Alors que leur nouveau long-métrage, Zootopie, sort ce mercredi dans les salles obscures, j’ai eu l’occasion de le voir en avant-première. Cet excellent film d’animation a confirmé ce que je pensais déjà depuis la sortie de Raiponce en 2010. Disney a changé sa façon de concevoir les films d’animation.
Une longue traversée du désert
Les adorateurs de Disney comme moi le savent : les années 90 furent une décennie prodigieusement faste pour Disney, qui a cumulé les chefs d’oeuvre. La Belle et la Bête, Aladdin, Le Roi lion, Pocahontas — Une légende indienne, Le Bossu de Notre-Dame, Hercule, Mulan, Tarzan, Fantasia 2000. Des chefs d’oeuvre intemporels, qu’on peut voir un nombre incalculable de fois sans jamais se lasser. Assurément, Disney connaissait là son Âge d’Or.
Les années 2000, quant à elles, n’ont pas été du même niveau. S’il y a eu quelques bons films (Kuzco — L’empereur mégalo, Atlantide — L’empire perdu, Lilo et Stitch, La Planète au trésor), parfois géniaux (personnellement, j’ai adoré Frères des ours), nombreux sont ceux qui m’ont profondément déçu : La ferme se rebelle, Chicken Little, Bienvenue chez les Robinson, Volt — Star malgré lui, La Princesse et la Grenouille… Des films qui (à mon sens) ne mérite même pas l’étiquette de "classique".
Cette "traversée du désert" des années 2000 peut s’expliquer. Disney, trop préoccupé par ses différents achats, investissements, gains et pertes, n’a pas compris suffisamment tôt (ou avec assez d’acuité) les conséquences de l’émergence de nouveaux studios depuis la fin des années 90 : Pixar (Toy Story, 1001 pattes, Monstres & Cie, Le Monde de Nemo, Les Indestructibles, etc), Dreamworks (Le Prince d’Égypte, Shrek, Madagascar, Dragons), Blue Sky (L’Âge de Glace). La découverte par l’occident du Studio Ghibli avec Le Voyage de Chihiro n’a pas arrangé les affaires de Disney. Des studios qui cumulent les succès au box-office. Chacun des studios révolutionne le monde de l’animation : Pixar réinvente et modernise ce cinéma avec le numérique et des histoires brillantes, quand Ghibli fait des films d’animation à l’ancienne, extrêmement poétiques, engagés, tout de suite cultes. Qu’elle était belle, pour Disney, cette longue période où il était le seul studio qui comptait dans l’animation ! La recette Disney était alors la seule recette qui marchait, puisqu’elle était la seule utilisée. Mais avec ces nouveaux studios et leurs approches toutes plus originales de l’animation, la recette Disney (histoires de princesses, adaptations de chefs d’oeuvre de la littérature, films pour enfants très moraux) passe presque pour désuète. Alors le studio de Mickey a opté pour la dénaturation : La ferme se rebelle, Chicken Little, Bienvenue chez les Robinson, Volt sont des films à mille lieux des Disney traditionnels.
Disney change de visage
Et si je vous disais que Walt Disney a reçu son PREMIER Oscar du Meilleur Film d’Animation en 2014, me croiriez-vous ? C’est pourtant vrai ! Rien d’étonnant à cela, pourtant. Si la Cérémonie des Oscars existe depuis 1929, celui du Meilleur Film d’Animation n’existe que depuis 2002. C’est à peu près à cette époque que les choses ont commencé à mal aller pour Mickey.
En 2010, Disney nous livre Raiponce. Et là, c’est la surprise ! Disney a enfin trouvé la bonne recette pour cuisiner de bons films d’animation au XXIème siècle : sans renier ses origines (ce qu’il a fait trop longtemps dans les années 2000), il s’adresse à un public plus large. En adaptant le conte Rapunzel des frères Grimm, il casse l’image de ses films de princesses. Raiponce est ici une princesse qui n’attend pas qu’on vienne la libérer : elle est autonome. Plus proche de Mulan que de Cendrillon, cette nouvelle princesse Disney a conquis à la fois le public et la critique. D’ailleurs, l’une des cibles principales de Disney depuis Raiponce, ce sont les geeks ! Le statut d’idoles des studios Ghibli et Pixar a bien fait comprendre à Disney que les geeks doivent être la cible principales des grands studios de cinéma. D’ailleurs, l’acquisition par Disney des franchises Marvel, Star Wars et Indiana Jones le prouve bien. Quel rapport entre Raiponce et les geeks ? Les multiples références à la pop culture, qui sillonnent le film. "Vas-y Maximus, montre-nous ce que tu sais faire !" dit Flynn à son cheval, pastichant Gandalf murmurant à l’oreille de Gripoil dans Le Retour du Roi. On peut également voir une référence à La Communauté de l’Anneau et à Indiana Jones.
Ce nouveau public (les geeks), Disney ne va pas le lâcher ! Dès son film suivant, Les Mondes de Ralph, il leur offre un film hommage aux jeux-vidéos, ultra-référencé, où on verra se succéder Donkey Kong, Pac-Man, Super Mario Bros, Street Fighter, Sonic, The Legend of Zelda, Tomb Raider, Final Fantasy, World of Warcraft, etc, etc, etc. Des références également à Star Wars, Le Magicien d’Oz, Alien, Tron, Batman, Retour vers le futur. Non seulement Disney signe avec Les Mondes de Ralph son meilleur film depuis plus de 10 ans, mais en plus il officialise de manière extrêmement ingénieuse son nouveau virage. Un virage qui reste malgré tout emprunt de l’emprunte Disney : magie retrouvée, humour qui fait mouche. Comme dans Raiponce, les codes de Disney sont retournés : si dans le film précédent, le spectateur rencontrait une princesse à l’opposée des anciennes princesses Disney, il fait la connaissance ici d’un méchant qui n’en est pas un, Ralph.
Cette nouvelle direction par Disney, n’empêche pas des films plus classiques. C’est le cas pour La Reine des Neiges, énorme succès critique pour un (assez) bon film d’animation ! Et premier Oscar pour Disney, ne l’oublions pas ! Mais là encore, aussi classique que puisse paraître La Reine des Neiges, quelques codes sont retournés ! Ici, la princesse qui autrefois est emprisonnée par la, ou le, méchant(e) du film, est ici emprisonnée par elle-même. Et qui vient la délivrer ? Ce n’est pas un prince, mais sa soeur, une femme. En un sens, même s’il est très simple et traité de manière un peu naïve, La Reine des Neiges est un film engagé pour la cause féministe. C’était le cas déjà avec Raiponce, où son évasion de la tour symbolise d’une certaine façon une véritable libération de la femme. Disney casse des clichés qu’il a (en partie) érigés, et c’est plutôt réussi !
Si La Reine des Neiges ne m’a pas enchanté outre mesure, Les Nouveaux Héros m’a émerveillé ! Cette collaboration avec Marvel pour un film hommage aux comics et aux mangas, ça ne pouvait que me plaire ! Lui aussi ultra-référencé, avec un scénario en béton, visuellement grandiose, Les Nouveaux Héros méritait son Oscar, et montre que Disney a fait le bon choix en nous choisissant pour cible. Les Nouveaux Héros est plus qu’un grand film d’animation : c’est un grand film tout court.
Avec son nouveau film, Zootopie, Disney garde le cap, et nous livre un film fun (très drôle), où les codes sont une nouvelle fois cassés (ATTENTION SPOIL : les gentils et les méchants sont inversés avec brio), très référencé (référence au Parrain, aux Infiltrés), engagé et très actuel (combat contre le racisme, la discrimination).
Pour conclure, Disney est rentré dans une nouvelle phase : une phase dont le public visé est les geeks, et c’est tant mieux !
Par jeanLucasec, il y a 8 ans :
Sympa comme théorie
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