Dossier image de synthèse : les origines d’un effet spécial devenu banal

16 avril 2014 à 14h50 dans Culture

L’image de synthèse, tout le monde sait ce que c’est aujourd’hui. Que vous jouiez au dernier jeu vidéo, pianotiez sur votre téléphone portable, regardiez un programme TV ou encore subissiez de la publicité dans les transports en commun, vous êtes constamment entourés d’images générées par ordinateur. Mais s’il y a bien un média par lequel s’est développée l’image de synthèse telle que nous la connaissons de nos jours, c’est le cinéma. Retour sur les origines d’une technique dont plus personne ne peut se passer, et qui remonte bien plus loin qu’un certain TRON (1982).

Dossier image de synthèse : les origines d’un effet spécial devenu banal

Whitney, le père, le fils et la sainte CGI

L’histoire de l’image de synthèse commence peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’un homme du nom de John Whitney commence à développer une série de films expérimentaux en utilisant de l’équipement obsolète, provenant d’ordinateurs analogiques ayant précédemment équipé des batteries de missiles antiaériens. Nous sommes alors aux véritables prémices de l’effet et, déjà, un réalisateur se montre très intéressé pour l’utiliser dans l’un de ses longs-métrages. Ce film, ce sera Vertigo (Sueurs Froides en français) d’Alfred Hitchcock, en 1958 :

Néanmoins, pour que l’image de synthèse soit utilisée dans le cinéma non plus de façon analogique, il faudra patienter jusqu’en 1973 avec le film WestWorld (Mondwest en français). C’est dans ce film, réalisé par le célèbre Michael Crichton, que l’on peut en effet apercevoir les premières images altérées par ordinateur de façon numérique, à savoir tous les points de vue du robot Gunslinger, interprété par feu le génial Yul Brynner. Et s’il ne s’agissait là que d’une "simple" pixellisation de l’image, le fils Whitney venait de prouver (à l’aide de son camarade Gary Demos) que l’image de synthèse avait sa place dans les salles obscures.

Le passage à la 3D

Mais pour que l’image de synthèse en polygones 3D vienne s’en mêler (on est encore bien loin de la stéréoscopie d’Avatar au milieu des années 70), il faudra attendre la suite de WestWorld, dénommée FutureWorld (Les Rescapés du Futur en français) en 1976. Cette fois, en marge d’un buste de l’acteur Peter Fonda réalisé en 3D polygonale, ce sont deux court-métrages d’étudiants qui sont gracieusement prêtés pour les besoins du film. L’un d’eux, "A computer Animated Hand" avait d’ailleurs été réalisé par un certain Ed Catmull, alors futur cocréateur de Pixar.

S’en suivra, dès 1977, de la démocratisation d’une technique que le public va très vite associer dans son esprit à de l’image générée par ordinateur, le wireframe (ou fil de fer en français). La cause est simple : plus accessible, elle ne demande pas beaucoup de ressources. On la retrouve ainsi dans le tout premier Star Wars (l’épisode IV), mais aussi dans Alien, Le Trou Noir, Outland, Demon Seed ainsi que le mythique New York 1997, rien que ça !

La quête sans fin du réalisme

Au début des années 80, les limites du possible sont repoussées avec le film LOOKER de Michael Crichton, où l’on peut y voir pour la première fois un corps humain (féminin) généré en 3D, tandis que Lucasfilm Computer Division (futur Pixar) éblouit le monde entier avec la terraformation de la planète genesis dans Star Trek II : La Colère de Khan. Mais c’est bien sûr TRON qui va révolutionner l’usage de l’image de synthèse en 1982, avec plus de 15 minutes de film entièrement calculées par ordinateur via quatre compagnies distinctes. Disney, qui persiste et signe après l’accueil mitigé de son Trou Noir en 1979, accouchera cependant d’un nouveau succès en demi-teinte.

Mais TRON ne montre encore que de l’image de synthèse pour de l’image de synthèse, une situation intolérable pour Gary Demos et John Whitney, qui décident de créer leur propre studio dédié à la création d’images de synthèse commerciales photoréalistes : Digital Productions. Armés de deux supercalculateurs Cray, les machines les plus puissantes de l’époque, ils vont très vite trouver un terrain de jeu à leur mesure avec le film du réalisateur Nick Castle, The Last Starfighter. C’est en effet sur ce film, l’un des (trop) nombreux clones de Star Wars dans les années 80, que la jeune compagnie va réussir à convaincre les producteurs de la viabilité de l’image de synthèse… pour carrément remplacer tous les effets généralement réalisés à l’aide de maquettes !

Un pari fou qui sera pourtant mené à terme à l’été 1984, et permettra à Digital Productions d’embrayer sur un projet autrement plus ambitieux : celui de réaliser la première simulation en images de synthèse de la géante gazeuse Jupiter, pour le film 2010 : L’année du premier contact de Peter Hyams.

To be continued ?

Au cours de la seconde moitié des années 80, l’image de synthèse va continuer à prendre son envol : premier personnage virtuel en 1985 (Young Sherlock Holmes / Le Secret de la Pyramide), premier animal en 1986 (Labyrinth), premier morphing 3D (Star Trek IV)… mais tout ceci sera certainement l’occasion d’un autre dossier, plus détaillé, sur cette autre grande période de l’histoire de la technique.

En attendant, je vous invite à continuer à explorer les origines de l’image de synthèse au travers de ma chaîne YouTube et de mon émission CGM, dont vous avez pu voir certains épisodes entre ces quelques lignes. Et si vous souhaitez soutenir mes recherches, n’hésitez pas à faire un petit tour sur ma page Tipeee. N’oubliez bien sûr pas de laisser vos commentaires ci-dessous, ou sur mon site gorkabnitrix.com !

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Commentaires (7)
Merci à Hitek pour m'avoir donné l'occasion d'écrire ce petit dossier sur mon émission ;)
photo de profil de Gorkab Par Gorkab, il y a 11 ans Répondre
T'es une vraie mine d'info ;) merci
photo de profil de RiderFx3 Par RiderFx3, il y a 11 ans (en réponse à Gorkab) Répondre
Merci à toi d'avoir tout lu et, peut-être, tout regardé :)
photo de profil de Gorkab Par Gorkab, il y a 11 ans (en réponse à RiderFx3) Répondre
Par rapport à ça, pourquoi pas faire un dossier sur Industrial Light and Magic ? C'est les studio qui produisent Transformers, Avenger, Pacific Rim... DES GRANDS MALAAAAAADES
photo de profil de Pixpix Par Pixpix, il y a 11 ans Répondre
Pour plusieurs raisons en vérité : D'une, parce que je n'y suis pas encore dans mon émission, de deux, parce que tout le monde connaît ILM et que je m'intéresse à l'image de synthèse dans son ensemble, de ses débuts jusqu'à Jurassic Park, et de trois, parce que ça a déjà été fait tellement de fois par d'autres personnes tout aussi brillantes. Je te conseille de visionner le documentaire "ILM Creating the Impossible" pour plus d'infos sur le studio ;)
photo de profil de Gorkab Par Gorkab, il y a 11 ans (en réponse à Pixpix) Répondre
Article très intéressant. On pourrait parler également des recherches qui ont été faite sur la représentation plus organique de l'image de synthèse, telle que les poils: http://jeanledieu.com/image-de-synthese/
photo de profil de Gozerlegozerien Par Gozerlegozerien, il y a 9 ans Répondre
Bonjour;
Merci pour cet article. Je fais actuellement une recherche sur l'image de synthèse et le "DOCUMENTAIRE". J'ELARGIE MON corpus le maximum possible, pour ensuite resserrer. Je me demandais donc si des DOCUMENTAIRES et non film de fiction, te venais en tête ! Cela me donnera sûrement un coup de pouce.
Merci en tout cas, pour toutes ces informations !

photo de profil de Zaraki Kenpachi Par Zaraki Kenpachi, il y a 6 ans Répondre
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