En novembre dernier, Warner Bros distribuait enfin en hexagone le coffret version longue du Hobbit : La Bataille des cinq armées. Excellente nouvelle, puisque cette sortie allait de paire avec une autre, beaucoup plus intéressante : la sortie de l’intégrale des versions longues en un coffret 15 DVD. De quoi se faire un marathon Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux en version longue. Pour ceux qui veulent s’y mettre, sachez qu’il vous faudra y consacrer 20 heures et 15 minutes. (Lire l’article : Durée des marathons de 10 films geeks). Cependant, si la trilogie du Hobbit est moins bonne que celle du Seigneur des Anneaux, il me semble important de lui rendre justice.
Un conte pour enfants
Pour bien comprendre Le Hobbit, il est capital de se rappeler qu’il s’agit avant tout d’un livre pour enfants. Si Peter Jackson a pris un ton plus léger pour son adaptation du Hobbit que pour celle du Seigneur des Anneaux, c’est parce qu’il colle au ton du livre de Tolkien. Il y a un fossé énorme entre l’écriture du Hobbit et Le Seigneur des Anneaux. Sans parler de l’histoire, beaucoup plus sinistre, racontée dans la trilogie de Tolkien, son écriture est plus complexe qu’elle ne l’était pour les aventures de Bilbo Baggins.
L’adaptation du Hobbit par Peter Jackson reflète bien le ton du livre. Multipliant les scènes d’humour, la trilogie du Hobbit peut être appréciée par les enfants, tel que le voulait l’auteur britannique lorsqu’il l’a écrite. Beaucoup ont critiqué l’humour des films de la trilogie. Soit ces personnes n’ont pas lu le livre de Tolkien, soit ils ne s’en souviennent plus. Hormis quelques gags, le réalisateur néo-zélandais a retranscrit tous les passages humoristiques du livre : l’arrivée incongrue et progressive des nains chez Bilbo Baggins, leur présentation devant le changeur de peau Beorn, leurs chamailleries, etc.
Une adaptation plus fidèle
Tous ceux qui ont lu Le Seigneur des Anneaux le savent : Jackson se permet beaucoup d’infidélités à l’oeuvre de Tolkien, supprimant des personnages (comme Tom Bombadil ou Glorfindel) et des scènes, déplaçant des évènements (la mort de Boromir est écrite dans Les Deux Tours), en rajoutant d’autres (comme la bataille contre les Wargs dans Les Deux Tours). Malgré ces très nombreuses différences, non seulement la trilogie a gagné 17 oscars, mais en plus Peter Jackson a gagné l’Oscar du Meilleur Scénario Adapté. Quoiqu’en disent les "puristes" de l’oeuvre de Tolkien, Jackson a mérité son oscar. Sa trilogie est une excellente adaptation. Lui seul a réussi à retranscrire à l’écran un livre jugé inadaptable. Lorsqu’on voit ses films, on a l’impression d’être en Terre du Milieu, et de vivre aux côtés des personnages les mêmes épreuves qu’eux. Du grand art !
La trilogie du Hobbit est bien plus fidèle au roman que Le Seigneur des Anneaux. On y retrouve tous les grands événements : la rencontre avec les nains, l’escarmouche contre les trolls, l’arrivée à Foncombe, le combat d’orages, l’incursion à Gobelinville, l’affrontement contre les Wargs, l’hospitalité de Beorn, les araignées puis les elfes dans la Forêt de Grand-Peur (ou Forêt Noire), la fuite dans les tonneaux jusqu’à Bourg-Le-Lac (ou Lacville), l’entrée dans la Montagne Solitaire, le combat contre Smaug, la Bataille des Cinq Armées et le retour.
Il est vrai cependant que Jackson a rajouté des personnages. Par exemple, Azog le Profanateur est dans la trilogie de Jackson le principal antagoniste des nains. Pourtant, dans le livre, Azog est mort décapité par Daïn Pied d’acier, bien plus tôt, après avoir tué Thror, le grand-père de Thorin lors de la Bataille d’Azananulbizar (ou Bataille de la Moria). Comment expliquer le choix de Peter Jackson ? Sans doute la présence du terrifiant Orque Pâle des Monts Brumeux permet de donner plus de noirceur au récit. Plus important encore, faire d’Azog le principal ennemi de Thorin permet d’avoir à l’écran une incarnation du Mal que représente Sauron. Enfin, la motivation qu’a Azog de détruire la destinée de Durin (et le fait qu’il y parvienne) permet de donner au Hobbit une dimension supplémentaire, celle portée par toutes les grandes sagas du Moyen-Âge : raconter la destinée des grandes lignées royales. Pour Le Seigneur des Anneaux, si l’on prend l’histoire du point de vue d’Aragorn, on remarque alors que la destruction de l’Anneau permet avant toute chose la réintégration du Royaume du Gondor (qu’il gouvernera) en tant que grande puissance d’une part, et l’avénement du monde des Hommes d’autre part. Frodo n’est en vérité qu’un personnage accessoire de la Grande Histoire.
La présence de Legolas (absent du livre) permet de faire le lien entre les deux trilogies. Si le monde inventé par Tolkien est aussi imposant, c’est bien évidemment à cause de toute cette mythologie qu’il a créée, des langues qu’il a inventées, etc. Mais l’unité conférée par le grand nombre d’ouvrages sur l’Histoire de la Terre du Milieu y est également pour beaucoup : Le Hobbit, Le Seigneur des Anneaux, Le Silmarillion, Les Aventures de Tom Bombadil, les Livres des contes perdus, Les Lais du Beleriand, La Formation de la Terre du Milieu, La Route perdue, Les Enfants de Húrin et Les Contes et Légendes inachevées. Malheureusement, la plus grande partie de ces livres ne pourra pas être portée à l’écran, étant donné que Warner Bros a perdu les droits d’adaptation des livres de Tolkien, suite à des désaccords avec les descendants de l’auteur. Si Jackson n’avait pas rajouté des liens entre Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux, les deux trilogies qu’il a réalisées auraient pu fonctionner presqu’indifféremment l’une de l’autre. Ce qui aurait été éloigné de la vision globale qu’avait Tolkien de son oeuvre : une oeuvre unie. Pourquoi ce lien repose-t-il sur Legolas, alors qu’il n’est le personnage principal d’aucune des deux histoires ? Sans doute pour cela. Parce qu’il n’est qu’un détail de la Grande Histoire. Et que chez Tolkien, les détails sont la clé de son oeuvre. Souvenez-vous des paroles de Gandalf dans Un Voyage inattendu : "Je crois que ce sont les petites choses, les gestes quotidiens des gens ordinaires qui nous préservent du mal… "
Pour ce qui concerne le personnage de Tauriel, personnage inventé par Peter Jackson, et son histoire d’amour avec Kili, beaucoup de fans n’ont pas pardonné cet écart au réalisateur. Il est vrai que l’histoire de Tauriel et Kili peut sembler dérisoire, d’autant que certains aspects sont de gros clichés ! Cependant, si l’on creuse un peu, on peut voir que ce n’était pas aussi inutile que ça… L’amour que partagent la femme elfe et le nain permet en vérité de dévoiler un aspect chez Legolas qui n’est finalement que murmuré dans Le Seigneur des Anneaux, avec son amitié pour Aragorn et Gimli. Derrière son visage froid d’elfe, Legolas aime profondément les êtres vivants. Bien plus que son père Thranduil, qui semble respecter plus l’or que la vie. Son impulsivité dans Le Hobbit permet de souligner chez lui ce qui est à la fois une force et une faiblesse. Comme pour Arwen dans Le Seigneur des Anneaux. Chez les elfes, il semblerait que l’amour est souvent perçu comme une maladie. Arwen, en aimant Aragorn, perd son immortalité. Mais c’est cet amour qui est à la base de la Victoire contre le Mal. Sans cet amour déçu de Legolas, il ne serait jamais parti du Royaume Sylvestre pour chercher Aragorn (comme annoncé dans La Bataille des Cinq Armées), de même que sans l’amour d’Arwen, Aragorn n’aurait jamais eu Narsil reforgée. Autrement dit, le triangle amoureux entre Legolas, Tauriel et Kili, permet à Jackson de rappeler la vision particulièrement positive (emprunte de mentalité chrétienne) de Tolkien sur l’amour.
Enfin, Peter Jackson a eu l’intelligence d’intégrer aux films l’enquête de Gandalf et de Radagast sur le Nécromancien de Dol Guldur. En effet, dans le roman, avant de rentrer dans Grand-Peur, Gandalf quitte la Compagnie de Thorin Écu-de-Chesne pour partir seul à Dol Guldur. En s’appuyant sur les Appendices du Retour du Roi, le réalisateur est parvenu à raconter toutes les péripéties du Magicien, créant l’un des fils narratifs les plus passionnants de la trilogie.
Une version longue beaucoup plus intense que la version cinéma
À l’instar du Seigneur des Anneaux, la version longue du film surpasse de loin la version cinéma. Cette version est encore plus fidèle au livre de Tolkien que ne l’est la version cinéma. La plupart des chansons du livre y sont retranscrites à l’écran. On peut mentionner également le fait que certaines scènes du roman apparaissent dans leur intégralité, comme le concours d’énigmes entre Bilbo et Gollum.
La version longue est également plus sombre et plus violente. Notamment celle de La Bataille des Cinq Armées, avec la scène du char tranchant conduit par les nains, tranchant têtes, bras, jambes, et écrasant au passage quelques gueules de Wargs.
Enfin, que serait une version longue d’un film de Peter Jackson sans les heures de bonus ? La trilogie du Seigneur des Anneaux était contenue dans un coffret de 12 DVD, dont 6 n'étaient destinés qu’aux bonus. La trilogie du Hobbit, elle, propose 15 DVD, dont 9 pour les bonus. Des bonus passionnants, qui permettent de mieux comprendre l’oeuvre de J.R.R. Tolkien.
Le coffret est disponible sur Amazon pour les fans de la saga.
Par jeanLucasec, il y a 8 ans :
Ça se regarde tout de même !
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