Dracula, A Christmas Carol : quand la BBC adapte les grands romans britanniques
Entre deux séries originales (Peaky Blinders, Doctor Who, Fleabag), la BBC a pour habitude de produire des adaptations de grands classiques de la littérature. Ainsi a-t-on déjà pu voir des adaptations de La Ferme des Animaux de George Orwell, des Lapins de Garenne de Watership Down de Richard Adams, d'Orgueil et Préjugés de Jane Austen ou encore Jane Eyre de Charlotte Brontë. Fort du succès de ces séries, la BBC a commandé des adaptations de La Guerre des Mondes de H.G. Wells, de Dracula de Bram Stoker ou encore le fameux Chant de Noël de Charles Dickens. Sorties entre le mois de novembre 2019 et le mois de janvier 2020, on a vu chacune de ces trois mini-séries, et on vous dit ce qu'on en a pensé, afin que vous puissiez les voir ce week-end.
War of the Worlds - Peter Harness
Sortie fin novembre 2019, cette mini-série en trois épisodes adaptant le chef d'oeuvre de Science-Fiction de H.G. Wells, n'a pas fait tant de bruit que ça en Hexagone. Faut dire que War of the Worlds est sortie en même temps que l'adaptation française La Guerre des Mondes, produite par Canal +. Pourtant, par bien des aspects, on a préféré la version BBC à celle commandée par Canal +. Scénarisée par Peter Harness (révélé au grand public pour son adaptation pour la BBC de Jonathan Strange and Mr Norrell de Susanna Clarke, et ses épisodes de Doctor Who période Peter Capaldi), cette mini-série, certes moins spectaculaire que le film de Steven Spielberg, est sans aucun doute l'adaptation qui a su le mieux capter l'esprit et le propos du roman de H.G. Wells. En voulant faire une série d'époque (là où l'adaptation française avait modernisé l'oeuvre de H.G. Wells en la transposant dans une époque contemporaine) et en s'attachant à montrer l'importance de l'empire colonial britannique dans La Guerre des Mondes, Peter Harness n'efface pas le propos anti-colonialiste du roman, et le met, au contraire, en valeur. Nous avons également apprécié le jeu (excellent) des acteurs principaux, dont Eleanor Tomlinson (Poldark), Rafe Spall (Shaun of the Dead, Prometheus), Rupert Graves (Sherlock, Doctor Who, V pour Vendetta) et Harry Melling (Harry Potter, His Dark Materials, La Ballade de Buster Scruggs). Notre seul bémol concernant cette adaptation, les séquences de flash-fowards absolument hideuse dans leur colorimétrie orange baveuse. A voir !
A Christmas Carol - Steven Knight
Que le showrunner génial de Peaky Blinders et Taboo se mette à adapter l'oeuvre de Charles Dickens, voilà qui tient de l'évidence. En effet, depuis les aventures du clan Shelby dans le Birmingham de l'entre-deux-guerres, le scénariste britannique s'est donné pour mission d'offrir une véritable mythologie de la classe prolétaire britannique. Adapter Dickens, voilà qui sonne comme la suite logique de ce qu'il a entrepris jusqu'à ce jour. Un Chant de Noël, c'est l'un des ouvrages les plus lus de Charles Dickens. Véritable trésor national en Angleterre, et moins connues dans nos contrées, ce conte raconte comment un vieil avare, sociopathe et tyrannique, Ebenezer Scrooge, reçoit la visite la nuit de Noël de trois fantômes, les Esprits des Noëls Passés, Présents et Futurs, qui vont lui révéler la gravité de ses actions, et tenter de l'emmener (si cela est possible) vers la rédemption. Diffusée en Angleterre les 22, 23 et 24 décembre, cette mini-série est diffusée en France depuis le 6 janvier par MyCanal, le service de VOD de Canal +. La mini-série a divisé les fans du conte. Certains, peut-être trop habitués à la version Muppet, ont oublié que derrière l'humour caustique de Dickens, se cache en vérité un véritable conte noir. Emmenée par un Guy Pearce toujours aussi excellent dans son jeu d'acteur, A Christmas Carol est un véritable conte gothique. Normal, pour une histoire de fantômes et de rédemption. Mais ceux qui pensent que Steven Knight n'a rien compris au conte de Dickens se fourvoient. Certes il s'agit d'un conte de Noël, mais c'est aussi un conte terriblement engagé pour la cause prolétarienne. Steven Knight a tiré le fil, pour offrir une véritable fresque marxiste, critique du Dieu Argent. Visuellement, la mini-série est splendide. Le jeu des acteurs secondaires, dont Stephen Graham (Taboo, Boardwalk Empire, The Irishman), Charlotte Riley ou encore Andy Serkis (Le Seigneur des Anneaux, Black Panther), est excellent. Seule (très) petite réserve nous concernant : la musique de Dustin O'Halloran et Volker Bertelmann (pourtant deux bons compositeurs) est trop discrète, et fait pâle figure, comparativement aux bandes-originales des précédentes séries de Steven Knight, Taboo (composée par le génial Max Richter) et Peaky Blinders (avec des chansons de Nick Cave, PJ Harvey, Radiohead, Joy Division).
Dracula - Steven Moffat & Mark Gatiss
Produite par la BBC et distribuée à l'Internationale par Netflix dès le 4 janvier 2019, Dracula était une des séries les plus attendues de 2020. Faut dire que son scénariste, qui refondé Doctor Who en signant les meilleurs épisodes de la série, et créé la surprise avec Sherlock, est un des showrunners les plus appréciés du grand public. Pourtant, force est de constater que la série ne fait pas l'unanimité. On a pris beaucoup de plaisir avec cette mini-série en trois épisodes, qui revisite de manière originale le célèbre roman gothique de l'écrivain irlandais Bram Stoker. Particulièrement glauque (certaines scènes ne sont clairement pas tout public !), cette adaptation arrive également à être originale et à surprendre. Mais c'est là que se trouve peut-être le point faible de Dracula. A trop vouloir faire du Moffat et du Gatiss, les deux scénaristes semblent oublier leur matériel d'origine, plus particulièrement dans la fin de l'épisode 3, qui est clairement décevante pour nous, qui avions apprécié (voire très apprécié) le reste de la série. Dès lors où le personnage de Lily entre dans la danse, la série chute en qualité. Pourtant, le duo de scénaristes a su nous offrir de grands moments de télévision, les deux premiers épisodes jouant à fond la carte de l'horreur gothique, et, fans de ces univers, nous étions comblés. Plus particulièrement avec l'excellent épisode 2, véritable huis-clos, qui parvient à la fois à rendre hommage au roman gothique et au roman policier sauce Agathie Christie (l'épisode lorgnant vers Les Dix Petits Nègres de la célèbre romancière britannique). Car voilà le trait de génie de Steven Moffat et Mark Gatiss : parvenir à inclure dans leur adaptation à la fois le matériau original et son exégèse critique. D'où certaines mentions à la sexualité par Soeur Agatha. On a apprécié également le jeu des acteurs, et plus particulièrement Claes Bang, qui offre un Dracula ultra-charismatique, et Dolly Wells, dont le rôle de Soeur Agatha est peut-être la plus grande surprise de cette mini-série. Au final, si ce n'est un final regrettable (tuant qui plus est toute velléité de suite), on aura passé un bon moment dans cette fresque gothique signée par l'un des scénaristes anglais les plus prometteurs de sa génération.