Hunger Games est une saga littéraire et cinématographique composée de trois livres et quatre films (le dernier tome étant divisé en deux films). Ecrite par Suzanne Collins pour ce qui est des livres et réalisée par Gary Ross (pour le premier volet) et Francis Lawrence (pour les 3 volets suivants).
L’univers de Hunger Games présente une dystopie. La dystopie, tirée de la même racine qu’utopie, est un sous genre (souvent de science-fiction) présentant un futur cauchemardesque souvent victime d’un régime totalitaire où un individu va s’élever contre ce régime. Nous pouvons citer comme célèbres œuvres dystopiques: 1984 de G. Orwell ou encore V pour Vendetta d’Alan Moore.
Hunger Games présente donc Panem, un pays divisé en douze districts plus le Capitole. Plus les districts ont un grand numéro, plus ils sont pauvres. Chaque année sont organisés les Hunger Games, jeux dans une arène entièrement télévisée où chaque district envoie deux tributs (un homme et une femme), les tributs devront alors s’entretuer jusqu’à être le dernier et donc le vainqueur. Ces jeux sont organisés dans le but de se rappeler la puissance du Capitole et la destruction du district treize qui avait essayé de se rebeller. La saga nous raconte alors l’histoire de Katniss, habitante du douzième district, dont la petite sœur est tirée au sort pour participer aux jeux, mais qui se portera volontaire pour la protéger.
Comme beaucoup d’œuvres plaçant leur action dans un régime autoritaire, les personnages principaux sont confrontés à des dilemmes moraux. Pas seulement les personnages principaux d’ailleurs, ici tout le peuple devra faire face à des décisions faisant appel à leur sens moral. Nous pouvons donc nous demander en quoi vivre sous un régime totalitaire bafoue notre sens moral ? Nos normes morales évoluent-elles ou est-ce que nous fermons les yeux pour essayer de ne pas voir que nous franchissons nos propres limites ?
Les médias, nouvelle forme d'autorité ?
Les Hunger Games ont donc pour objectif de soumettre le peuple en rappel de la rébellion menée par le treizième district détruit soixante-quatorze ans avant. C’est pourquoi les jeux sont entièrement télévisés et le peuple est obligé d’assister à ce spectacle sanglant. Ceci n’est pas sans rappeler les jeux antiques évoqués par le nom du pays dans lequel se déroule l’action (un futur des Etats-Unis) : Panem, de l’expression latine Panem et Circenses, du pain et des jeux. Les jeux et la télévision sont alors ici un double moyen pour le gouvernement géré par le Président Snow d’asseoir son autorité.
Un parallèle peut donc être tracé entre l’utilisation de la télévision par les dirigeants de Panem dans l’œuvre de Suzanne Collins et nos médias à nous, bien réels, comme figure d’autorité. Nous parlerons ici des médias français de manière générale (télévision, journaux…). En effet les médias sont plus que le moyen de nous informer de ce qui se passe dans le monde. Ils peuvent aussi être une vraie figure d’autorité culturelle, politique, mais aussi morale.
Nous nous intéresserons d’abord à l’autorité politique qu’ils représentent. Traditionnellement, les médias se positionnaient en tant que critique du pouvoir, ils étaient un contre-pouvoir. Ils informaient puis donnaient leur avis d’un point de vue idéologique sur la décision prise par l’Etat. Ensuite les médias seront surnommés "Quatrième pouvoir" et ne désignent alors plus seulement la presse écrite, mais aussi les chaînes de télé et autre médium de l’information possible. L’appellation "Quatrième pouvoir" (les trois premiers étant l’exécutif, le législatif et le judiciaire) fait référence à l’influence dont ils disposent sur l’opinion du public.
Les médias jouent un rôle important dans la vie d’une république et avec l’apparition des nouveaux médias au cours du XXème siècle, nous pouvons nous poser des questions sur la place qu’ils occupent aujourd’hui dans la société tant ils font partie de notre quotidien. Sans tomber dans les jardins où fleurissent les théories du complot nous pouvons légitimement nous demander quelle est leur place. En effet, ils sont aujourd’hui capables d’interférer complétement dans la vie politique et peuvent véhiculer, malgré eux ou non, une véritable manipulation de l’opinion de son consommateur.
Même si l’intention n’est pas de manipuler, en choisissant de traiter un sujet avec un angle plutôt qu’un autre, il est impossible d’éviter d’orienter l’avis du lecteur. Mais les médias ont-ils une légitimité à influencer nos opinions ? Quand nous voyons à qui appartiennent aujourd’hui, en France, les grands groupes de presse, pouvons-nous être sûrs de pouvoir leur faire confiance dans le traitement de l’information ?
Nous voyons dans Hunger Games que les habitants du Capitole, les plus riches, les plus proches du pouvoir, vivent à travers la télévision. C’est elle qui dicte leurs vies, la manière dont ils s’habillent, ce qu’ils pensent… Ils attendent avec impatience les Hunger Games, en effet, eux ne les craignent pas, ils n’ont pas de tributs à donner, seuls les douze districts sont concernés. Ils se nourrissent des jeux, ils exultent de voir se battre des gens venus d’en dehors de chez eux, des étrangers, des pauvres. Ils méprisent les tributs et se fichent des gens qui meurent dans l’arène, car ils n’éprouvent, pour eux, aucune empathie. Ce spectacle sanglant n’est pas sans rappeler les émissions de télé-réalité que nous regardons en méprisant les candidats. Tout est fait, montage, réalisation, choix des séquences pour que nous nous moquions des participants. Sommes-nous donc meilleurs que les habitants du Capitole qui attendent avidement le bain de sang annuel ?
Utilisation politique de cette autorité
Nous avons la chance, en France, de vivre en démocratie, qui, même si elle est loin d’être parfaite reste un moyen d’assurer une certaine liberté de la presse. Ça n’a pas toujours été le cas et c’est encore loin d’être le cas partout. Si nous prenons, par exemple, l’exemple du Monde, Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse sont actionnaires majoritaires. Les deux premiers ont soutenu publiquement la candidature d’Emmanuel Macron aux élections présidentielles de 2017. A partir de ce constat, nous sommes en droit de nous demander si les deux actionnaires ne peuvent pas intervenir pour des papiers en faveur de leur candidat favori.
N’oublions pas non plus que les différents médias (surtout la télévision) obéissent aux lois du marché et doivent faire de l’audience pour rapporter de l’argent aux actionnaires. C’est encore plus vrai pour la télévision que pour les autres plateformes médiatiques. Comment développer une pensée construite quand on a cinq minutes entre deux espaces publicitaires ? La télévision est donc beaucoup plus un mode d’influence que de réflexion.
Dans Hunger Games, nous voyons que le Président Snow a totalement la main mise sur la télévision, il contrôle les programmes et gare à celui qui aurait l’audace de critiquer le régime politique ou la pratique des Hunger Games. C’est une télévision totalement aseptisée. Elle est utilisée comme moyen de propagande. Pour justifier et légitimer le pouvoir en place et la violence dont il fait preuve.
Ceci nous rappelle les images de dirigeants tels que Mussolini, ou d'autres dictateurs plus ou moins actuels, qui se mettent régulièrement en scène en train de faire du sport, de travailler ou d'accomplir un exploit dans le but de diffuser une image de leader charismatique.
Autorité et morale
Plusieurs exemples de l’histoire, notamment les guerres, nous montrent que nous avons tendance à repousser les limites de notre propre morale sous la pression de l’autorité. C’est le point de départ d’une célèbre expérience psychologique réalisée par Stanley Milgram. Des sujets étaient volontaires pour une expérience dont ils ignoraient la nature. Arrivés sur place, ils apprenaient que leur tâche consisterait à interroger d’autres personnes sur des associations de mots.
Si la personne répondait mal, l’interrogateur devait alors envoyer une décharge électrique (qui pouvait aller jusqu’à 450V). La personne qui recevait les décharges d’électricité était un complice. Le sujet de l’expérience était donc l’interrogateur et c’est son comportement qui est étudié. Jusqu’où était-il prêt à se soumettre au scientifique, qui représentait ici l’autorité ? Si le sujet protestait quand il entendait les faux cris de douleur, l’expérimentateur devait le relancer.
Dans cette expérience, 62,5% des sujets sont allé jusqu’au bout et ont donc pensé avoir infligé une décharge de 450V à un autre individu. Selon Milgram l’anxiété joue un rôle important dans la soumission à l’autorité. Elle permet de se dédouaner de toute responsabilité en rejetant la faute sur la figure d’autorité. C’est aussi ce qui se passe dans les Huger Games, les participants subissent un stress extrême et donc repoussent les limites pour survivre.
L’expérience de Milgram a été récemment reprise pour un documentaire, Le Jeu de la Mort, pour tester l’autorité de la télévision. L’expérience scientifique laissait la place à un jeu télé. Montrant ainsi le pouvoir de la pression télévisuelle sur les candidats d’un jeu. Ici 81% des sujets ont infligé la décharge maximum.
Mais les questionnements moraux ne sont pas uniquement du côté des participants. Pourquoi les habitants de Panem continuent t-ils à regarder les Hunger Games ? Par simple ordre du gouvernement ou pulsions morbides ? La pression exercée par le gouvernement peut servir d’excuse au fait de prendre du plaisir à regarder ce jeu de massacre.
L’être humain a donc une tendance naturelle, surtout lorsqu’il se sent seul, à se soumettre à une autorité et à faire des choses qu’il ne se serait pas cru capable de faire. L’utilisation de cette autorité à des fins politiques est très fréquente dans l’histoire. Néanmoins l’histoire nous a aussi prouvé plusieurs fois le contraire, lorsqu’il y a position d’union chez les opprimés, la rébellion est possible. Néanmoins, chaque rébellions a ses leaders, c’est peut-être donc un besoin naturel de suivre une figure pour nous ou juste le besoin de s’unir derrière quelqu’un.
Par Patee, il y a 7 ans :
ça fait vraiment très peur, j'avais pas vu tout ça dans Hunger Games
Répondre à ce commentaire