Il y a une tendance qui émerge depuis plusieurs années maintenant, et qui semble s'accroître avec le temps. Les chiffres de complétudes des jeux vidéo sont en chute libre, et trahissent un mal de lus en plus récurrent : les gens ne finissent plus leurs jeux vidéo aujourd'hui. Pour quelles raisons ?
Des stats éloquentes
"50,2 % des joueurs ayant acheté Ghost of Tsushima ont terminé le jeu, et les développeurs se sont félicités de ce chiffre parce que c'est une performance incroyable dans le milieu du jeu-vidéo. Mais aujourd'hui, les joueurs ne terminent pas leurs jeux ", lançait en mars dernier Ken Bogard, spécialiste du jeu vidéo, sur la chaine LeStream.
Si l'heure est à la fête pour les développeurs de l'open-world tiré de l'univers médiéval japonais, c'est parce que le ver est dans le fruit depuis plusieurs années désormais. Comment en est-on arrivé là ?
C[h]rono Trigger[ed], également présent à la table de Ken Bogard enfonce le clou : "Sur Assassin’s Creed Valhalla, c'est 30%. Ubisoft disait qu'ils allaient faire le jeu plus court car les joueurs ne terminaient pas Odyssey. Il est beaucoup trop long “. Une autre statistique rapporte que The Witcher 3, sorti en 2015 et développé par CD Projekt Red a quant à lui été rangé au placard par bon nombre de joueurs lors de l'arc narratif emmenant Geralt De Riv sur l'archipel nordique de Skellige, soit environ à la moitié de la campagne principale, (le site Ungeek a dévoilé il y a peu une statistique de complétion de la campagne principale de plusieurs jeux en monde ouvert, et on remarque que The Witcher 3 n'a été terminé que par 29,8% des joueurs). Qu'ont en commun ces trois jeux entamés mais non digérés ? Leur genre, le RPG en monde ouvert, ou open-world, à la durée de vie colossale.
Des open-worlds trop longs qui peinent à se renouveler
Si le genre du monde ouvert a été pensé autour des années 2000 avec les licences Grand Theft Auto, True Crime, le MMORPG World of Warcraft, ou dans un autre registre Minecraft, (certains le date d'avant, en 1984 avec la sortie d'Elite), il faut attendre au moins une décennie plus tard pour qu'il se démocratise auprès d'un public de plus en plus exigeant. Symbole d'une course à la perfection graphique toujours plus effrénée des studios, les open-world fleurissent. La taille des maps augmente, et la liberté d'action du joueur s'en trouve décuplée, augmentant considérablement la durée de vie du jeu. De la même façon, les game designers possèdent l'assise financière et les moyens techniques nécessaires au fur et à mesure que les générations de consoles se succèdent. Aujourd'hui, les mondes ouverts trustent les premières places des critiques ou des ventes : Red Dead Redemption II, Ghost Of Tsushima, Zelda : Breath of The Wild, The Witcher 3, Assassin’s Creed Valhalla et Odyssey, etc.
Et c'est bien cette durée de vie trop abondante qui lasse les joueurs. Entre des mécaniques de gameplay redondantes, des quêtes annexes anecdotiques et rébarbatives, les trophées ou équipements à récupérer aux quatre coins d'une map de plus de 80 km2, c'est la quête principale qui se voit empoisonnée par toute cette litanie d'objectifs à remplir. Pour beaucoup, passer plus de 60 h sur un jeu est devenu un effort, et non un plaisir sur le long terme. En clair : l'expérience n'est plus suffisamment immersive aujourd'hui. Un Assassin's Creed Valhalla n'apporte plus rien de nouveau sur l'expérience utilisateur. Sur Red Dead Redemption 2, de nombreux joueurs ressentent un certain vide en arpentant la map, un cruel manque d'interaction et un scénario beaucoup trop long. C'est aussi la longueur du scénario, nettement plus long qu'auparavant qui pousse les gamers à se décourager. Sur un forum du site jeuxvideo.com lancé en janvier 2020 et consacré au sujet : Pourquoi autant de personnes ne terminent pas leurs jeux..., un utilisateur se justifiait de cette manière :
La lassitude ressentie de par l'expérience qui n'est pas suffisamment immersive (mécaniques de gameplay redondantes, quêtes annexes anecdotiques et rébarbatives, bugs...).
En scrollant les autres commentaires, on remarque que ses propos sont nettement partagés par les autres utilisateurs.
Métro - boulot - dodo
Une autre cause qui revient régulièrement chez les joueurs est celle relative au temps. En effet, ceux-ci avancent qu'ils ont de moins en moins de temps à accorder aux jeux vidéo. Un phénomène de lassitude ? Pas vraiment, ceci tient en une statistique. Maxime Chao, rédacteur en chef pour le site jeuxactu.com affirme que “le public a vieilli. La moyenne d'âge se situe autour de 39 ans aujourd’hui. Ce sont des gens qui ont beaucoup moins de temps", (elle plafonnait à 21 ans en 1999). Un âge qui requiert davantage d'obligations et de compromis qu'à l'adolescence, il faut généralement joindre vie de famille et travail, ce qui cannibalise le temps adressé aux plaisirs de la console. Même si ce serait réducteur de se contenter de ce facteur, il pèse néanmoins dans la balance.
Surconsommation, Game Pass et free-to-play
Parlons enfin d'un autre point : la surconsommation du jeu-vidéo et l'abondance de l'offre vidéoludique. Le foisonnement des plateformes de distribution en streaming comme Steam, PlayStation Network, Nintendo eShop, Epic Games, Apple Arcade, Google Stadia et consorts offrent aux joueurs un catalogue toujours plus conséquent, et à portée de main. On peut lire sur la rétrospective 2020 du site de l'Epic Games Store que les utilisateurs actifs quotidiens ont augmenté de 192%, atteignant 31,3 millions d'utilisateurs quotidiens actifs. Le temps de jeu en heures de la communauté de l'Epic Games Store a augmenté de 70%. Cette hausse du nombre de joueurs a également entraîné une augmentation en achats et en temps de jeu. En 2020, les clients de l'Epic Games Store sur PC ont dépensé plus de 700 millions de dollars. Sur Steam et les autres plateformes, ces chiffres sont aussi en hausse. D'autant plus que les réductions pleuvent. Comprendre : plus l'on consomme, plus on multiplie les expériences, et donc moins on en vient à bout.
Le Xbox Game Pass, service d'abonnement de Microsoft et décrit comme le « Netflix pour les jeux vidéo » participe aussi à cette surabondance. Pourquoi s'acharner sur un titre payé 70 euros qui peine parfois à nous happer alors qu'on peut en quelques coups de joystick se procurer un ou plusieurs titres grâce à un forfait abordable ?
Les free-to-play comme Warzone, Apex Legends ou Fortnite ont eux aussi vu leur nombre de fidèles augmenter de manière fulgurante ces dernières années. Qui n'a pas jeter l'éponge lors d'un affrontement de boss sur Sekiro le temps d'enchaîner plusieurs games sur Fortnite ? Mais lorsqu'il faut y retourner, quelques jours, voire pour certains quelques semaines plus tard, l'entrain n'est plus le même.
Quelle stratégie ?
Pourtant, l'esprit complétiste de certains joueurs (vouloir finir un jeu dans son intégralité, bonus, quêtes secondaires et autres trophées compris) contrecarre quelque peu cette tendance. Plus un jeu est long, plus ils lui trouveront de l’intérêt. Rappelons que Ghost of Tsushima a été complété par 50,2 % des joueurs, et The Last of Us 2 (qui compte en moyenne près de 30h de jeu) obtient quant à lui un pourcentage de 60 %.
Pour les studios comme CD Projekt Red, Ubisoft, Sucker Punch Productions ou Rockstar, plusieurs questions se posent afin de tenir en haleine sa communauté sur une aventure de plus de 15 heures. Faut-il cuter certaines parties ? Réduire drastiquement l'expérience pour proposer un contenu plus dense ? Rendre le scénario plus passionnant ? Ou varier davantage le gameplay ? Voici en tout cas un véritable défi pour les développeurs pour les années à venir.
Pour les amateurs d'open-world, en voici 10 que tout le monde attend en 2021.
Par Xmattks, il y a 3 ans :
Au bout d'un moment, je me contente de rusher la quête principale pour avoir ce sentiment d'avoir "fini" le jeu. Mais les dev ont tout interêt à revoir le gameplay de leurs jeux
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