Stranger Things, Squid Game, les plus gros problèmes des séries aujourd'hui
À l'aube du grand final de Stranger Things, la sortie de la saison 3 de Squid Game est là pour nous rappeler tous les problèmes de ce genre de superproductions sérielles, étirées à outrance quitte à les vider de leur substance. Mais tant que les abonnés regardent, alors pourquoi s'arrêter ?
La saison 3 décevante de Squid Game, symptomatique de la logique de production actuelle
La sortie du grand final de Squid Game sur Netflix n'aura pas eu l'effet "wahou" escompté. Sortie loin du train de la hype le 27 juin dernier, cette saison 3 devait pourtant répondre à la question que les fans se posaient il y a quatre ans : Gi-Hun a t-il enfin réussi à détruire les jeux de l'intérieur ? Force est de constater qu'aujourd'hui, ceux qui veulent enfin comprendre le fin mot de l'histoire sont terriblement moins nombreux. Ceux-là même ont sans doute été déçus par un ultime chapitre qui ne sait plus quoi inventer, si ce n'est encore quelques bonnes pioches du côté des jeux.
La série n'a donc cessé d'enchaîner les déceptions à mesure qu'elle s'étirait dans le temps. Une détérioration progressive de saison en saison qui s'explique par une narration qui a cruellement perdu en intérêt, et dont les problèmes sont symptomatiques de ceux que l'on peut imputer aux grosses productions d'aujourd'hui, développées pour durer encore et encore sur les plateformes de streaming. Stranger Things, Lupin, Emily in Paris, You, La Casa de Papel, toutes souffrent des mêmes maux, les cannibalisant sur la durée, au point pour certaines de finir critiquées, boudées, et oubliées. Alors bien sûr, une série comme Stranger Things génère encore une attente mondiale, mais on ne peut s'empêcher de s'interroger sur la pertinence de sa durée, notamment lorsque la série est tombée dans le ventre mou de sa saison 2 à son quatrième acte.
La standardisation des séries au détriment de la qualité
Le divertissement a changé depuis les années 2010 avec l'arrivée et le succès immédiat des plateformes de streaming. L'accessibilité devient massive et mondiale. Moyennant le prix d'un abonnement peu coûteux, l'accès partout, tout le temps et par différents moyens à un immense catalogue de films et séries. Inutile de revenir en profondeur sur la genèse du streaming et sa modification du paysage audiovisuel mondial, mais la façon de consommer a bien changé, tout comme la façon de produire. Netflix comme Disney+ ou Prime Video anticipent les goûts des utilisateurs grâce aux données algorythmiques pour imposer leurs contenus.
Avec l'objectif de faire grossir leur nombre d'abonnés : produire de grosses productions au nombre d'épisodes plus restreints, mais à la longévité plus grande et davantage étalée dans le temps (ceci bien aidé par l'allongement des délais de production). Un modèle qui peut nuire fortement à la qualité. Les séries comme Squid Game qui ont perdu en intérêt au fil du temps sont nombreuses. Sans doute qu'une seule saison aurait suffi pour la série coréenne. Car que raconter de plus quand presque tout a été dit, et que le matériau de base et son univers n'est pas assez vaste et riche pour l'étirer. Au sortir de la saison 1, le créateur de la série Hwang Dong-hyuk (qui n'avait donc pas prévu de poursuivre son histoire) a dû retourner à l'écriture pour poursuivre l'histoire tragique du joueur 456. Une demande signée de Netflix qui s'est malheureusement vue l'année dernière lors du flop de la seconde saison.
Il s'interrogeait lui-même sur l'intérêt de poursuivre son histoire. "Même lorsque j'écrivais la saison 3, j'ai dû prendre une décision importante à la fin. Or elle a été très difficile à prendre. Je me demande encore si c'est bon ou non".
Si une série fonctionne, alors celle-ci doit obligatoirement poursuivre sa durée de vie, quand bien même l'histoire semblait bouclée. La conséquence se ressent alors immédiatement sur une narration qui use de pirouettes scénaristiques douteuses (la femme qui perd les eaux en plein milieu d'une épreuve dans Squid Game) pour tenter d'avancer, mais aussi de répétitions et d'incohérences rendant le sujet très indigeste.
Cette volonté d'étendre jusqu'à l'étouffement tout en n'ayant pas grand chose à raconter conduit à un rythme très inégal. Là où toute l'intrigue va se concentrer sur une grosse bataille sur un épisode, les suivants vont alors accuser d'un rythme très décousu, voire trop lent avec des dialogues à répétition dispensables qui ne font pas assez progresser l'histoire. Ce fut notamment l'un des gros reproches faits à la saison 2 du spin-off de Game of Thrones, House of the Dragon.
Cette intention d'en mettre plein les yeux aux spectateurs à coup de pirouettes en CGI et autres effets "wahou" a là aussi ses limites. En tirant sur la corde et en dépensant une grosse partie du budget de production pour marquer le public pendant 50 minutes, les studios doivent alors se serrer la ceinture pendant plusieurs épisodes pour rentrer dans leur budget. Une tendance du paysage sériel d'aujourd'hui motivé par le cliffhanger comme la justification d'une continuité. Ce clou du spectacle doit draguer les fans et leur donner envie de regarder la suite. Mais en en usant à outrance, c'est son intérêt même qui s'épuise.
D'autant plus lorsque l'annulation tombe comme un couperet. On ne compte plus les séries qui ont été subitement annulées après une saison parce que leurs audiences n'étaient pas assez élevées, et donc leur rentabilité bien inférieure aux estimations. En cherchant à maximiser leurs profits et en considérant leurs séries comme des produits d'appel pour les abonnements, les plateformes en oublient leur unicité. En ne considérant pas une production comme une oeuvre à part entière, difficile de créer quelque chose d'unique et cohérent.
Alors les contre-exemples existent. La géniale série The Bear ne semble pas s'essouffler alors que la saison 4 vient tout juste de sortir sur Disney+. On pense également à Prime Video et à The Boys, qui malgré quelques maladresses, parvient à se renouveler dans le temps.