La saison 8 de Game of Thrones vient de s'achever et force est de constater que les fans n'auront pas été tendres avec cet ultime chapitre de cette série pourtant adulée. Depuis l'épisode 3, la série est chaque semaine huée par de nombreux fans de la série. Une pétition a d'ailleurs été signée par plusieurs centaines de milliers de fans énervés, demandant un reboot de la saison 8, avec de nouveaux scénaristes. Mais la saison 8 de Game of Thrones est-elle véritablement aussi mauvaise que certaines personnes le laissent entendre ?
Attention : cet article expose l'avis de son rédacteur, et non celui de l'ensemble de la rédaction de Hitek. Je me ferai une joie de débattre avec vous de la qualité de cette saison, dans l'espace commentaires, à condition bien évidemment que cela soit fait avec le maximum de courtoisie possible.
Les défauts de cette saison 8
Avant de défendre cette saison, je tiens tout d'abord à mettre en avant ce que je considère comme étant les grandes faiblesses de cette saison. A l'instar de la saison 7, la saison 8 de Game of Thrones va trop vite. Comme beaucoup d'entre vous, je reste persuadé que plusieurs épisodes supplémentaires auraient pu être utiles pour offrir une saison satisfaisante sur tous les points et pour tout le monde. Au lieu de ça, les showrunner, Weiss et Benioff, ont pris le parti, et ce malgré l'avis contraire de HBO, de clôturer la série en six épisodes. C'est certes discutable, mais c'est leur choix. Et je suis persuadé que malgré le désamour de certains fans, les deux scénaristes ont clôturé cette saison avec tout le professionnalisme qu'on leur connait. Game of Thrones représente une durée de dix ans de leur vie, je doute sérieusement qu'ils aient eu conscience d'avoir "bâclé" la fin, pour reprendre les termes de certains fans mécontents. J'en profite pour contredire une rumeur persistante : non, il est faux de dire que les deux scénaristes ont décidé de clôturer Game of Thrones pour écrire une trilogie Star Wars. Bien que les deux informations soient vraies, il n'y a aucune relation de cause à effet entre elles. J'en veux pour preuve que cela fait maintenant deux ans que nous savons que la saison 8 compterait six épisodes, et l'information faisant état d'une trilogie Star Wars par Weiss et Benioff est bien plus récente.
Donc, oui. La saison va trop vite. Ce qui accélère cette impression, c'est que les scénaristes aient décidé d'accélérer le rythme narratif en cours de saison. Les deux premiers épisodes préparent la Bataille de Winterfell, comme le faisaient les saisons précédentes : place aux discussions stratégiques, aux dialogues intimes, à la psyché développée des personnages. A ce propos, que la Bataille de Winterfell, qui résolue la question des Marcheurs Blancs, soit terminée en un épisode, ne me choque pas outre mesure. Chaque bataille de la série a duré un épisode, que ce soit la Bataille de la Néra, la Bataille du Mur, la Bataille de Durlieu, La Bataille des Bâtards. Et d'ailleurs, comparativement aux autres Batailles, celle-ci dure bien plus longtemps : non seulement l'épisode est plus long, mais en plus la Bataille commence quasi-immédiatement. A titre de comparaison, la Bataille de la Néra a une durée de quarante-minute, la Bataille du Mur de trente-sept minutes et la Bataille des Bâtards de vingt-neuf minutes. La Bataille de Winterfell, elle, a une durée d'une heure et quart. Ce qui peut choquer, en outre, c'est cette accélération subite du récit. Alors que la Bataille de Winterfell a fait l'objet d'une préparation de deux épisodes pour un final qu'on pourrait juger (ce que je ne fais pas) de précipité, celle de King's Landing, n'a pas le même traitement. Là où les scénaristes ont mis deux épisodes à tout mettre en place pour la Bataille de Winterfell, la moitié d'un épisode suffit pour celle de King's Landing. Cela peut se justifier du point de vue de la narratologie, pour montrer l'empressement irraisonné de Daenerys Targaryen, mais cela laisse au spectateur une impression étrange.
Cette rupture rythmique est en vérité un problème. Il est nécessaire d'avoir une bonne répartition du rythme au sein même d'une saison. Pourquoi la saison 7 de Game of Thrones a-t-elle moins fait polémique, malgré un rythme accéléré ? Parce que l'accélération s'est faite uniformément sur l'ensemble de la saison, et non pas sur la moité. Bien que j'ai apprécié la saison 8 de Game of Thrones, j'ai trouvé certaines ellipses très mal amenées. Le cas le plus probant me semble être celui de la capture par Euron Greyjoy de Missandeï. Les scénaristes, voulant surprendre le spectateur, ont pris le parti de ne pas montrer la capture de l'amie de Daenerys. Il me semble que cela a été dommageable, car le résultat n'était pas la surprise à proprement parler, mais tout un tas d'interrogations. Une surprise, c'est cool. Mais elle est gâchée dès lors où le spectateur se pose la question de sa probabilité.
Autre défaut majeur de cette saison, le traitement du personnage de Euron Greyjoy, qui du début à la fin, aura été d'une lourdeur implacable. Il est dommage qu'un personnage finalement aussi important, ait eu un traitement aussi bâclé. Game of Thrones nous avait habitué à plus de finesse, à plus de nuance, dans le traitement de ses personnages. La figure de Euron tendait à casser l'absence de manichéisme de Game of Thrones, qui était une des raisons de son succès retentissant.
Les qualités intrinsèques à cette saison 8
Maintenant que j'ai exposé ce qui me semblait être les gros défauts de cette saison, je vous propose une liste non exhaustive de ses points forts. Comme l'a dit le vidéaste Captain Popcorn dans une récente vidéo, un épisode de Game of Thrones ne peut être complètement mauvais, et ce pour deux raisons. La première raison que le vidéaste a évoquée, c'est l'amour que nous avons pour ces personnages, leur richesse d'écriture, leurs aventures trépidantes dont nous avons été les chanceux témoins. La seconde raison, c'est l'incroyable qualité de production des épisodes.
Et cette saison 8 ne fait pas exception. La qualité de la production est d'une qualité jusqu'ici inégalée à la télévision, et peut-être même au cinéma. Les épisodes 3 et 5, respectivement appelés The Long Night et The Bells, réalisés par Miguel Sapochnik (à qui l'on devait déjà les extraordinaires batailles de Durlieu et des Bâtards), portent au paroxysme la qualité visuelle d'une bataille au Septième Art. La beauté de la photographie, la fluidité et l'audace des mouvement de caméra, le montage dynamique, tout est époustouflant.
Autre grand atout de cette saison 8, Ramin Djawadi, que je considérais déjà comme étant l'un des plus grands compositeurs actuels, s'est surpassé. Il vous suffira d'écouter l'album de la bande originale de cette saison 8, pour vous rendre compte de la richesse mélodique de cette saison. Non content d'inclure de nouveaux thèmes musicaux, Ramin Djawadi a encore fait évoluer les anciens, comme si les musiques évoluaient en même temps que les personnages. En un mot : prodigieux.
Et que dire du jeu d'acteur toujours exceptionnel. La série a toujours su laisser toute la place au jeu de ses acteurs talentueux. Et dans cette saison, chaque acteur a eu son moment de gloire. Peter Dinklage, l'interprète de Tyrion, brille dans chaque épisode par son charisme naturel, et ses dialogues sont déchirants. Nikolaj Coster-Waldau, qui joue Jaime, est plus émouvant que jamais, surtout dans les épisodes 2 et 5. Bon j'avoue que Tyrion et Jaime sont mes deux personnages préférés... Quand à Lena Headey, qui interprète Cersei, bien que trop peu présente à l'écran à mon goût, elle brille par son charisme terrifiant.
Enfin, contrairement à nos confrères du Point, je tiens à saluer, pour les premiers épisodes du moins, et le début de l'épisode 4, le retour des dialogues intimes, qui avaient fait le sel des premières saisons de Game of Thrones. Game of Thrones a toujours brillé par ses dialogues extrêmement bien écrits (j'avoue ne pas connaître de série avec des dialogues aussi pertinents, aussi aiguisés, si ce n'est, dans un tout autre registre, Kaamelott). Et même si les dialogues intimes de la saison 8 reste en deçà de ceux des premières saisons, j'ai été ravi d'avoir accès à nouveau à cette sphère des personnages.
Ces défauts qui n'en sont pas
Plusieurs choix narratifs de cette huitième saison ont fait polémique, et je voudrais exprimer ici les raisons pour lesquelles je les ai trouvés satisfaisants. Il ne sera nullement question ici de critiquer l'appréciation des uns ou des autres, seulement d'offrir quelques pistes de réflexions, pouvant légitimer ou non des choix narratifs que certains ont trouvé douteux, pour ne pas dire illogiques.
La scène de sexe d'Arya et Gendry : il s'agit de la première scène de cette saison 8 à avoir fait polémique, bien que cette dernière ait fait beaucoup moins de bruit que les suivantes. Certaines personnes ont ainsi été gênées du fait qu'Arya ait une relation sexuelle. Personnellement, cette scène ne m'a nullement gêné. Arya, bien que meurtrière chevronnée vivant pour la vengeance, émet l'hypothèse qu'elle pourrait mourir très rapidement. Cette scène de sexe vient rappeler, de manière assez simple je trouve, qu'il demeure au fond d'elle une part d'humanité, part qui aura son importance dans la suite de la saison, notamment dans les épisodes 5 et 6. Certaines personnes ont été gênées du fait qu'on connaisse le personnage depuis l'enfance. Là encore, je ne vois pas ce qu'il y a véritablement de gênant. Je trouve assez logique qu'Arya ait une vie sexuelle. Cette scène trouve d'ailleurs une autre justification dans l'épisode 4, quand Gendry fait sa demande en mariage. Arya lui répond qu'elle n'est pas faite pour être une Lady vivant dans un château. Autrement dit, cette scène de sexe (où l'on ne voit soit dit en passant quasiment rien) permet d'emmener une ligne de dialogue, nous permettant de saisir qu'Arya, malgré les dizaines de morts qu'elle a laissés derrière elle, demeure la même petite fille qui, lorsque son père l'interrogeait, disait qu'elle ne serait jamais une lady. Arya n'est pas personne : elle demeure Arya Stark.
La charge insensée des Dothraki : nombreux sont ceux qui ont vilipendé la charge des Dothraki au début de l'épisode 3, parce qu'ils la jugent insensée. Le sort des Dothraki, vite exterminés par l'Armée des Morts, tendrait à leur donner raison. Néanmoins, je voudrais nuancer ce propos. Certes, généralement, une cavalerie légère est censée attaquer les flancs de l'armée adverse. Mais je vais poser trois questions, et peut-être si un internaute s'y connait en techniques militaires, pourra-t-il me répondre. Tout d'abord, est-on certain que cette technique militaire (les cavaleries légères réservées à l'attaque des flancs de l'armée adverse) n'est pas qu'une technique militaire occidentale ? Je m'explique : si les peuples Westerosi sont inspirés des peuples d'Europe occidentale, de la France à l'Angleterre, les Dothraki sont influencés par les peuples nomades, des Huns aux Kazakhs. Dès lors où ces peuples n'ont pas d'armures lourdes, est-ce que lors de leurs guerres intestines, les cavaleries légères étaient réservées à l'attaque des flancs ? Il me semble que ces peuples n'ayant pas toujours d'infanterie, les cavaliers se rentraient dedans, tout simplement. Or si l'on considère que les Dothraki sont inspirés de ces peuples nomades et cavaliers, on peut dès lors comprendre qu'ils utilisent des techniques qui ne soient pas exactement les mêmes que les techniques martiales occidentales, non ? Deuxième question : admettons que les Dothraki auraient dû attaquer les flancs. Est-ce possible de les attaquer dès lors où, à cause de la nuit noire, ils ne voient pas l'armée adverse, et a fortiori les flancs qu'ils sont censés attaquer ? Dernière question : admettons toujours que les Dothraki auraient dû, comme toute cavalerie légère, attaquer les flancs (ce dont je ne suis pas persuadé, encore une fois), est-ce que cette technique militaire auraient fonctionné, étant donnée l'infériorité numérique des Dothraki par rapport au nombre extraordinaire de soldats dans l'armée des morts ? Pour comprendre mon interrogation, faisons un raisonnement par l'absurde. Est-ce que si nous sommes six cavaliers contre cent fantassins, avons-nous vraiment plus de chance en attaquant à trois par les côtés qu'en attaquant à six de front ? Il me semble que la charge des Dothraki n'était pas si stupide que ça. Inutile, certes, mais pas stupide. Si vous voulez vraiment chercher de la stupidité, c'est quand on voit qu'ils n'avaient même pas de verredragon sur leurs épées. (Et même sur ce dernier point on peut trouver une explication logique : les armées de Dany arrivent en épisode 1. L'Armée des morts arrivent à la fin de l'épisode 2. C'est à dire à peine deux jours plus tard.) Heureusement que Melisandre est arrivée pour les enflammer. Si une bonne âme pouvait répondre aux questions que j'ai posées, je suis sincèrement preneur.
Arya qui tue le Roi de la Nuit : j'ai déjà dédié à cette question un article, que je vous invite à lire, en cliquant ici. Je vais cependant vous faire un petit résumé de ce que j'ai pensé de cette fameuse scène. Tout d'abord, le fait que la série ait autant tablé sur les prophéties entourant Jon Snow pour que finalement ce soit Arya qui tue le Roi de la Nuit ne m'a pas profondément déçu. En effet, les prophéties ne sont jamais une science exacte dans Game of Thrones, et ce pour plusieurs raisons. Déjà, Melisandre (qui est l'auteure de nombreuses prophéties) se trompe assez régulièrement. Ce fut le cas, notamment, avec Stannis Baratheon. Ensuite, les prophéties n'ont cette valeur que pour ceux qui y croient. Je m'explique. Dans Game of Thrones, la religion est une chose terriblement complexe. On nous parle d'Anciens Dieux, de Nouveaux Dieux, de Dieu Noyé, de Dieu de la Mort, de Dieu de la Lumière. Et nous avons parfois des faits (magiques) qui semblent témoigner de leur existence, comme la résurrection de Jon Snow ou les Barals. Mais ces preuves sont-elles suffisantes pour confirmer, à 100%, l'existence des Dieux sus-mentionnés ? Bien sûr que non. Le génie de Game of Thrones consiste à nous mettre au même niveau que les habitants de Westeros. A nous de déchiffrer les signes, et d'en déduire l'existence ou l'inexistence des Dieux. Mais à aucun moment nous avons la preuve irréfutable de l'existence divine. Après tout, Melisandre n'est-elle pas un peu sorcière ? Peut-être voit-elle dans sa propre puissance la volonté d'un Dieu qui pourtant n'a jamais existé ? Et les prophéties, qui sont intrinsèquement liées à la question religieuse, doivent être considérées avec les mêmes égards. Donc, oui, en tant que fan, on peut être déçu du fait que Jon Snow ne soit pas celui qui détruit le Roi de la Nuit. Mais finalement ce n'est pas illogique, et ça reste dans l'esprit de Game of Thrones. C'est d'autant plus dans l'esprit de Game of Thrones que la série comme le livre propose une relecture, assez méta, du genre de la Fantasy. En Fantasy, on avait jusqu'à maintenant deux grands types de héros : le preux chevalier (comme Aragorn dans Le Seigneur des Anneaux) et le Barbare sanguinaire (comme Conan). Dès le début de l'intringue meurent Ned Stark (représentant de la première catégorie) et Khal Drogo (représentant de la deuxième). George R.R. Martin, avec ses deux morts, nous expliquait qu'il allait faire naître un nouveau type de héros de Fantasy. Or, quand on y réfléchit, Jon Snow est le stéréotype même du personnage de Fantasy, que George R.R. Martin s'était empressé de faire tuer au début de sa saga. Donc le fait que le héros tant attendu ne soit pas le héros qui résolve la grande menace des Marcheurs Blancs ne me choque pas outre mesure, bien au contraire, car cela reste dans l'esprit de la série. Nous présenter des personnages comme des héros, pour finalement les tuer, ou donner le meilleur rôle à des personnages secondaires. Pour ceux qui doutent du fait que Jon Snow était un personnage stéréotypé de Fantasy, je vous conseille de réfléchir à qui est Jon Snow : un personnage au passé mystérieux, qui fait toujours (sauf en saison 8) les bons choix, toujours du côté de la Justice et du Bien Commun, et autour duquel flotte un parfum de mysticisme et de prophéties (comme Harry Potter). Pour ceux qui critiquent le fait que ce soit Arya qui tue le Roi de la Nuit, je vous conseille la série de Tweet du vidéaste Mestre Thibaut, qui explique à quel point tout avait préparé Arya à cet événement. Pour ce qui est de son saut de Ninja, c'est un détail. Et se gâcher le plaisir d'un épisode aussi grandiose pour un simple détail, je trouve ça personnellement dommage. Mais peut-être suis-je finalement trop tolérant...
La Bataille de King's Landing : comme la charge des Dothraki, la stratégie de Cersei Lannister, visant devant les murailles de King's Landing, la Compagnie Dorée, n'a pas fait que des satisfaits, certains allant jusqu'à critiquer une faute de stratégie militaire. Personnellement, cela ne m'a pas choqué, et pour deux raisons. La première : encore une fois, il s'agit d'un détail. La seconde : il me semble qu'au contraire, c'était la stratégie à employer. Imaginons deux secondes que la Compagnie Dorée avait été placée à l'intérieur des murailles, que se serait-il passé ? Et bien l'Armée du Nord et les Immaculés auraient tenté de neutraliser les Lannister s'occupant des Balistes, donnant ainsi le champ libre à Drogon. Tandis que si la Compagnie Dorée était placée devant, les fantassins de l'armée de Daenerys ne pouvaient pas attaquer les Lannister manipulant les balistes, et du coup, idéalement, Drogon aurait eu plus de difficultés. C'était là, je pense, la stratégie de Cersei. Après, finalement, elle aura été inutile, étant donné que Drogon a cramé toute les balistes avant d'arriver par surprise. Mais le plan initial était pas si mauvais que ça, d'autant plus si l'on considère que la Compagnie Dorée sont des mercenaires (donc sacrifiables à souhait), et qu'ils font partie des guerriers les plus chevronnés du monde de Game of Thrones. Rajoutons à celà qu'il est extrêmement facile d'enfoncer les portes de King's Landing... J'ai également entendu deux reproches à cette bataille : le fait que la Compagnie Dorée ait été aussi inutile d'une part, et le fait que Yara Greyjoy ne soit pas intervenu d'autre part. Pour le premier reproche, nous sommes clairement dans l'esprit Game of Thrones. Il s'agit d'une série qui tente, au mieux, de tendre vers le plus de réalisme possible dans un univers de Fantasy. Et dans une bataille, malgré le fait que vous organisiez tout, que votre plan de bataille est solide, il peut arriver à tout moment un coup du sort qui défonce intégralement votre plan, qui le réduit à néant. C'est ce qu'il s'est passé avec la Compagnie Dorée. Moi aussi j'aurais souhaité voir un combat entre les deux armées, mais finalement, la fin de Compagnie Dorée, si elle n'a pas toutes mes envies de fan, elle n'est pas à jeter pour autant. Quant au fait que Yara Greyjoy n'ait pas participé à la Bataille de King's Landing, il s'agit en fait de logique. Pour rappel, Yara a perdu toute sa flotte dans l'épisode 2 de la saison 7. En quoi aurait-elle été utile ? Elle serait venue à King's Landing avec trois bateaux, manipulés par trois pelés et un tondu, pour finalement se faire écraser par la flotte beaucoup plus imposante de Euron Greyjoy ? Cela aurait été une faute stratégique assez incroyable. D'autant que les Fer-Nés sont surtout bons pour les batailles navales, leur histoire récente a montré qu'ils étaient assez inefficaces dans des combats terrestres. Rappelons par ailleurs que Yara Greyjoy vient à peine de reconquérir les Iles de Fer. J'imagine que les quitter pour participer à une bataille aurait également été une faute stratégique.
L'hyperpuissance de Drogon : alors ça c'est un des plus gros défauts de l'épisode 5, et même si je suis d'accord que ce n'est pas cohérent, il s'agit une fois encore d'un détail. Mais on peut trouver des explications. Tout d'abord, je tiens à rappeler que les Dragons ont toujours été surpuissants. Je vous renvoie à la Bataille de Meereen (saison 6, épisode 9). On me rétorquera que Rhaegal s'est fait tuer en deux secondes, et que Drogon arrive à tout esquiver et tout détruire. Oui. Mais là est le véritable problème : c'est que ce qui casse la cohérence, ce n'est pas tant l'hyperpuissance de Drogon (qui reste fidèle au reste de la série) que les événements de l'épisode 4 qui ont conduit à la mort rapide de Rhaegal. En gros, si la mort de Rhaegal avait été emmenée avec plus subtilité, l'épisode 5 aurait gagné en cohérence. Mais on peut toujours, pour se rassurer, relier les fils de la cohérence. Se dire par exemple que Rhaegal était blessé (pour rappel, il avait du mal à voler suite à ses blessures lors de la Bataille de Winterfell). Qu'on a plus de chances un dragon quand ils sont plusieurs que quand ils sont un (le même principe qui explique pourquoi les prédateurs chassent généralement des troupeaux plutôt que des proies solitaires : cela augmente à la fois les chances de survie de l'animal chassé, mais aussi les chances de survie de l'animal prédateur). Ou encore, dans l'épisode 4 (bien que ce soit ici aussi incohérent), Rhaegal est attaqué par surprise, alors que dans l'épisode 5, c'est Drogon qui attaque par surprise. Pour ceux qui doutent encore du fait que c'est l'épisode 4 qui fait s'écrouler l'édifice de la cohérence, souvenez-vous d'une chose : Euron tire à de nombreuses reprises avec la baliste, sans jamais prendre le temps de la recharger. On le voit tirer sur Drogon. Plan suivant, on abaisse la baliste. Plan suivant, on le voit tirer sur les bateaux de Dany. A quel moment a-t-il rechargé ?
La folie de Daenerys : beaucoup ont gueulé suite au coup de folie de Daenerys. Je voudrais ici reprendre les choses depuis le début. Daenerys Targaryen a toujours été un personnage complexe. Avec cependant une complexité plus facile à appréhender que celles de personnages comme Jaime Lannister... Mais je voudrais insister sur cette complexité. Daenerys Targaryen est une femme au grand coeur. Malgré cela, malgré son grand coeur, elle est aussi un personnage extrêmement sanguinaire. Pour rappel, elle n'a eu aucune réaction à la mort violente de son frère. On me rétorquera que c'était un crétin fini qui la méprisait, mais il restait son frère. Quand Khal Drogo lui promet de conquérir Westeros et de violer des femmes et tuer par milliers des hommes, elle sourit à pleine dents. Quand elle menace les Treize de Quarth, elle promet d'emmener la mort et la destruction. Quand elle crucifie les maîtres, elle crucifie également ceux qui s'étaient opposé à la crucifixion des enfants. Quand elle brûle Vaes Dothrak, elle tue également les veuves, même celles qui ne lui avaient rien fait. Et je ne mentionnerai même pas la mort des Tarly. Daenerys est un personnage violent. Mais pour bien saisir les facettes de ce personnage ambigüe, je vous renvoie à la conversation entre Tyrion Lannister et Cersei Lannister, dans l'épisode 7 de la saison 7. Quand Tyrion dit à Cersei que Dany veut rendre le monde meilleur, Cersei lui rappelle qu'elle voulait détruire King's Landing. Ce à qui Tyrion lui répond : "Elle se connaît. Son conseiller doit réfréner ses pulsions, et non les nourrir." Cet épisode nous permet de rappeler deux choses : Daenerys a déjà voulu détruire King's Landing, et en plus elle tente de réfréner ses pulsions, et son échec qui en fait un parfait personnage tragique. Pour ceux qui considèrent que son basculement vers la folie est trop rapide, rappelons d'autres événements. En l'espace de sept épisodes (de l'épisode 6 de la saison 7 à l'épisode 5 de la saison 8), Daenerys a perdu successivement deux dragons, Jorah Mormont (mort pour la protéger, par amour pour elle, ce qui doit lui donner un sentiment de culpabilité sans précédent), Missandei, sa légitimité au trône de fer et ses espérances amoureuses avec Jon Snow. Voilà de quoi la fragiliser psychologiquement. Et je pense que certains sous-estiment les ravages que peuvent créer un bouleversement psychologique aussi grave que celui de Daenerys. Quant à ceux qui jugent incohérent que ce même personnage, qui à cause de la mort d'un seul enfant avait enfermé ses dragons, tue aujourd'hui des innocents par centaine de milliers, je pense qu'ils sous-estiment la complexité des êtres humains, et notre capacité à être profondément contradictoires. Je voudrais également éclairer deux points. Tout d'abord, si bien évidemment Daenerys est à blâmer pour le massacre de King's Landing, elle n'est pas la seule à avoir sa part de responsabilité. Souvenez-vous : ses conseillers devaient réfréner ses pulsions. Or, Varys a comploté dans son dos, sans même faire preuve de la moindre empathie. Daenerys était brisée psychologiquement, et la première chose à laquelle il pense, c'est la remplacer. Quant à Tyrion, en ne lui parlant pas, alors qu'elle tombait dans la paranoïa, il n'a fait qu'agrandir son isolement. Ensuite, à ceux qui me rétorqueront que, même si le fait que Dany devienne la Mad Queen, cela n'est pas logique que cela se fasse alors qu'elle vient de gagner la guerre, je leur répondrais ceci : Dany, qui n'a eu que la peur alors qu'elle cherchait l'amour du peuple, a obéit au plan de Tyrion dicté en début d'épisode 5. Sauf que lorsque les cloches sonnent, ce n'est pas une reddition résultant d'une adhésion à Daenerys, mais une reddition demandé sur le coup de la peur. En d'autres termes, Daenerys a gagné la bataille, mais avant même de tout cramer, elle avait perdu encore plus le coeur de celles et ceux qu'elle était venue sauver.
La mort de Cersei : un autre événement qui en a déçu plus d'un, mais que j'ai trouvé pleinement satisfaisant. Beaucoup ont reproché que Cersei meurt écrasée par le plafond de la crypte. Mais qui donc l'aurait tuée ? Jaime ? La série n'a jamais mentionné la prophétie du Valonqar. Ce n'est donc pas incohérent. D'autant plus que la dernière scène de Cersei et Jaime est déchirante. Arya ? Elle avait tué le Roi de la Nuit. Vous auriez donc voulu qu'elle tue tout le monde ? Tyrion ? Tyrion n'est pas un combattant, comment serait-il arrivé jusqu'à elle ? Nombreux étaient les personnages qui avaient une raison de tuer Cersei. Et chacune des fins possibles aurait pu décevoir les adeptes d'une autre fin alternative. Par ailleurs, quand on y réfléchit, la mort de Cersei reste dans l'esprit de la série. Qui a tué Joffrey Lannister ? Petyr Baelish et Olenna Tyrell, ceux qui avaient le moins de choses à lui reprocher. Game of Thrones a toujours joué sur cette déception des attentes des fans. La plupart des personnes de la liste d'Arya n'ont pas été tuées par Arya elle-même. Cette déception des attentes des fans est faite par souci de réalisme, comme pour rappeler que même quand on désire avec force quelque chose, on n'est jamais sûr de l'obtenir, et cette chose peut arriver d'une façon dont on ne se serait jamais douté. Donc oui, j'ai été satisfait de la mort de Cersei, d'autant que ses derniers instants ont rappelé son humanité.
Bran, roi de Westeros : alors j'avoue, je ne m'y attendais pas, et j'ai d'abord ressenti de la déception. Puis, en y réfléchissant, j'ai trouvé ce choix logique. Pour comprendre mon raisonnement, qui je pense est le même raisonnement que les scénaristes, je vais vous poser une question. Qui parmi les survivants auraient pu devenir roi ou reine à la place de Bran ? Jon ? Après avoir tué Daenerys, accepter le trône aurait été profondément illogique, tant pour les raisons politiques évidentes que rappelle l'épisode, que pour son code d'honneur extrêmement solide. Je vois mal Jon accepter le trône après avoir tué l'amour de sa vie. Sansa ? Sansa hait par dessus tout King's Landing, où elle a vécu l'enfer pendant trois saisons. Elle n'a jamais autant souffert qu'à King's Landing, lieu où elle a perdu son père, avant d'être otage de Cersei. Je ne voyais pas Sansa aller autre part qu'au nord. Arya ? Elle ne veut pas être une Lady, n'a jamais souhaité l'être. D'autant qu'elle n'a aucune expérience du pouvoir. Même chose pour Gendry. Si c'est pour mettre un roi aussi inexpérimenté que Robert Baratheon, pourquoi faire ? Tyrion ? C'est un nain. On sait à quel point les nains sont méprisés à Westeros, et cela fragiliserait le pouvoir. D'autant que comme il le rappelle lui-même, on le déteste pour avoir servi ou trahi Daenerys, suivant les allégeances. Si Bran n'était pas le choix le plus évident, il n'en demeure pas moins qu'il était le moins mauvais choix possible. Non content d'être la mémoire du monde, il est également le seul dont on est certain qu'il ne tomberait pas dans l'hybris, dans la démesure. Certains reprochent à Bran d'être un homme sans sentiment. Et c'est là que se trouve, à mon avis, le plus gros problème d'écriture des trois dernières saisons. Bran, en devenant la Corneille aux Trois Yeux, n'a pas été privé de ses sentiments, comme c'est malheureusement montré dans la seconde partie de la saison 6 et l'intégralité de la saison 7. Brandon Stark, pouvant connaître l'histoire de tout un chacun, les envies, les peurs, les démons de tout le monde, devrait être un être doué de supra-sensibilité (ou de méta-sensibilité). Il n'a plus les sentiments de Brandon Stark, il a les sentiments de tout le monde. Il n'est plus Brandon Stark, il est tout le monde. Et d'ailleurs, j'ai trouvé que les scénaristes ont tenté de corriger l'image de Bran et son rapport à la sensibilité. Cela s'est vu notamment quand à il a dit à Theon Greyjoy qu'il était "chez lui" à Winterfell, soulignant que Theon est un un Stark. Ou quand il lui dit qu'il est un homme bon, et lui dit merci avec beaucoup plus de facilité qu'à Meera, dans l'épisode 1 de la saison 7. Même chose dans ce dialogue avec Tyrion dans l'épisode 4, à propos de son fauteuil roulant. Il lui explique qu'il avait aimé le fauteuil d'un Targaryen, et qu'il a voulu avoir le même. Preuve que Bran conserve des envies, conserve une humanité. On sent donc que les scénaristes ont compris leurs erreurs, et que Bran n'est pas un être dénué d'humanité, mais est en vérité la somme de toutes les humanités.
Pour toutes ces raisons, j'ai apprécié la saison 8. Cette saison a des défauts évidents, mais je trouve que demeure une certaine injustice dans le jugement de certains fans. J'ai voulu donner mon avis sur certaines scènes précises, espérant ainsi vous faire voir cette saison sous un nouveau jour. Je tiens également à rappeler que Weiss et Benioff ont écrit cette fin sans l'aide de George R.R. Martin. Comment ne pas marcher sur des oeufs, avec un tel challenge ? L'exercice était délicat, et étant donnée l'extrême difficulté de l'exercice, je pense qu'ils s'en sont tirés avec les honneurs. La saison aurait mérité plus d'épisodes, c'est évident. Mais D&D ne sont pas de mauvais scénaristes. Un bon livre ne suffit pas à faire une bonne série. Il faut également avoir un certain talent d'adaptation.
Par jeanLucasec, il y a 5 ans :
Mi-figue, mi-raisin
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