Très attendu, le film Eternals du Marvel Cinematic Universe fait beaucoup parler de lui. Alors que le dernier long-métrage de Chloé Zhao, sa réalisatrice, vient de triompher aux Golden Globes, le chef opérateur du film a une dent contre Quentin Tarantino, et le fait sentir. Mais que s'est-il passé entre les deux hommes ? Réponse.
Une vieille rancune
La nouvelle a fait le tour de toutes les rédactions : Chloé Zhao, qui travaille actuellement sur Eternals, l'un des films les plus attendus du MCU, vient de triompher aux Golden Globes, en remportant la statuette du Meilleur film et de la Meilleure réalisatrice pour Nomadland, avec l'excellente Frances McDormand, actrice bien connue des fans des frères Coen.
Alors que la cinéaste est en train de savourer sa victoire, son chef opérateur (ou directeur de la photographie), Joshua James Richards, a décidé de se payer Quentin Tarantino. Dans une interview accordée à The New Yorker, le chef op' de Nomadland et d'Eternals s'adresse au réalisateur de Reservoir Dogs et de Pulp Fiction : "Va te faire foutre, mec !"
La colère de Joshua James Richards remonterait à 2014, et aurait pour motif des déclarations qu'a tenues Quentin Tarantino lors du Festival de Cannes, alors que la Croisette fêtait le vingtième anniversaire de la Palme d'Or accordée à Pulp Fiction. Le cinéaste américain s'était lancé dans une diatribe contre l'utilisation du numérique :
Pour moi, la projection numérique est la mort du cinéma. Le fait que la plupart des films ne soient pas présentés en 35 mm signifie que le monde est perdu. La projection numérique, ce n'est que de la télévision au cinéma !
A l'époque, tout juste sorti du triomphe de Django Unchained, Quentin Tarantino travaillait sur The Hateful Eight, son deuxième western, projeté en 70 mm. Féru d'Histoire du cinéma, le réalisateur continuait de développer ses idées sur l'utilisation de la pellicule et du numérique. Des propos qui n'ont visiblement pas plu à Joshua James Richards. Au New Yorker, le chef op' justifie son utilisation du numérique :
Chloé n'a pu obtenir aucune aide, aucun soutien financier, parce qu'elle est une femme chinoise. Avec le numérique, nous avons la possibilité de faire nos propres films pour 100 000 dollars, et les faire à un niveau digne d'être projetés au cinéma.
Si faire un comparatif entre les budgets des premiers films de Chloé Zhao et ceux des films de Quentin Tarantino n'aurait pas grand intérêt (notamment parce que Tarantino s'entoure de stars très bankables, telles que Leonardo DiCaprio, Brad Pitt ou Samuel L. Jackson), reconnaissons toutefois que l'usage du numérique coûte bien moins cher que la pellicule, pour les producteurs comme pour les distributeurs. La fabrication d'une copie numérique pour un long-métrage est 10 fois moins onéreuse qu'une copie en 35mm. Par ailleurs, le numérique permet d'impressionnants gains de temps (et donc d'argent) en post-production.
On notera cependant que Quentin Tarantino n'est pas le seul cinéaste à défendre vaille que vaille l'utilisation de la pellicule. Dans une interview récente accordée à nos confrères de Konbini, et que nous avions commentée de nombreuses fois sur Hitek, l'acteur et réalisateur Mathieu Kassovitz (La Haine) avait lui aussi défendu l'utilisation de la pellicule, et s'était montré particulièrement sévère par rapport aux copies numériques. Le très apprécié Christopher Nolan (Interstellar, Tenet) est lui aussi un fervent défenseur de la pellicule.
Un débat compliqué
Faut-il voir dans ce débat "pellicule vs. numérique" une guerre entre vieux schnocks et nouvelle génération ? Heureusement, non. Déjà parce que de très grands réalisateurs, qui officient depuis de plusieurs décennies, sont eux aussi des usagers fréquents du numérique. Citons notamment Terrence Malick (La Ligne Rouge, Une vie cachée), notamment sur Voyage of Time, ou encore David Fincher (Se7en), dont le dernier long-métrage, Mank (sorti en exclusivité sur Netflix) tient du tour de force, dans sa capacité à recréer la texture des films en noir et blanc d'époque, alors qu'il a été réalisé entièrement en numérique.
Et si, dans leur défense de la pellicule, Tarantino, Kassovitz, Nolan défendaient en fait une certaine vision non pas du cinéma, mais de l'industrie cinématographique ? Et si, pour ces grands réalisateurs, l'irruption du numérique, et sa quasi-hégémonie, était devenue le symbole de la frilosité des majors Hollywoodiennes, qui préfèrent son utilisation à celle de la pellicule, afin de limiter au maximum les coûts en post-prod et de distribution ? Et si la défense acharnée de Tarantino, Kassovitz et Nolan pour la pellicule était le refus d'un monde dans lequel le gigantesque Martin Scorsese (Taxi Driver, Les Affranchis, Casino), à la fois défenseur de la pellicule et utilisateur du numérique, ne parvient plus à trouver des financements pour ses propres films autrement que par l'entremise des plateformes de streaming ?
Quoiqu'il en soit, en tant qu'observateurs du monde du cinéma, le débat qui oppose les défenseurs de la pellicule et les défenseurs du numérique est absolument passionnant à suivre !
Par Old Yoda, il y a 3 ans :
En vrai, le problème, c'est que le numérique est paradoxalement la voie de la facilité (puisqu'on peut retoucher le film en postprod) mais peu de personnes savent bien l'utiliser. Après ce n'est que mon avis !
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