Shokushu goukan : les tentacules érotiques, un concept culturel tout droit venu du Japon
A cause de son excentricité, l’érotisme japonais est très souvent critiqué. Et pour cause : sa culture érotique est ouverte à tout. Certains en ont profité pour en tirer profit comme par exemple le shokushu goukan qui combine sexe et tentacules en représentant des femmes en plein coït avec des monstres tentaculaires ou des pieuvres. Retour sur cette étrange combinaison qui fait fureur au pays du soleil levant, mais pas seulement …
Peut-être êtes-vous déjà tombé sur des hentai qui proposent des scènes dans lesquelles des créatures avec des tentacules violent et pénètrent des femmes, des hommes ou des personnages androgynes. Ce genre érotique est baptisé le shokushu goukan, que l’on peut traduire par "viol par des tentacules" ou "tentacules érotiques", une forme d’érotisme très prisée au Japon et souvent parodiée.
Pour mieux comprendre les origines de ce phénomène culturel, il faut remonter en 1814 au Japon où l’artiste Katsushika Hokusai réalise une estampe baptisée Le Rêve de la Femme du Pêcheur qui reste encore aujourd’hui, une des œuvres les plus énigmatiques de l’histoire de l’art. Cette gravure est considérée comme étant la première représentation porno du phénomène des tentacules. Comme vous pouvez le voir, le tableau met en scène une femme en plein ébat avec des monstres tentaculaires. Si les Occidentaux ont interprété cette shunga (une gravure érotique japonaise) comme étant un viol, les Japonais, eux, la considèrent comme un acte sexuel consensuel qui illustre la légende de Tamori.
D’après cette légende, Tamori, la pêcheuse d’ormeaux, vole le diamant du roi des Mers. Celui-ci va envoyer sa troupe qui est composée de pieuvres à la poursuite de Tamori. Cette dernière et deux pieuvres vont connaître une jouissance mutuelle.
Un contexte politique et culturel particulier
Il faut savoir que cette interprétation survient au beau milieu de l’ère Edo qui offre un climat particulier aux artistes entre 1603 et 1868. A cette période, le Japon est renfermé sur lui-même et respecte énormément ses traditions. La société japonaise est très tolérante vis-à-vis des estampes et des shungas, mais cela ne va pas durer avec l’arrivée de l’ère Meiji (1868-1902). En effet, le pays va s’ouvrir au reste du monde et le puritanisme occidental va s’imposer obligeant les gravures érotiques nippones à tomber sous le coup d’une censure qui ne fera que s’accentuer jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
L’article 175 du code pénal japonais va même jusqu’à punir d’emprisonnement quiconque vend et distribue du contenu dit "obscène". C’est ainsi que les artistes vont prendre l’habitude de cacher les sexes de leurs personnages à l’aide de rectangles noirs ou de les pixeliser.
L’essor des hentai
Il faudra alors attendre les années 80 avec la naissance des hentai, les mangas pornos qui se consacrent aux déviances morales. C’est alors que certains auteurs vont essayer de trouver des moyens pour tenter de contourner la censure. Et pour cela, la solution vient de Toshio Maeda, l’un des pionniers du genre avec notamment son manga Urotsukidoji qui va être à l’origine d’un "pragmatique moderne de pornographie" à base de tentacules. En 1990, Maeda est le premier à introduire cette métaphore dans les hentai avec son manga Demon Beast Invasion. L’artiste explique qu’il a eu cette idée de tentacules pour rester dans les limites de la censure japonaise qui interdit la représentation d’un pénis, mais pas la visualisation d’une pénétration par un tentacule ou autre appendice (très souvent celui d’un robot) :
J’ai commencé à dessiner des tentacules à l’âge de 35 ans car comme ils ne sont pas considérés comme des pénis, la censure ne pouvait rien y faire. Mais en plus de cela, les tentacules peuvent pénétrer les femmes beaucoup plus facilement. Ils sont longs, flexibles et ne sont jamais fatigués. En fin de compte, ils représentent ce dont rêvent beaucoup d’hommes.
Depuis, les hentai avec des tentacules deviendront l’un des genres les plus populaires pour les Japonais. Cet intérêt grandissant des Japonais pour ce genre d’érotisme peut aussi s’expliquer par la relation forte qu’ils ont avec l’amour et leur crainte avec la mer. Le pays étant un archipel, les habitants doivent faire face à une peur bleue des tsunamis. Ainsi, la métaphore pornographique des tentacules pourrait donc provenir de cette crainte associée à celle de la peur de mourir. Cette façon de mettre en scène la violence de dame Nature peut devenir une sorte d’exorcisme pour les Japonais qui veulent se débarrasser de cette peur.
Tirer profit de ce succès populaire
Face au succès du genre, les producteurs de films pornos vont donc surfer sur ce genre en essayant de trouver le moyen pour mettre en scène le shokushu goukan dans la réalité. Il n’est pas rare de voir au Japon des tournages pornos où des réalisateurs filment des actrices qui s’essaient à des jeux sexuels avec des pieuvres, mais aussi des anguilles, des grenouilles ou des poissons. C’est d’ailleurs le cas du réalisateur Daikichi Amano qui reprend le principe du shokushu dans ses films. Même si les actrices et les techniciens vomissent en général, son travail s’inscrit dans cette tradition remontant jusqu’au Rêve de la Femme du Pêcheur en passant par l’œuvre de Toshio Maeda ou même vers une certaine signification métaphysique empreinte du shintoïsme japonais.
Le tentacle porn : une culture populaire à la conquête du monde
Il n’est donc pas étonnant de voir les tentacules partir à la conquête du monde et de s’inscrire dans la culture populaire en s’implantant en occident. Certes, avec une fréquence moindre, certains films européens et américains n’hésitent pas à utiliser ces appendices pour des connotations sexuelles. Bien entendu, leur apparition dans les films actuels de science-fiction et ceux destinés aux adultes trouve son origine à partir de la culture japonaise, mais son essor a connu une impulsion avec la parution du film Galaxy of Terror de Roger Corman en 1980, dans lequel une astronaute est enlevée par un ver géant qui utilise ses tentacules pour la déshabiller, la violer et la tuer.
D’autres auteurs vont s’inspirer du shokushu comme l’écrivain Patrick Grainville qui, dans son roman Le Baiser de la pieuvre publié en 2010, raconte l’histoire d’une pieuvre et d’une jeune veuve.
Par ailleurs, la chaîne ARTE Creative propose un documentaire sur l’histoire du shokushu intitulé Cachez moi ce poulpe ! (attention, contenu réservé à un public adulte). A voir ici !
Toujours est-il que l’artiste Katsushika Hokusai était bien loin d’imaginer en réalisant son estampe du Rêve de la Femme du Pêcheur que son œuvre allait donner naissance à cette forme de pornographie à base de tentacules. Bref, dans l’industrie du porno japonais, les tentacules ont réussi à se tailler une bonne place !
Ça passe un peu de "On la poursuit !!!" à "Bon, on baise?" :')
Genre Il l'a testé avec quelqu'un ou bien comment ça passe? O_o