Le Seigneur des Anneaux : cette scène est inspiré d'un cauchemar de Tolkien
N’importe quel fan de la trilogie de Peter Jackson vous le dira : la seule version du Seigneur des Anneaux qui vaille est la Director’s Cut. Dans ces versions rallongées de plusieurs dizaines de minutes, les films deviennent non seulement étrangement plus fluides, mais de nombreux éléments narratifs supplémentaires permettent aussi de mieux comprendre l’univers de la Terre du Milieu et de rendre toujours plus hommage à l’œuvre de Tolkien. Parmi ces moments, une scène particulière, surnommée Le Rêve d’Éowyn, se distingue et trouve carrément ses origines dans un cauchemar récurrent de J. R. R. Tolkien lui-même.
Éowyn face à un avenir incertain
C’est dans la version longue des Deux Tours que l’on trouve le plus d’ajouts concernant le destin d’Éowyn. Son intrigue amoureuse avec Aragorn y est davantage développée, tout comme l’ampleur de son rôle au sein du royaume, notamment à travers une scène de funérailles. Un bref passage humoristique révèle même son absence totale de talent culinaire. Cependant, Le Retour du Roi étoffe lui aussi le destin de la guerrière qui finira par détruire le Roi-Sorcier d’Angmar, notamment grâce à une scène de rêve loin d’être anodine.
La scène en question se déroule juste avant que Pippin ne regarde, bêtement, dans le palantír. Alors qu’Aragorn ravive les braises d’un feu mourant et borde Éowyn d’une couverture, celle-ci se réveille et lui confie son cauchemar :« J’ai rêvé d’une immense vague recouvrant les terres verdoyantes et les collines. Je me tenais au bord, et devant moi s’ouvrait un abîme obscur. Une lumière brillait derrière moi, mais je ne pouvais pas me retourner. Je ne pouvais que rester là, à attendre. »
Dans le récit ré-imaginé par Jackson, ce rêve, qui l’angoisse au point de la faire pleurer, reflète son incertitude et sa crainte de se retrouver impuissante face aux événements à venir. Malgré la victoire récente des Rohirrim au Gouffre de Helm, la menace de Sauron plane toujours. Le Seigneur des Ténèbres est ainsi comparé à une vague titanesque, prête à submerger la Terre du Milieu. Cependant, cette vision présage également l’éveil du potentiel d’Éowyn, qui, par son acte héroïque contre le Roi-Sorcier, influencera le cours de la guerre.Sauf que, si ce rêve funeste est bien présent dans les écrits de Tolkien, il n’a pas du tout la même signification… et surtout, ce n’est pas Éowyn qui le subit !
Un rêve inspiré de la chute de Númenor
Le thème de la vague dévastatrice est omniprésent dans la mythologie de Tolkien. Dans Le Silmarillion, l’île de Númenor, qui abritait autrefois la plus grande civilisation des Hommes, est anéantie par une immense vague d’eau. Cette destruction est une punition divine infligée par Eru Ilúvatar, le dieu suprême, après que les Númenóréens, corrompus par Sauron, ont renié les dieux, rejeté les Elfes, pratiqué la magie noire et tenté d’envahir les Terres Immortelles. Évidemment, vous l’aurez compris, cet événement rappelle la légende de l’Atlantide, une source d’inspiration clé pour Tolkien.
Dans les romans, ce rêve n’est pas celui d’Éowyn mais de Faramir, qui le partage toutefois avec elle alors qu’ils se remettent de leurs blessures dans la Maison de Guérison. À cet instant, Faramir s’interroge sur le destin du monde et sur la menace qui plane sur Minas Tirith, la capitale du Gondor. Cependant, contrairement à la fin tragique de Númenor, il garde espoir en la capacité des Hommes à surmonter l’obscurité.Plus étonnant encore : ce rêve n’est pas uniquement celui de Faramir…
Un cauchemar personnel de Tolkien
L’origine de ce rêve remonte directement à Tolkien lui-même. En effet, dans certaines de ses lettres, il confie avoir été hanté toute sa vie par un cauchemar récurrent où une vague gigantesque engloutit des terres peuplées. Il nommait lui-même cette obsession son Atlantis Complex ou Atlantis Haunting. Plus étrange encore, il affirmait que son fils Michael avait hérité de ce même rêve, sans même lui en avoir jamais parlé avant que Michael ne lui confie l’avoir fait lui aussi. Cette fascination pour une catastrophe engloutissant un monde l’a poussé à l’intégrer dans son univers sous la forme du mythe de Númenor.
D’ailleurs, il faut savoir que Faramir était le personnage de la saga auquel Tolkien s’identifiait le plus. Tout comme l’auteur, Faramir est un amoureux de l’histoire et de la littérature, un penseur plus qu’un guerrier. Dans une lettre, Tolkien explique :« Quand Faramir parle de sa vision de la Grande Vague, il parle pour moi. Ce rêve m’a toujours accompagné. »C’est donc tout naturellement qu’il lui a attribué cette vision.
Une adaptation cinématographique modifiée
Comme nous l’évoquions plus haut, dans l’adaptation de Peter Jackson, le rêve de la Grande Vague est attribué à Éowyn plutôt qu'à Faramir. Ce choix s’explique par les ajustements apportés à la narration : la relation entre Faramir et Éowyn est moins développée que dans le roman, et les scènes de la Maison de Guérison, même dans les director’s cut, sont très écourtées. Donner cette vision à Éowyn permet donc d’étoffer son personnage tout en conservant un élément clé de l’univers de Tolkien. Cela suit d’ailleurs la logique d’adaptation qui avait été entreprise pour Arwen, un autre personnage féminin dont le rôle a été modifié dans la trilogie de Jackson.
Ainsi, cette scène apparemment anodine, au milieu de la gigantesque Director’s Cut du Retour du Roi, cache en réalité une signification bien plus profonde, directement liée aux propres angoisses de Tolkien. En transformant son cauchemar en un élément de son mythe, l’auteur a non seulement enrichi son monde, mais aussi, peut-être, trouvé un moyen d’apaiser ses propres peurs.
Et si vous souhaitez en savoir plus sur le destin de Númenor, vous pouvez découvrir Le Seigneur des Anneaux : 9 faits que vous ignoriez sur Elendil