Voici pourquoi le marché du manga risque sérieusement de se dérégler
Alors que le marché du manga, et plus précisément de l'anime n'a jamais été aussi florissant en occident et en France, c'est le webtoon qui prend de plus en plus d'ampleur, au point de poser plusieurs problèmes. C'est le modèle économique encouragé qui inquiète, au point d'entraîner un fort dérèglement du marché.
Sony et Crunchyroll, Numéro 1 de l'anime en France ?
L'écosystème autour du manga en France n'a jamais été aussi impactant. Il y a quelque temps, nous vous parlions des plateformes d'animes et de leurs places prépondérantes. Sony l'a bien compris en rachetant via Crunchyroll, Wakanim, en avalant les contenus de la plateforme et récupérant ainsi les séries et films du catalogue.
Pour Sony et Crunchyroll, c'est donc un gros coup et un positionnement stratégique important dans la bataille pour le streaming des animés, avec l'objectif de rivaliser avec Disney et Amazon Prime Video, mais surtout avec Netflix.
Le webtoon, phénomène de plus en plus grandissant
Mais au-delà des plateformes diffusant les animés, c'est le manga en version numérique, en scan, qui a le vent en poupe. Les lancements de Verytoon par le Groupe Delcourt, faisant suite à ceux de Delitoon en 2016, de Webtoon Factory deux ans plus tard, de Webtoon en France en 2019, ou de Toomics en 2020, c'est un marché conséquent qui s'offre aux fans.
Vient s'ajouter à cette offre de plus en plus foisonnante le lancement de Piccoma. Une plateforme proposant des webtoons, soit des BD en couleur, adaptée aux écrans de smartphones. Via l'un des plus grands groupes asiatiques, Kakao, Piccoma, créé en Corée du Sud, qui, après avoir tout dévoré dans son pays d'origine, s'est attaqué au Japon, où le résultat a été sensiblement le même. Elle y revendique actuellement quatre millions d'utilisateurs quotidiens.
À titre d'exemple, Naver Webtoon compte en 2021 plus de 72 millions d'utilisateurs dans le monde, et drague aussi les Etats-Unis. Avec près de 500 millions de chiffre d'affaires en 2019, le secteur du webtoon représentait près de 50 % du marché de la BD coréenne. C'était il y a 3 ans de cela. Depuis, l'offre s'est largement exporté hors des frontières asiatiques.
Si l’application a été mise en ligne sur Google Play, le lancement officiel en France est prévu pour le mois de mai prochain, avec pour objectif de devenir le numéro 1 dans le secteur. Quant à son modèle économique, il consiste à offrir les premiers chapitres d'un livre. Pour débloquer les suivants, il faut payer en monnaie classique, soit environ 0,50 euro le chapitre.
Un marché à réguler
Néanmoins, ce modèle pose quelques problèmes, et non des moindres. En effet, il est possible pour les utilisateurs de payer ces chapitres en "coins", soit en monnaie numérique. Sur France Inter, Jean-Philippe Mochon, du Médiateur du livre (autorité chargée de la conciliation des litiges), s'est inquiété de ce mode de paiement :
Vous commencez un chapitre, et à un moment, les autres deviennent payants. Et au lieu de vous dire, "c'est payant et ça vous coûtera 1,99€", on vous dit que cela coûte un certain nombre de "coins". Et ces "coins", si vous en achetez beaucoup, ça vous coûte moins cher. Vous pouvez aussi en gagner si vous restez longtemps sur la plateforme, ou encore si vous partagez un contenu sur un réseau social. Alors évidemment, quand vous payez en "coins", c'est beaucoup moins stable, beaucoup moins clair que quand vous payez en euros.".
Ainsi, tout ceci entraîne un dérèglement du marché du livre, puisque si la loi de 1981 sur le prix unique du Livre, qui prévaut que n'importe quel ouvrage doit être vendu pour la même somme, dans tous les points de vente du pays (la loi a été réadaptée en 2011 pour englober les livres numériques identiques à leur support papier), certains webtoons n'existent qu'en version numérique. Par conséquent, ces versions échappent à loi de 1981. D'autant plus que si l'utilisateur patiente un certain temps, il peut accumuler des coins. Un problème majeur pour le marché du livre, des petites librairies -déjà en mauvaise posture- aux grandes surfaces en passant même par les plateformes de ventes en ligne.
Alors, que faire pour contrôler le phénomène grandissant ? Toujours selon France Inter, le Médiateur du livre prévoit de prendre contact avec Piccoma, mais aussi avec certains éditeurs déjà installés en France " pour rendre un avis dans les mois à venir, et peut-être adapter la loi à cette révolution dans l'édition.".
Alors que le webtoon séduit et semble être le contenu le plus optimisé pour les smartphones, les autorités vont devoir tenter de réguler ce modèle.
Par contre le webtoon c'est bien gentil, mais juste le gratuit, y'a tellement de choix... j'ai un site de webtoon à regarder, y'a plus de 20 000 occurences de manga, ça fait 2/3 ans que je dois le regarder, ça fait 2/3 ans que j'ai la flemme de regarder dedans tellement il y'a de trucs... Quand je vais en librairie, y'a un max de 2-3K titres, c'est classé par genre, y'a des vendeurs qui peuvent vous orienter vers de la fantasy, de la sf, etc
Sur internet y'a des sites avec des notes pour aider, en format physique pour découvrir, je trouve déjà que ça va plus vite et chercher directement dans des catalogues de webtoon de dizaines/centaines de milliers de volumes... me décourage vraiment...
C'est pour cela que l'on se retrouve avec les 80 premiers chapitres gratuits et la suite payante.
Par rapport au japon ou le one-shot ou pilote d'une série est payée dès le début, c'est ensuite qu'il faut faire ses preuves et que le manga perdure.
Le Webtoon c'est l'inverse, tu produis gratuitement, et si ça marche, au bout de tant de chapitres, tu es payé.
Et là on ne parle que d'un, en effet. Je dois suivre plus de 20 séries sur la semaine, j'en ai fini je ne sais pas combien et certains titres profitent réellement du format "téléphone" (dessin directement adapté pour le format, addition d'effets visuels, musiques...). Donc j'ai beau être un collectionneur de papier, je n'en boude pas moins cette branche culturelle.
Je trouve le fonctionnement de webtoon très bien, les auteurs sont rémunérés, on peut payer pour avoir les chapitres en avance et les pubs (c'est encore en lancement) et l'achat de coins font des revenus à l'entreprise.
En tout cas c'est toujours mieux que de voir les gens aller sur des sites "illégaux". Notamment certains qui, même lorsque les oeuvres sont licenciées en France, ne retire pas les chapitres ou continuent de les traduire (ou de voler les traductions).