Pixar subit encore une fois la politique désastreuse de Disney
Le 18 juin 2025, Elio, le nouveau film du studio Pixar, est sorti en salles. Alors qu'il vient de battre un record désastreux, le long-métrage est symptomatique des choix éditoriaux désastreux du groupe Disney. On vous explique !
Libérez Pixar !
Il y a quelques jours à peine, à l'occasion du Festival du Film d'animation d'Annecy, Jared Bush - directeur artistique de Walt Disney Animation - et Pete Docter - directeur artistique de Pixar - ont partagé une conférence, visant à détailler les prochains projets des deux studios, qui appartiennent à une seule et même entreprise : The Walt Disney Company. Si l'événement donnait l'impression d'un groupe uni, la réalité est beaucoup moins lumineuse qu'il n'y paraît. Mais d'abord, un peu de contexte !
Le studio Pixar a profondément et durablement révolutionné le cinéma d'animation avec Toy Story, sorti en 1995 et qui est devenu le premier film d'animation entièrement réalisé avec un ordinateur. Une prouesse technologique qui a imposé le studio à la lanterne comme la nouvelle référence du cinéma d'animation américain. Plusieurs studios ont essayé de reproduire son modèle, dont DreamWorks et Blue Sky, mais sont restés dans son ombre. Pire, le studio Disney, qui pendant plusieurs décennies était le leader incontesté du marché, se retrouvé presque ringardisé par ce nouveau venu.
Après un contrat d'exploitation signé en 1991, qui a permis à Disney de distribuer tous les longs-métrages de Pixar - et au studio dirigé par John Lasseter de garder son indépendance artistique -, le groupe aux grandes oreilles a décidé en 2006 de racheter son encombrant concurrent pour la modique somme de 7,4 milliards de dollars. Pour rappel, Disney a déboursé 4,05 milliards de dollars pour Lucasfilm, propriétaire de deux des plus grandes licences de la culture populaire : Star Wars et Indiana Jones. C'est dire le poids que pesait Pixar !
En dépit de son rachat par Disney, Pixar a réussi à maintenir une indépendance artistique et une totale maîtrise sur ses projets jusqu'à ce que trois événements viennent chambouler l'équilibre entre le studio et sa maison-mère. Tout d'abord, le départ précipité de John Lasseter - directeur historique de Pixar et réalisateur des deux premiers films Toy Story - a profondément fragilisé la structure. Le génial Pete Docter, à qui l'on doit quelques-uns des plus grands chefs-d'oeuvre du studio, a été nommé directeur artistique. Mais bien qu'il soit un artiste chevronné, il est moins enclin à gagner les bras de fer avec la direction.
Ensuite, le lancement de la plateforme Disney+ en novembre 2019 et le déclenchement de la crise sanitaire en mars 2020 vont bouleverser le système économique de Disney. La nomination de Bob Chapek à la direction de The Walt Disney Company en février 2020 et son obsession pour Disney+ ont pour conséquence de transformer Pixar en fournisseur de contenus exclusifs pour la plateforme, quitte à transformer des films en salles en films Disney+ Originals. Trois longs-métrages Pixar subiront cette décision : le magnifique Soul de Pete Docter (2020), l'adorable Luca d'Enrico Casarosa (2021) et le très efficace Alerte Rouge de Domee Shi (2022).
Se saisissant de l'échec en salles du sympathique En Avant (2020), pourtant sorti dans des conditions exceptionnelles puisqu'au déclenchement de la pandémie, la direction de The Walt Disney Company prend la décision de bouleverser la ligne éditoriale décidée par Pete Docter auprès le succès des Indestructibles 2 (2018) et Toy Story 4 (2019), consistant à se concentrer en priorité sur les productions originales. L'ambition de Disney est au contraire de produire plusieurs suites aux grands classiques du studio Pixar. L'échec en salles du spin-off Buzz l'éclair (2022) aura pour seule conséquence de pousser The Walt Disney Company à ordonner des licenciements au sein du studio à la lampe de bureau.
La sortie d'Elio le mercredi 18 juin 2025 permet de confirmer la nouvelle stratégie de Disney à l'égard de Pixar. En effet, comme l'ont fait remarquer de nombreux observateurs, le long-métrage n'a pas bénéficié d'une importante campagne de marketing et ce, en dépit des premiers retours très positifs de la critique. Résultat : Elio a fait un démarrage catastrophique, remportant 9 millions de dollars sur le sol américain lors de son premier jour d'exploitation ; un malheureux record pour le studio Pixar. Même son de cloche en France, où le film a attiré 28 403 pour son premier jour en salles. Là encore, un triste record...
Si bien évidemment la confrontation directe avec le très attendu 28 ans plus tard de Danny Boyle, sorti le même jour, peut expliquer ce manque d'intérêt du public, le manque de publicité de la part de Disney a sans doute joué un rôle important dans les faibles performances d'Elio. On remarque d'ailleurs que le précédent film original du studio Pixar, Élémentaire (2023), avait également battu en son temps le record du pire démarrage de l'histoire du studio, avec 29 millions de dollars pour son premier week-end d'exploitation. Lui aussi, avait bénéficié d'une campagne marketing quasi-inexistante.
Fort heureusement, tout n'est pas perdu pour Elio. L'exemple d'Élémentaire nous a montré qu'un film Pixar pouvait toujours devenir un succès (relatif) malgré un démarrage catastrophique. En effet, on rappelle qu'Élémentaire a remporté 425 562 317$, soit presque le double de Buzz l'éclair (2022) et du classique d'animation Disney Encanto: La Fantastique Famille Madrigal. Toutefois, ces choix stratégiques de The Walt Disney Company doivent nous interroger. Le groupe aux grandes oreilles est-il en train de saboter les films originaux Pixar, et si oui dans quel but ?
Pour certains commentateurs, le groupe Disney souhaiterait contraindre plus encore Pixar à produire des films de licence. Raison pour laquelle l'entreprise a autant misé sur Vice Versa 2, qui a remporté 1 698 863 816$ de dollars au box-office mondial, devenant pour un temps le plus gros succès pour un film d'animation (avant de se faire dépasser par un film chinois). Si cette explication est intéressante, il faut néanmoins considérer que Pixar a encore cinq films en réserve, dont deux films originaux : Hoppers en mars 2026 et Gatto à l'été 2027. Ce dernier film a d'ailleurs été annoncé à l'occasion du Festival d'Annecy.
On peut émettre une autre explication, complémentaire : de récentes déclarations de Jared Bush rapportées par The Wrap nous apprennent que Walt Disney Animation souhaite reprendre l'animation en 2D. Une décision qui va de pair avec le retour de Ron Clements (La Petite Sirène, Aladdin, Hercule), grand artisan du Disney des années 1990, au sein du studio pour aider la nouvelle génération de réalisateurs et de scénaristes. Est-il possible que les échecs au box-office (explicables) de Pixar et ceux (moins excusables) de Walt Disney Animation ait eu pour conséquence une perte de confiance du groupe envers ce type d'animation ? On rappelle d'ailleurs que Gatto, le film Pixar d'Enrico Casarosa annoncé à Annecy, aura un style d'animation peint à la main, très éloigné du style habituel de Pixar.
En considérant que le prix alloué au marketing d'un blockbuster hollywoodien est généralement très conséquent - entre 50% à 100% de son budget de production -, il nous apparait dès lors que le groupe Disney communique très peu sur des longs-métrages d'animation dans lesquels il place une confiance toute relative. Il est dommage que le studio Pixar subisse l'interprétation des attentes des fans de la part de la direction de The Walt Disney Company (aujourd'hui dirigée par Bob Iger). Si nous continuons d'apprécier (presque) tous les films du studio à la lampe de poche, nous avons conscience que la bande à Pete Docter a toujours tiré sa plus grande force de son indépendance vis-à-vis de Disney, et ce malgré le rachat. Bref. Libérez Pixar !