Chernobyl : la mini-série est-elle vraiment fidèle à la réalité ?

25 mars 2021 à 17h59 dans Séries TV

Produite par HBO, Chernobyl a bouleversé la presse et le public lors de sa diffusion. La création de Craig Mazin s’est rapidement imposée comme l’une des meilleures séries de tous les temps devant Breaking Bad et Game of Thrones. De l’implosion du réacteur aux mensonges d’État, la mini-série revient sur la catastrophe nucléaire avec un incroyable réalisme. Chernobyl est-elle vraiment proche de la réalité ? A l’occasion de sa prochaine diffusion sur M6, on démêle quelques éléments scénaristiques.

#1 Qui était le vrai Valeri Legassov ?

Interprété par Jared Harris, Valeri Legassov est le héros principal de la mini-série. Ce scientifique est au cœur de la catastrophe de Tchernobyl, dirigeant toute l'opération de nettoyage aux côtés de l'apparatchik Boris Chtcherbina. Si le personnage a vraiment existé, Chernobyl a pris quelques libertés le concernant à commencer par son travail et son importance sur le site.

Dans la réalité, plus d’une vingtaine de personnes collaboraient pour endiguer cette catastrophe nucléaire. Le groupe était composé de dizaines de scientifiques et de responsables du Parti qui prenaient des décisions collectivement. Aucun d’entre eux n’avait plus de poids qu’un autre surtout dans un système soviétique qui voulait tout contrôler. Impossible donc que Valeri Legassov ait un tel pouvoir décisionnaire surtout qu’il n’était pas spécialisé en réacteur nucléaire.

#2 Ulana Khomyuk : une pure fiction

Autre personnage phare de la série, Ulana Khomyuk apparait comme une alliée précieuse pour Valeri Legassov. Cette physicienne nucléaire apporte toutes ses connaissances au scientifique pour comprendre les véritables enjeux et répercussions de la catastrophe. Interprétée par Emily Watson, ce personnage est une pure fiction. Une totale création de Craig Mazin, mais qui n'est pas tombée du ciel. Le producteur s’est inspiré des nombreux scientifiques soviétiques ayant travaillé sur les opérations de nettoyage et de décontamination.

Ulana Khomyuk est une façon de les représenter et de les honorer tout en simplifiant l’histoire. Elle évite, ainsi, le casse-tête scénaristique d’écrire et de mettre en scène la dizaine de scientifiques présents sur le site. C'était également l'occasion de mettre en lumière le progressisme de l'URSS concernant la place des femmes dans les sciences.

Si la physique nucléaire reste un domaine très masculin, les femmes étaient nombreuses dans le monde des sciences et de la médecine en Union Soviétique. Dès les années 60, l’URSS avait, d’ailleurs, ouvert ses programmes spatiaux aux femmes contrairement aux Américains.

#3 Un massacre canin tragiquement vrai

C’est l’une des scènes les plus difficiles à regarder : le massacre de dizaines de chiens. Lors de l’épisode 4, un trio de soldats soviétiques est envoyé pour abattre tous les animaux de compagnie présents sur zone. Un moment insoutenable, mais qui a malheureusement existé.

Peu de temps après la catastrophe, la population est évacuée avec la ferme interdiction d’embarquer leurs animaux de compagnie. Les autorités ne leur ayant jamais donné matière à s’inquiéter, ils pensent revenir d'ici 2 ou 3 jours. Des centaines d’animaux se sont retrouvés abandonnés et errant dans les rues. L’armée les a tout bonnement fait abattre craignant qu’ils ne puissent propager la radioactivité et contaminer les alentours.

Si beaucoup de chiens ont trouvé la mort, certains ont survécu et se sont reproduits. Depuis 2016, l’association Clean Futures Fund vient même en aide à ses animaux errants dont l’espérance de vie est souvent limitée à 4 ou 5 ans. L’association a réussi à faire quitter la zone à des dizaines de chiots en les faisant adopter aux États-Unis où les conditions de vie sont bien meilleures qu’à Tchernobyl.

#4 Les pompiers ignoraient-ils vraiment la situation à Tchernobyl ?

Lors de son premier épisode, la mini-série montre l’arrivée rapide des pompiers sur le site afin de contenir l’incendie. Malheureusement, ces derniers ne sont vêtus que de leur uniforme de base, non adaptés à la radioactivité du site. Dans sa série documentaire La Minute de vérité, la chaîne National Geographic revient sur ce moment où les soldats du feu sont envoyés en mission en ignorant totalement ce qui vient de se passer et surtout les dangers de la radioactivité. Beaucoup se sont ainsi retrouvés exposés à de fortes radiations sans le savoir.

Certains témoignages contredisent ces histoires comme celui de Anatoli Zakharov. Dans un article du journal anglais The Guardian, il déclare que tout le monde connaissait la centrale et savait ce qu'il s’y passait. En arrivant avec ses collègues, il a remarqué divers morceaux de graphite et savait pertinemment d’où ils provenaient. Impossible d’ignorer le danger. Anatoli Zakharov se souvient même avoir dit à son équipe " Il doit y avoir une sacrée dose de radiation. On sera chanceux si on est toujours en vie au petit matin". Selon lui, les pompiers connaissaient les dangers, mais avait une obligation morale d’agir quelqu’en soit le prix. “Nous étions comme des kamikazes,” déclare t-il à The Guardian.

#5 Le couple Ignatenko a-t-il vraiment existé ?

Outre les scientifiques, la mini-série Chernobyl met également en lumière le destin de la population à commencer par les pompiers et leur famille. Parmi eux, le couple Ignatenko. Le mari Vassily fait partie des premiers soldats du feu à arriver sur les lieux dans la nuit du 25 au 26 avril 1986. N’ayant pas de protection particulière, il ne tarde pas à être exposé aux radiations. Il est rapidement transféré dans un hôpital de Moscou où il décèdera quelques jours plus tard.

Son histoire ainsi que celle de sa femme Lioudmila est totalement vraie. Pour les besoins de la série, Craig Mazin s’est basé sur le livre La Supplication de Svetlana Aleksievitch dans lequel Lioudmila revient sur la situation de son époux. Elle y raconte alors les visites à l’hôpital où le personnel lui a ordonné de ne pas toucher son époux et à se montrer stoïque face à ses blessures. « Si vous vous mettez à pleurer, je mets dehors, » lui a-t-on dit.

Si cette partie de la série est réelle, les producteurs ont néanmoins commis une erreur puisqu’ils n’ont pas contacté Lioudmila et ont utilisé son histoire sans son accord. Cette dernière a d’ailleurs porté plainte contre HBO.

#6 Une radioactivité mal expliquée

C’est l’un des points les plus controversés de la série : la représentation de la radioactivité. Dans la mini-série, les producteurs montrent qu’il est très dangereux de s’approcher d’une personne ayant été en contact avec des radiations. Or d’après de nombreux experts en radiopathologie, seule une personne portant des particules sur elle peut contaminer les autres.

Dès l’instant où les vêtements sont retirés et que la personne a été décontaminée, 80% du problème est éliminé. Une personne irradiée ne présente pas un grand risque. Pourquoi alors isoler des patients dans des bulles en plastique s'ils ne représentent pas de danger ? Tout simplement pour les protéger eux-même. Leurs états étant instables ils sont plus enclins à attraper toutes sortes de bactéries et de virus. Il vaut mieux les isoler pour leur éviter une autre contamination.

#7 L’URSS a-t-elle préféré utiliser des hommes que des robots ?

La catastrophe de Tchernobyl étant la première de ce genre, les autorités ignoraient l’ampleur de la situation et surtout les moyens nécessaires pour reprendre le contrôle. Des robots ont été envoyés sur place pour participer au nettoyage sauf que le niveau de radioactivité était si important que les machines tombaient en panne. Dans la mini-série, le gouvernement refuse de demander l’aide d’autres pays comme les États-Unis et préfère envoyer des hommes.

Malheureusement ce détail de Chernobyl n’est pas une invention. La technologie faisant cruellement défaut, l’Union Soviétique a enrôlé des milliers de civils pour nettoyer les dégâts. D’après l’organisation mondiale de la santé, elle aurait fait appel à près d’un demi-million de civils et de militaires et ce, pendant plusieurs années. En effet, le nettoyage a duré bien après la catastrophe.

My grandpa was a liquidator. He still a live but has a cancer.
I have some his photos from Chernobyl. @clmazin you done a great work on the #ChernobylHBO looks exactly how it was in real life. pic.twitter.com/ineyDaIDrE

— Efim Kitaev (@Kitprod) June 2, 2019

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Commentaires (5)
Cette série m'a tellement marqué. Je ne sais pas si je pourrais le revoir, surtout le passage des chiens.
photo de profil de Ironist_lady Par Ironist_lady, il y a 4 ans Répondre
Autrement dit, la série est suffisamment proche de la réalité. Ce n'est pas un documentaire, c'est une fiction d'après une histoire vraie, et elle fonctionne très bien comme ça. Excellente série...
Oui, dure la scène avec les chiens...
photo de profil de Mrgoodgift94 Par Mrgoodgift94, il y a 4 ans Répondre
C'est une bonne chose de faire un rappel. Mais la moitié des points évoqués sont expliqués à la fin du dernier épisode. Du coup bah... si on a regardé la série, on sait xD On a même les photos et images d'époque, etc...

Enfin c'est cool pour ceux qui l'ont zappé et avec les points en plus c'est toujours bon à savoir !
photo de profil de Dida Par Dida, il y a 4 ans Répondre
" Pourquoi alors isoler des patients dans des bulles en plastique s'ils ne représentent pas de danger ?"

Vous donnez la réponse dans la phrase jhuste avant... "Dès l’instant où les vêtements sont retirés et que la personne a été décontaminée, 80% du problème est éliminé. "
On est pas à 100%, loin de là.
photo de profil de tfoutoi Par tfoutoi, il y a 4 ans Répondre
Perso je ne regarde pas ce genre de série, j'ai encore un excellent souvenir des 2 docs Arte sur Hiroshima et Tchernobyl qui sont passés à la fin des années 90, j'ai encore les images et plan serrés des humains et animaux nés avec des difformités génétiques diverses après la catastrophe, les malades qui avaient l'air de fondre de l'intérieur à hiroshima et vomissaient du sang, sans parler des tumeurs monstrueuses que présentaient les irradiés dans les 2 docs.
photo de profil de NoFutur2077 Par NoFutur2077, il y a 4 ans Répondre
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