Quentin Tarantino : clash of guns, retour sur une filmographie d'exception
À l’occasion de la sortie du huitième film de Quentin Tarantino, The Hateful Eight, focus sur la carrière d’un des plus grands réalisateurs d’Hollywood. Et on commence par les morts les plus emblématiques de la filmographie de Monsieur Tarantino. Et n'oubliez pas de répondre à notre sondage en fin d'article.
1- 1992 : Reservoir Dogs
Dès la scène d’introduction de son premier film, Tarantino pose la base de ce qui deviendra son style. Souvenez-vous : des gangsters assis autour d’une table de restaurant, discutant de Like A Virgin et des pourboires. Des dialogues incisifs, où toutes les répliques sont cultes. "Cette chanson, c’est une métaphore sur les grosses queues." "Si tu me flingues en rêve, tu me demandes pardon en te réveillant." "Il a raison ce type, rends-moi mon dollar, merde." Vous connaissez la suite autant que moi : le hold-up qu’ils avaient prévu échoue. La raison : l’un d’entre eux a trahi la bande. Mais qui ?
Grand amoureux de cinéma, Tarantino fait un hommage saisissant aux films de gangsters qui ont marqué sa jeunesse. On avait rien vu de tel depuis Scarface de Brian de Palma ou Les Affranchis de Martin Scorsese. Mais Tarantino ne se satisfait pas d’un simple hommage. Dans ce premier film, on note son ambition de devenir l’un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma. Il façonne un style aussi audacieux qu’addictif : des scènes et des répliques cultes à la pelle, où l’humour côtoie l’ultra-violence. Mr. Blonde coupant l’oreille d’un policier en dansant sur Stuck in the middle with you des Stealers Wheel, ça vous parle ? Entouré d’acteurs exceptionnels, Harvey Keitel, Tim Roth, Michael Madsen, Steve Buscemi, Tarantino mène sa petite bande dans un film sans merci, pour le plus grand bonheur de tous. Un film extraordinaire !
2- 1994 : Pulp Fiction
Pour son deuxième film, Quentin Tarantino frappe fort. Il signe en 1994 le film culte de toute une génération, Pulp Fiction. L’histoire croisée de deux malfrats (magistralement interprétés par Samuel L. Jackson et John Travolta), d’un boxeur (Bruce Willis), d’un parrain (Ving Rhames), d’une camée (Uma Thurman) et de deux braqueurs amoureux (Tim Roth et Amanda Plummer), le tout raconté de façon non-linéaire. Diagnostic : un chef d’oeuvre intemporel, où tout est parfait. Violence et humour, tout y est !
Pour son deuxième film, Tarantino renouvelle l’hommage aux films de gangsters. Mais cette fois avec la volonté ferme de révolutionner le genre lui-même. Le lieu de l’action (la jungle de Hollywood) n’est pas anodin ! Tarantino veut changer à jamais notre vision du cinéma. Et il y a arrive parfaitement. Pulp Fiction est le film qui définit le mieux le cinéma de Tarantino. Le mélange humour/violence fonctionne parce qu’ils trouvent un équilibre surprenant : chaque tonalité est contrecarrée par l’un ou l’autre de ces pôles. Vince Vega explosant la gueule du jeune Marvin sans le faire exprès est un parfait exemple de ce style unique au monde. Le film a été couronné de la Palme d’Or et de l’Oscar du meilleur scénario original. Et c’est mérité !
3- 1997 : Jackie Brown
Troisième film de Quentin Tarantino, Jackie Brown est sans aucun doute son film le moins violent. D’aucun dirait qu’il s’agit aussi du moins tarantinesque, mais ce serait faire une erreur grossière. S’il n’a pas eu le succès des deux précédents films, c’est une injustice sans nom. Parce que Jackie Brown est sans aucun doute un film de Quentin Tarantino, et ce même s’il s’agit de son seul scénario (très librement) adapté (Punch Creole d’Elmore Leonard). On y retrouve ses longs dialogues savoureux, son humour corrosif, ses morts laissés par-ci par-là. Comme d’habitude, la BO est remarquable : quel plaisir d’écouter Tennessee Stud de Johnny Cash ou voir Pam Grier chanter sur Across 110th Street de Bobby Womack.
Jackie Brown est à la fois le premier film d’amour de Quentin Tarantino, mais aussi, et surtout, son premier film politique. En rendant hommage aux films de Blaxploitation, le réalisateur américain met sur le devant de la scène une partie importante de la population américaine malheureusement trop spoliée : les noirs-américains. D’ailleurs, le rôle de Samuel L. Jackson (second rôle pour un film de Tarantino !) est éloquent. Le marchand d’armes qu’il interprète explique à un prêteur pour cautions qu’avec sa couleur de peau, il est obligé de passer par un blanc pour payer 10.000 dollars, sinon ça attire les soupçons. Un grand film, avec un Jackson incroyable (comme d’habitude !), une Pam Grier rayonnante. D’ailleurs tout le casting fait rêver : Robert de Niro, Bridget Fonda, Michael Keaton, Robert Forster.
4- 2003/2004 : Kill Bill
Après une absence de six ans, Tarantino revient sur le devant de la scène avec son film le plus ambitieux : Kill Bill. Le réalisateur de Reservoir Dogs et de Pulp Fiction avait déjà le statut de réalisateur culte. Mais avec ce diptyque racontant la vengeance sanglante de la Mariée (Uma Thurman est INCROYABLE !) contre ceux qui l’ont laissée pour morte à son mariage, Tarantino est projeté dans le rang des légendes du cinéma. Ce film hyper-violent est en vérité la plus belle histoire d’amour du cinéma contemporain. Histoire d’amour entre la Mariée et Bill d’abord ; histoire d’amour entre Tarantino et le cinéma ensuite. S’il rend hommage aux films de chanbara (comme le sublime Lady Snowblood de Toshiya Fujita) et aux films d’action hongkongais, il n’en demeure pas moins révolutionnaire dans son approche du genre. Des dialogues incisifs, des dialogues cultissimes, des scènes extraordinaires : Kill Bill est sans aucun doute l’un des meilleurs films des années 2000.
Le casting, la BO (qui n’a pas eu la gorge nouée en écoutant Nancy Sinatra chanter Bang Bang ?), la réalisation, tout est parfait dans ce film grandiose, où le film de sabre côtoie l’anime et le western spaghetti. Avec Kill Bill, Tarantino nous donne le coup de grâce, et met (presque) tout le monde d’accord ! Certains considèrent d’ailleurs qu’il s’agit de son dernier grand film (bien que cette affirmation me semble erronée).
5- 2007 : Boulevard de la Mort
Boulevard de la Mort (Death Proof en anglais) est considéré par Tarantino himself comme étant son film le moins bon (voir l’article : Devinez quel est le pire et le meilleur film de Quentin Tarantino). Pourtant, précise-t-il : "Ça ne veut pas dire qu’il est mauvais, simplement que c’est le moins bon." Si certaines personnes voient dans Boulevard de la Mort un mauvais film, je ne suis pas d’accord avec eux. Boulevard de la Mort est un très bon film. Stuntman Mike, le personnage brillamment interprété par Kurt Russell, est génial ! Les actrices Zoë Bell et Rosario Dawson sont rayonnantes dans leurs rôles de femmes puissantes, made in Tarantino. De l’humour, de la violence et des dialogues incisifs, voilà un cocktail explosif !
Alors comment expliquer le faible succès du film ? Sans doute à cause du type de films auquel Quentin Tarantino rend hommage. Après avoir exploré les films de gangsters, de la Blaxploitation et de chanbara, le réalisateur surdoué propose un film de série B. La série B est très contraignante : faible budget, pas de promotion publicitaire. Il n’empêche que Death Proof est en vérité un des films les plus maturs de Tarantino. En effet, avec cette bande de filles bien décidées à se venger d’un homme violent, il fait l’apologie d’un féminisme révolutionnaire. Je rapproche d’ailleurs Death Proof à Faster, Pussycat ! Kill ! Kill !, un film de Russ Meyer sorti en 1965, et qui raconte l’histoire de trois femmes enragées dans des voitures qui font rêver.
6- 2009 : Inglourious Basterds
En 2009, Quentin Tarantino nous livre son sixième chef d’oeuvre, et l’un de ses plus grands succès. Il suffit de voir la scène d’introduction pour reconnaître qu’Inglourious Basterds est l’un des films américains les plus importants du cinéma. On y découvrait l’acteur autrichien Christoph Waltz, dans le rôle du colonel nazi Hans Landa, discutant en français et en anglais. Le charisme magnétique de l’acteur autrichien, la richesse du dialogue, la pression qui monte en flèche jusqu’à ce que ça explose, tout le cinéma de Tarantino est contenue dans cette seule scène. Une scène ahurissante. Une scène comparable à la scène finale de Pulp Fiction, où Samuel L. Jackson parle à Tim Roth au restaurant. Surprise : des scènes comme ça, il y en a à la pelle, dans Inglourious Basterds. La scène du restaurant, où Hans Landa parle à Shosanna Dreyfus, et la scène de la cave. Pro-di-gieux !
Ce film, qui rend hommage — cette fois-ci — aux films de guerre, notamment à The Inglorious Bastards (en français : Une poignée de salopards) de Enzo G. Castellari et Les Douze Salopards de Robert Aldrich, confirme le tournant pris par Quentin Tarantino avec Death Proof : devenu plus mature, il fait des films plus littéraires et plus ouvertement politiques. Dans cette uchronie (SPOIL : Hitler est tué à la fin), le réalisateur américain s’appuie sur le colonel Hans Landa pour montrer comment on écrit l’Histoire. Ce chef d’oeuvre a gagné de nombreuses récompenses, dont l’Oscar du Meilleur Acteur dans un Second Rôle pour Christoph Waltz.
7- 2012 : Django Unchained
Après le succès immense d’Inglourious Basterds, Quentin Tarantino revient en 2012 avec un chef d’oeuvre absolu, son plus grand succès au box-office : Django Unchained. En racontant les aventures d’un esclave et d’un chasseur de prime allemand, respectivement interprétés par Jamie Foxx et l’immense Christoph Waltz, Tarantino dénonce le racisme qui gangrène aujourd’hui encore les États-Unis d’Amérique. Ce film, qui rend hommage aux westerns-spaghettis de Sergio Leone (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Le Bon, la Brute et le Truand, Il était une fois dans l’Ouest, Il était une fois la révolution, Il était une fois en Amérique) et de Howard Hawkes (Rio Bravo), est une perle cinématographique, un film extrêmement violent, drôle, émouvant. Bref, magnifique ! À chaque décennie, Quentin Tarantino donne un film culte. Les années 90 : Pulp Fiction. Les années 2000 : Kill Bill. Les années 2010 : Django Unchained.
Servi par une bande-son magnifique, où Ennio Morricone côtoie John Legend (Who did that to you ?), Brother Dege (Too old to die young) et les rappeurs Rick Ross (100 Black Coffins) et 2Pac (Unchained), le film nous donne un coup de grâce aussi redoutable que Pulp Fiction. Le casting du film est époustouflant : on se souviendra surtout des interprétations extraordinaires de Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio (méconnaissable !) et Samuel L. Jackson (lui aussi méconnaissable !).
8- 2015 : The Hateful Eight (SPOOOOOIIIIIILLLLL)
Pour son huitième, Quentin Tarantino décide de retourner au western. Mais comme d’habitude, il va là où on l’attend le moins. Si Django Unchained était surtout tourné en extérieur, The Hateful Eight (en français : Les Huit Salopards) est un (presque) huis-clos de trois heures. Pari risqué pour Tarantino, mais qu’il réussit HAUT LA MAIN ! Le réalisateur est entouré d’un casting exceptionnel, et vraiment tarantinesque : Samuel L. Jackson (Pulp Fiction, Jackie Brown, cameo dans Kill Bill, voix-off dans Inglourious Basterds, Django Unchained), Kurt Russell (Death Proof), Walton Goggins (Django Unchained), Tim Roth (Reservoir Dogs, Pulp Fiction), Michael Madsen (Reservoir Dogs, Kill Bill), Bruce Dern (Django Unchained), James Parks (Kill Bill, Death Proof, Django Unchained), Zoe Bell (Death Proof), Danna Gourrier (Django Unchained), Lee Horsley (Django Unchained). Nouveaux arrivés sur la planètee Tarantino : Demian Bichir, Channing Tatum et l’incroyable Jennifer Jason Leigh, nouvelle femme puissante dans la filmographie du réalisateur.
Dans ce film, qui tient à la fois de l’hommage au western-spaghetti et des Dix Petits Nègres d’Agatha Christie, ainsi qu’au remake du film d’horreur de John Carpenter The Thing (film qui joue sur la parano dans un monde de glace, dans lequel Kurt Russell joue, et dont la musique fut composée par Ennio Morricone) de Reservoir Dogs, Tarantino se veut plus politique que dans ses trois films précédents. En mettant huit personnages armés dans une pièce dont ils ne peuvent s’échapper, le réalisateur fait une allégorie de l’Amérique actuelle, où tout le monde déteste tout le monde. Principales victimes de cette ire collective : les noirs et les femmes, incarnés par Samuel L. Jackson (qui livre ici sa meilleure performance depuis Pulp Fiction) et Jennifer Jason Leigh. Même la gentille Minnie, l’aubergiste noire, à la gentillesse extrême, trouve le moyen de détester (SPOIL) les Mexicains. Tarantino trouve dans ce film l’occasion de parler des violences policières envers la population noire-américaine. Samuel L. Jackson dit à un moment : "Le seul moment où les noirs sont en sécurité, c’est quand les blancs sont désarmés." The Hateful Eight fut très injustement méprisé par la critique cinématographique. C’est du Tarantino pur-jus ! Avec son lot de scènes cultes (les deux monologues de Samuel L. Jackson, la scène de pendaison), son humour noir corrosif, ses dialogues EXTRAORDINAIRES, et sa violence provocatrice, The Hateful Eight est sans aucun doute son film le plus absolu. Peut-être bien un de ses meilleurs films. Jamais le cinéma de Tarantino n’avait été aussi violent, ni aussi sombre. Certains critiques lui reprochent d’être trop nihiliste. Mais ont-il vraiment compris le film ? La clé du film, c’est le duo Samuel L. Jackson / Walton Goggins, le noir-américain et le shérif. (SPOIL) La fin du film, où les deux acteurs sont allongés sur le lit de la mercerie, salie par le massacre qui a eu lieu dans les 50 dernières minutes, n’est-il pas le signe d’un espoir d’une réconciliation entre la police et les personnes noires qu’elle opprime, malgré toute la violence qui a jalonné leur histoire ? Bref, The Hateful Eight est un chef d’oeuvre tel qu’on en a rarement vu au cinéma.
Toutefois; il semble prendre de plus en plus la grosse tête et se fait mal voir de son public d'année en année.
Que cela fasse son charme ou non; espérons qu'il garde son génie. Après tout; je ne vais pas voir un film en fonction de la vie privée de son réalisateur. ;)
A voir dans ce top 4, où se placera son dernier chef d'oeuvre. (j'ai pas pu le voir ce week, report au suivant !)
Aller pour la route : Oh le con j'ai buté Marvin !
(BO de Django)
PS: sinon merci pour ce super article !
mais du coup pour être sur, je vais tous me re-mater
A part ça très bon article!