en programmes orignaux, afin de plaire avec beaucoup plus de force au public européen. D'ici là, la septième saison de Star Wars : Clone Wars sera sans doute sortie, et peut-être pouvons-nous espérer une première série Marvel (ou au moins un premier aperçu) lors de la parution du SVOD en Europe occidentale (pourquoi pas accompagné d'un film original Disney+, comme l'adaptation de Merlin l'Enchanteur, annoncé sous le titre anglais The Sword in the Stone, et qui doit sortir directement sur Disney+, à l'instar de The Lady and the Tramp). 

Quatrième raison : Gare au concurrents !

Dernière raison que nous voyons au décalage de la sortie de Disney+ selon les zones géographiques, se prémunir des concurrents. Car Disney+ a conscience d'une chose : s'ils ne sont pas les premiers sur le marché de la VOD, ils ne sont pas non plus les derniers. En plus de Netflix, Prime Video et AppleTV+ (débarqué assez discrètement le 1er novembre 2019), Disney+ devra surtout entrer en concurrence avec HBOMax (le SVOD de son concurrent de toujours, Time Warner) et le nouveau service de VOD de NBCUniversal (troisième Big Five à se lancer dans la VOD). Car si Disney+ est taillé pour lutter efficacement contre les trois premiers (Netflix a été pas mal affaibli par les amputations de son catalogue résultant de l'achat de la Fox par Disney et de nombreux programmes par Warner, et Prime Video et AppleTV+ sont surtout du bonus pour les entreprises Amazon et Apple, le SVOD n'étant pas leur activité principale), Disney aura fort à faire avec HBOMax et NBC, prévus pour courant 2020. Comment les concurrencer en arrivant les premiers, sachant que l'une des lois du marché est que le dernier qui parle a raison ? Et bien en programmant un échelonnage des sorties de Disney+, afin d'occuper constamment l'actualité, même pendant la sortie des SVOD de Time Warner et NBCUniversal. En gros, être le premier et le dernier à la fois. Il y a fort à parier que Time Warner et NBCUniversal feront la même chose avec leurs propres services de VOD, mais Disney pense, à ce moment, être suffisamment installé sur le marché du SVOD, et aura réussi à tisser un univers étendu suffisamment intriqué entre les films et les séries Marvel et Star Wars pour s'assurer que même en cas d'arrivée d'un gros concurrent, Disney+ ne perdra pas trop de clients. 

Salut, c'est Gaëtan. Diplômé d'un Master en Langues Modernes, je suis un grand passionné de Culture Pop. J'ai une affection toute particulière pour la culture des années 80/90. Grand lecteur, je suis aussi cinéphage et sérivore (un régime alimentaire des plus équilibrés !). Passionné par le Moyen-Âge, je suis un grand fan de Fantasy. Sinon, j'adore le cinéma coréen, la littérature japonaise, les séries et les comics britanniques. Ah, j'oubliais : pour savoir s'il y a du vent, faut mettre son doigt dans le cul du coq.

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Commentaires (3)
Sympa comme article !
photo de profil de jeanLucasec Par jeanLucasec, il y a 5 ans Répondre
Cinquième raison : L'infrastructure.
Il suffit de voir comment c'était difficile d'y accéder au lancement, les serveurs n'étant pas capable de supporter une telle charge.
Ca aurait été pire avec un lancement mondial (genre GTA5 Online a ses débuts).
En différents, ca leur permet d'étaler sur dans le temps la charge serveur et d'en installer de nouveaux pour les prochains pays.
photo de profil de James_Kirk Par James_Kirk, il y a 5 ans Répondre
Première conséquence : l'illégalité
Les personnes n'ayant pas accès à la plateforme et ne voulant pas être spoilé ou étant impatient sont dans l'obligation de télécharger illégalement ou de regarder en streaming.
photo de profil de Riton Par Riton, il y a 5 ans Répondre
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