Née dans les années 90 au Japon, la tendance nommée "hikikomori" ne cesse de prendre de l'ampleur. Derrière ce terme qui signifie "se retrancher", on trouve des jeunes Japonais qui ne présentent aucun signe de maladie mentale, mais qui ont décidé de se couper du monde pour vivre en véritable ermite dans leur chambre, depuis au minimum six mois. Ces derniers n'en sortent que très rarement, uniquement pour se rendre dans la salle de bain pour se laver rapidement ou pour aller faire quelques courses dans le magasin du coin.
Cette tendance est un véritable sujet tabou chez les Japonais. Les familles qui ont un enfant hikikomori sont désemparées. La société considère ces personnes comme des fainéants en raison de leur incapacité à se fondre dans le moule.
Mais ce qui inquiète le gouvernement, c'est que ce phénomène touche des Japonais de plus en plus âgés et le jour où leurs parents viendront à disparaître, ces hikikomoris vont se retrouver livrés à eux-mêmes. Certaines initiatives visent à tenter de les remettre sur les rails pour les aider à reprendre le chemin de la société.
Pourquoi cet isolement social ?
Pour mieux comprendre l'hikikomori, revenons aux causes de ce phénomène. Cette tendance touche principalement les jeunes hommes qui décident donc de rester enfermés dans leur chambre, refusant tout contact avec l'extérieur et même leur famille qui, elle, continue de mener une vie normale. On estime que 70 à 80% des hikikomoris sont des hommes. Des experts pensent que ces chiffres élevés pourraient être expliqués par le manque d'un modèle masculin qui pourrait être lié à un problème de construction de l'identité du jeune homme. Les pères sont souvent absents pour s'investir énormément dans le travail. De plus, la pression économique n'arrange pas les choses. En effet, au Japon, cette pression touche plus les hommes que les femmes car ces derniers se doivent d'assurer la réussite économique de la famille. Par conséquent, les femmes vont avoir plus tendance à rejeter les hommes qui n'arrivent pas à assurer une économie stable.
D'autres pensent au contraire que les hikikomoris sont d'anciens enfants-rois ultra protégés ou ayant subi du harcèlement à l'école ou au travail, les poussant ainsi à l'isolement. Toujours est-il que face à toutes ces attentes et pressions émanant aussi bien de la société que de la famille, certains décident de se couper du monde en assumant un "suicide social".
Les familles désemparées
Du côté des parents, rare sont ceux qui décident de venir en aide à leur enfant devenu hikikomori en les emmenant voir un psy. Cette démarche est encore perçue comme quelque chose de honteux. Souvent, ils espèrent qu'il finira par se rétablir seul. Hélas, cela ne reste qu'illusion.
Dans sa chambre, l'hikikomori passe son temps à lire, à jouer aux jeux vidéo ou encore à surfer sur Internet, qui devient alors son seul lien avec l'extérieur. N'ayant plus aucune ambition ni aucun intérêt dans aucun domaine, il peine à reconnaître qu'il souffre de sa situation. Sa décision de vivre reclus dans sa chambre minuscule est avant tout de ne pas subir le jugement ultra pesant et permanent de la société japonaise. Il fuit sa famille en ne sortant qu'une fois la nuit tombée pour éviter de voir père/mère, frères/sœurs. Certains chercheurs pensent que les hikikomoris se sentent coupables de ne pas parvenir à s'intégrer dans la société qui valorise davantage le groupe que l'individu. Et pourtant, les hikikomoris souhaiteraient être capables de vivre comme tout le monde. Face à cette incapacité, ils perdent alors confiance en eux. Ils s'estiment comme étant des rebus de la société. En revanche, en aucun cas on peut affirmer qu'ils se complaisent dans cette situation.
Le gouvernement Japonais décide d'intervenir
Face à cette tendance tabou, pas évident pour le gouvernement d'estimer le nombre d'hikikomoris dans le pays. Cependant, les autorités pensent qu'il existerait près de 600.000 japonais âgés entre 15 et 39 ans victimes de cet isolement social.
Pendant de nombreuses années, le gouvernement japonais les a négligé. Certaines structures essayent de venir en aide aux familles en tentant de créer des liens avec les hikikomoris, mais elles sont confrontées à leur refus de communication. Cela commence par des échanges de courrier puis, après des mois, voire des années, si cela fonctionne, l'hikikomori va alors accepter d'échanger par téléphone ou d'accueillir le médiateur dans son antre. C'est à partir de là que le processus de réintégration sociale peut s'enclencher. Hélas, plus la période d'isolement a été longue, plus le processus va être complexe.
Les hikikomoris peuvent également se tenir informer par le biais de magazines qui leur sont spécialement dédiés. Ces revues, écrites par eux-mêmes ou par d'anciens hikikomoris, peuvent être un moyen de se rapprocher du monde extérieur. Enfin, des rencontres entre hikikomoris sont également organisées par des associations où ces derniers peuvent compter sur le soutien de psychologues ou psychiatres.
Face au vieillissement des hikikomoris, les autorités japonaises ont donc pris la décision d'intervenir. Le ministère de la Santé a débloqué un budget en 2010 pour leur venir en aide. L'an passé, ce sont 20 millions d'euros qui ont été alloués pour tenter de faire sortir les hikikomoris de leur isolement, les accompagner à réintégrer la société en leur trouvant un travail adapté et également de leur proposer un environnement qui les accepte et changer le regard que les Japonais peuvent avoir vis à vis d'eux.
De plus, une enquête nationale inédite a été lancée et s'intéresse aux hikikomoris de 40 à 59 ans. A l'heure actuelle, face au manque de précisions sur le sujet, peu de solutions peuvent être envisagées pour les sortir de cet isolement.
Si la tendance est née au Japon, désormais, elle ne se cantonne plus à ce seul pays. En effet, le syndrome dépasse les frontières nippones. Des adolescents et jeunes adultes, aux Etats-Unis ou en Europe, qui sont confrontés à un mal-être, à des difficultés scolaires ou dans le monde du travail, à l'addiction aux jeux vidéo ou à Internet, décident de s'isoler. Cela reste bien évidemment dans des proportions moins importantes qu'au Japon.
Par alex, il y a 4 ans :
Et vu comment ça se passe dans le monde, ça risque de s'aggraver cette tendance je pense ...
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