Après de nombreuses annulations, Les Nouveaux Mutants sort enfin en salles. On l’a vu, et on vous livre notre critique, garantie sans spoilers.
Une promesse intéressante non tenue
Lorsque la 21st Century Fox avait annoncé en 2015 la mise en chantier du premier film de super-héros lorgnant sur le cinéma d’horreur, on avait trouvé la promesse enthousiasmante. C’est la leçon magistrale enseignée par Alan Moore (Watchmen) et Frank Miller (The Dark Knight Returns) dans la seconde moitié des années 80 : le genre super-héroïque est toujours plus intéressant quand il révolutionne ses propres codes au contact d’autres genres.
Une leçon qui, bien apprise, a permis de donner naissance à quelques-unes des meilleures adaptations de comics au cinéma : Logan de James Mangold (2017) prenait l’apparence d’un road-trip enragé ; Joker de Todd Philipps était un thriller psychologique doublé d’une critique sociale, rappelant plus le cinéma de Scorsese (Taxi Driver, La Valse des Pantins) que The Dark Knight de Nolan.
Et confronter le genre super-héroïque au cinéma d’horreur est loin d’être une mauvaise idée. D’abord, parce que certaines adaptations de comics ont, par le passé, fait les yeux doux au gothique, genre-parent de l’horreur. On songe bien évidemment aux deux films Batman de Tim Burton (1989, 1992). Certaines des séquences les plus intéressantes visuellement du Batman Begins de Nolan (les illusions créées par L’Épouvantail) empruntaient également, dans une certaine mesure, au cinéma horrifique. Ensuite, parce que, comme le disait Moore, les super-héros sont généralement des névrosés. Et ces névroses sont un terreau suffisamment fertile pour être utilisées dans le cadre d’un film d’horreur. Enfin, l’horreur est un genre riche, pouvant se confondre dans de nombreux autres genres : Science-Fiction (Alien), policier (The Outsider), drame familial (The Hounting of the Hill House), huis-clos (The Thing), comédie (Shaun of the Dead). Ces mélanges peuvent parfois étonner, à l’image de la série de fantasy Amazon Carnival Row, tirant brillamment profit de l’imaginaire Lovecraftien. Du reste, le genre horrifique est éminemment évocateur, et permet donc de créer toutes les métaphores.
Une production catastrophique
Malgré cette belle promesse initiale, du fait d’une promotion houleuse, mouvementée, limite catastrophique, on a compris très tôt que Les Nouveaux Mutants ne répondrait pas à nos exigences. Le simple fait de reporter sa date de sortie au profit du très mauvais X-Men : Dark Phoenix n'était pas de très bonne augure...
Le premier reproche que nous pourrions faire aux Nouveaux Mutants c'est de justement passer à côté de cette promesse initiale qui nous avait séduit au début du projet. En effet, le film de Josh Boone semble constamment hésiter entre le genre horrifique promis et le teen-movie qu'il est devenu. La dimension teen-movie semble d'ailleurs bien plus assumée que la dimension horrifique. Cela se ressent, notamment, au niveau de l'équipe artistique réunie pour l'occasion. Mis à part Maisie Williams (révélée dans Game of Thrones) et Anya Taylor-Joy (The Witch, Peaky Blinders), le casting est composé d'acteurs révélés dans des séries à destination des adolescents : Henry Zaga (13 Reasons Why, Teen Wolf), Blu Hunt (The Originals), Charlie Heaton (Stranger Things). Chacun semble avoir beaucoup de mal à donner de la consistance au personnage qu'il est censé interpréter.
Autre point qui nous permet d'affirmer que Les Nouveaux Mutants n'assume pas son projet d'être un film horrifique : comme l'ont dit avant nous certains confrères, le film ne tire aucunement partie du lieu de l'action (un hôpital psychiatrique), et préfère concentrer ses effets sur des jump scare reposant sur une mécanique beaucoup trop éculée. Cela vient entre autre du fait que Josh Boone n'est pas un réalisateur de films d'horreur. Révélé pour le film Nos étoiles contraires, le réalisateur américain semble trop peu à l'aise pour satisfaire les amateurs de cinéma d'horreur et les amateurs de films de super-héros.
Surtout, le film semble presque toujours éviter sa propre métaphore, celle des débuts de la puberté. Pourtant, le chemin était balisé, puisque le genre horrifique avait déjà permis de traiter la question, avec Carrie au bal du Diable de Stephen King, et sa formidable adaptation réalisée par Brian De Palma.
Un manque d'ambition
Le film est également problématique dans son absence d'ambition au sein de l'univers Marvel. En effet, conscient du fait que le film tournerait définitivement la page Marvel de la 21st Century Fox, le film prend à peine le temps donner corps à un univers déjà développé (certes de manière insatisfaisante) dans les films précédents. S'il est bien ici question de mutants, le film aurait bien pu ne pas être estampillé Marvel, le résultat aurait le même. On rappelle qu'il avait été un temps question d'une scène post-générique faisant le lien avec le Marvel Cinematic Universe développé par Disney, nouveau propriétaire de la Fox, mais cette problématique a rapidement été éludée par la production.
L'une des grandes faiblesses des Nouveaux Mutants, c'est bien évidemment sa durée : 1h34. Ce qui en fait, il nous semble, le film de super-héros le plus court de ces dernières années. On devine bien sûr derrière cette durée un film charcuté en post-prod. Il en résulte le fait que Les Nouveaux Mutants semble perdre toute consistance, le film prenant à peine le temps de définir ses personnages, dont certains, uniquement perçus par le prisme de leurs névroses, apparaissent au spectateur comme étant proprement insupportables.
Conclusion
Pour conclure, Les Nouveaux Mutants n'est ni un bon film d'horreur, ni un bon film de super-héros, et pousse le vice au point de ne pas être un bon nanar. En cause : un film charcuté en post-prod, un studio qui ne semble pas assumer son choix de produire un film d'horreur, et une équipe artistique (réalisateur + casting), qui ne comprend pas les enjeux, et font des Nouveaux Mutants un teen-movie. Sans être un moment difficile à passer, le dernier film Marvel développé par la Fox, compte tenu de ce qu'il aurait pu être, nous apparaît finalement assez vain.
Par Sid le Paresseux, il y a 3 ans :
Merci de me faire économiser 11 balles
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