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L’écrivain Haruki Murakami face à la censure de Hong Kong

De Gaetan Desrois - Posté le 1 août 2018 à 9h56 dans Cinéma

Il semblerait que Haruki Murakami, l’extraordinaire écrivain japonais à qui l’on doit les chefs d’oeuvre La Ballade de l’impossible, Kafka sur le rivage ou encore la trilogie 1Q84, ne fasse pas l’unanimité partout. Son dernier roman, Le Meurtre du Commandeur (Kishidancho Goroshi), encore inédit en France, fait l’objet d’une censure à Hong Kong. Explications. 

Un roman jugé indécent 

Un tribunal de Hong Kong a jugé que le nouveau roman de l’écrivain Haruki Murakami serait "indécent". Sont mis en cause les scènes de sexe racontées de manière explicite, qui jalonnent le récit. Le livre serait donc interdit à la vente aux lecteurs de moins de 18 ans. Autre mesure prise par la justice hongkongaise : Le Meurtre du Commandeur a été interdit d’exposition à la Foire de Hong Kong, qui avait lieu entre le 18 et le 24 juillet. 

Ces mesures ont indigné de nombreux intellectuels hongkongais, parmi lesquels le Président du Pen Club, Jason Y Ng, qui a déclaré dans une interview attribuée à The Guardian :

"Pour un territoire qui se présente comme la ville mondiale de l’Asie, le point de vue des autorités de Hong Kong sur la sexualité et son traitement littéraire sont archaïques. […] Qui peut dire que les scènes de sexe décrite par Monsieur Murakami dans Le Meurtre du Commandeur sont plus indécentes que celles des romans de James Joyce ou Henry Miller ? Et pourtant, il est banni d’un événement littéraire alors que les autres sont enseignés à l’école en tant que classiques."

L’homme de lettres Jason Y Ng n’y va pas de main morte dans sa défense de l’écrivain japonais. Et force est de constater que ces arguments sont saisissants. En effet, la comparaison entre Haruki Murakami et Henry Miller, l’écrivain de La Crucifixion en rose, est frappante. En effet, les romans de Miller avaient, en leur temps, presque tous été censurés aux Etats-Unis, parce qu’ils étaient jugés pornographiques. Les scènes de sexe, chez Murakami, sont d’un autre ordre : elles sont racontées de manière poétique. Alors comment comprendre cette censure incompréhensible ? Est-ce une preuve que la situation géopolitique de l’Asie est toujours aussi difficile ? Difficile d’y répondre. 

Il n’empêche que l’indignation de Jason Y Ng est partagée : une pétition a même été créée, afin de faire lever la censure. 

Haruki Murakami et les scènes de sexe 

Haruki Murakami (qui avait fait l’objet d’un Focus spécialement concocté par l’équipe Hitek) est un habitué des scènes de sexe explicites. Si le sexe n’est pas l’élément le plus important de ses romans extrêmement poétiques, à mi-chemin entre l’hyperréalisme et le surréalisme, il y occupe, depuis La Ballade de l’impossible, une place non négligeable. 

Ce n’est pas la première fois que l’auteur japonais provoque l’indignation. Lors de la parution d’Au Sud de la frontière, à l’Ouest du Soleil, l’émission allemande Le Quatuor littéraire (Das Literarische Quartett), avait permis un débat houleux entre deux critiques, Marcel Reich-Ranicki et Sigrid Löffler, sur la valeur littéraire des scènes de sexe dans l’oeuvre de Haruki Murakami et dans la littérature en général. 

Le principal intéressé s’était d’ailleurs exprimé, en septembre 2014, dans le mensuel français Le Magazine Littéraire, sur sa vision des scènes de sexe dans son œuvre :

"Cette polémique m’étonne. Je traite le sexe d’une manière très pragmatique. C’est-à-dire sans doute avec un étrange réalisme, mais sans jamais donner dans la pornographie. Pour vous dire la vérité, je ne prends moi-même aucun plaisir à écrire des scènes de ce genre. Avant d’écrire mon roman La Ballade de l’impossible, je ne l’avais encore jamais fait. […] Je dois me forcer. Je suis très timide. J’ai honte d’écrire des choses de ce genre. Mais elles sont nécessaires, voilà tout. Le sexe est la voie royale qui mène de l’autre côté. Il y a quelque chose de spirituel dans le rapport sexuel. Il ouvre une porte symbolique. J’en ai besoin pour amener du nouveau dans le récit." 

Un roman très attendu 

Chacune des parutions de Haruki Murakami fait sensation au Japon, des librairies ouvrant leurs portes dès minuit, pour vendre la nouvelle pépite du romancier japonais aux lecteurs les plus admiratifs. Les deux volumes du Meurtre du Commandeur n’ont pas fait exception. Le livre fut un véritable succès de librairie, avoisinant les ventes spectaculaires de 1Q84. On compare souvent le succès de Murakami au Japon à celui que pourrait avoir un nouveau volume de la saga Harry Potter

À l’étranger, malgré les (rares) polémiques qui rythment sa carrière, l’auteur connaît également un très grand succès. Il est chaque année favori des bookmakers pour le Prix Nobel de Littérature. 

En France, les deux volumes du Meurtre du Commandeur paraîtront le 11 octobre 2018, en même temps qu’un livre de conversations entre Haruki Murakami et le chef d’orchestre Seiji Ozawa, ponte de la musique classique. Le livre s’intitule De la musique - Conversations. Les trois livres seront publiés aux éditions Belfond. 

Aujourd’hui encore, un grand secret entoure Le Meurtre du Commandeur. À sa sortie au Japon, la seule information donnée aux lecteurs était que le roman serait plus long que Kafka sur le rivage et moins long que 1Q84. Aujourd’hui, alors que chaque jour nous rapproche un peu plus de sa sortie en France, nous possédons quelques maigres informations. Tout d’abord, d’après le site Les Inrocks, on apprend que l’auteur de Chroniques de l’oiseau à ressort y "dépeint la difficulté qu’éprouve son personnage face à la soudaine demande de divorce de sa femme". Le site french.china.org nous en apprend d’avantage. Murakami y évoquerait le massacre de Nanjing, en Chine, commis par l’armée japonaise, et aurait donc mis en colère l’extrême droit au Japon. Ainsi, la demande de divorce et l’évocation des exactions commises par l’armée japonaise rapprocherait Le Meurtre du Commandeur de Chroniques de l’oiseau à ressort (assurément mon roman préféré). On y apprend également que le personnage principal est un peintre de 36 ans. 

L’éditeur anglais Harvill Secker a décrit le nouveau roman de Murakami comme étant "un tour de force épique de l’amour et de la solitude, de la guerre et de l’art – ainsi qu’un hommage affectueux à Gatsby le Magnifique – et un sublime travail d’imagination d’un de nos plus grands écrivains"

Inutile de vous dire, qu’en dépit de la censure hongkongaise, on a hâte de découvrir ce nouveau chef d’oeuvre. 

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Mots-Clés : censureHaruki Murakamihong-kong

Salut, c'est Gaëtan. Diplômé d'un Master en Langues Modernes, je suis un grand passionné de Culture Pop. J'ai une affection toute particulière pour la culture des années 80/90. Grand lecteur, je suis aussi cinéphage et sérivore (un régime alimentaire des plus équilibrés !). Passionné par le Moyen-Âge, je suis un grand fan de Fantasy. Sinon, j'adore le cinéma coréen, la littérature japonaise, les séries et les comics britanniques. Ah, j'oubliais : pour savoir s'il y a du vent, faut mettre son doigt dans le cul du coq.

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Commentaires (2)

Par jeanLucasec, il y a 6 ans :

Honteux !

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Par mio, il y a 6 ans :

Il en vendra plus. "nan, ya du sexe, ne l'achetez pas ! " merci la pub gratos :D

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