Avant que certains d'entre vous se décident à pointer des armes sur mon front, laissez-moi vous indiquer les motivations de cette chronique. Hier, faisant défiler mon fil d'actualité, je suis tombé sur un témoignage d'une victime de violence policière. Par curiosité, je me suis mis à regarder les commentaires, et le premier d'entre eux expliquait que ces flics sont payés par l'Etat pour tabasser les gens et instaurer la peur, mais les médias les protègent en n'en parlant pas. Je n'ai pu retenir mes pulsions en lui répondant que la vision n'était pas si manichéenne que ça, et que ces flics étaient de tristes exceptions. Excédé, celui-ci m'a répondu que je devais probablement être l'un de ses moutons aveuglés par le gouvernement qui gobent tout ce qu'on lui raconte, et ce sera le sujet de cette chronique.
Le merveilleux monde des complotistes
Je suis conscient de l'ampleur de cet article et la vague déferlante qu'il risque d'entraîner dans les commentaires, mais L'avocat du diable est une chronique subjective qui met en avant un point de vue spécifique (le mien, en l'occurrence) afin de vous inviter au débat. En vérité, je suis devenu quelqu'un de très cartésien après une longue période dans les profondeurs du complotisme. Vous savez, le début de l'adolescence est une période terriblement influençable et vagabonder des heures sur Internet à l'âge de 13-14 ans peut vous bafouer une mentalité.
Dans mon sens, ça a été le cas. Regarder des heures et des heures des vidéos qui relatent des faits plus ou moins obscurs menant à des conclusions plus folles les unes que les autres. Je ne le répéterais jamais assez : si Internet est une formidable encyclopédie interactive, c'est aussi le panthéon de la désinformation. Croire à des articles suspicieux sans source et sans preuve est devenu une chose aussi commune que dangereuse.
Sans tirer de moralité débile, un nouveau "type" d'individus s'est construit, ou du moins démocratisé avec Internet, ceux qui pensent avoir le monopole de la raison et qui traitent de mouton toute personne n'ayant pas la même opinion qu'eux. Celui avec qui j'ai eu cette légère rixe en début d'article en fait malheureusement partie. Être un mouton signifie plonger aveuglement dans tout ce que l'on peut vous dire, y compris des articles de désinformation et sans source. Mais en aucun cas quelqu'un est un mouton parce qu'il n'est pas d'accord avec vous, ou s'il exprime simplement son avis.
Le mouton d'internet
Vous vous demandez sûrement où est-ce que je veux venir en précisément, mais reprenons le fil de mon histoire. J'ai donc, grâce à Internet, rempli mon cerveau de "JFK a été tué par les Illuminatis eux-mêmes avant qu'il ne révèle leur existence" ou "les guerres sont prévues par les gouvernements pour maintenir les populations sous contrôle". Je pensais être plus intelligent que tout le monde car je m'étais construit un avis différent de tous les autres. Je prenais un malin plaisir à critiquer ceux qui ne pensaient pas comme moi, à les regarder sous leurs airs naïfs et tenter de, eux-aussi, les introduire à ces croyances. Je n'exagère en aucun cas mon vécu dans cette histoire, je voyais vraiment les gens comme des lobotomisés par les médias populaires.
Puis, à force de m'embrouiller avec des personnes plus cultivées que moi historiquement ou scientifiquement, mes théories étaient souvent découpées en pièces. J'ai appris peu à peu à écouter, à lire, et surtout à me renseigner intelligemment tout en sortant de ce cercle conspirationniste, parce que c'était exactement ce dans quoi j'étais installé. A partir du moment où l'on reconnaît être un conspirationniste, on accepte la réalité : c'est-à-dire lire des articles aux sources fructueuses et se concentrer exclusivement sur un caractère anti-système. En somme, ne jamais croire ce que les médias diffusent et préférer faire confiance à des médias encore moins sûrs et beaucoup plus malveillants pour forger son opinion. Internet est un énorme cercle vicieux.
La désinformation
Merci de ne pas déformer le message que j'essaye de faire passer avec cette chronique. Evidemment, on ne peut pas s'appuyer en toute sûreté sur ce qui peut être dit à la télévision, souvent, des immenses ramassis de clichés y figurent. BFM TV pour ne citer qu'elle, réalise parfois des reportages carrément flippants tant ils s'amusent à flirter avec la bêtise. Il faut apprendre à faire la part des choses.
Ne pas être un mouton, c'est savoir construire son propre avis, et non pas suivre une tendance, qu'elle quelle soit. Tout simplement lire, voir ou écouter une information, puis ensuite l'interpréter. J'aime beaucoup les personnes qui m'expliquent que les médias nous mentent sur les chiffres du chômage par exemple, ce qui est intéressant parce qu'il est en effet facile de jouer avec les chiffres, mais si cette même personne partage ensuite un article de Nordpresse de manière très concrète sur son mur Facebook, comment la prendre au sérieux ?
Car si le Gorafi ou Nordpress ont atteint une certaine popularité, d'autres sites du même principe de désinformation œuvrent dans l'ombre, et pour se rendre compte qu'il s'agit de désinformation, il faut réaliser la démarche de se renseigner sur ce site. Parce que, dans la majorité des cas, la désinformation est évidente, du genre "La sextape de François Hollande a fuité". Mais quelques fois, c'est plus subtile que ça, et on peut tous tomber dans le panneau sans prendre le temps de connaître le site en question. Ce qui peut être encore plus dangereux c'est un site secondaire qui relaye de manière très sérieuse un article du Gorafi sans citer sa source. Enfin bref, pour traiter correctement la question, il faudrait un Avocat du diable sur la désinformation.
Donc, qui est le mouton ?
Réfléchissons donc brièvement sur ce sujet vaste et épineux : les théories du complot, c'est hyper cool si on ne plonge pas naïvement dans tout ce qu'on peut entrevoir. Mais c'est aussi un cercle très vicieux qui mène souvent à une mentalité anti gouvernement/politique due au manque de confiance envers ces derniers. Et ça, c'est vraiment dangereux. Car réfuter la politique, c'est soit voter extrême, soit ne pas voter du tout, et laisser les autres décider de la direction de notre pays à sa place.
Le mouton, c'est devenu presque le symbole démocratique de ce 21e siècle, mené par la multiplication d'objets technologiques ou l'omniprésence des médias. Je me pose beaucoup de questions sur cette société qui vit de plus en plus difficilement la normalité. On cherche à se distinguer parce qu'on ne veut pas être comme les autres. Mais à pointer du doigt en traitant de moutons ceux qui portent les mêmes chaussures, qui regardent les mêmes émissions ou qui partagent les mêmes opinions politiques, on devient tout autant un mouton. Les théories du complot restent un sujet tabou et flou dans la société, et les complotistes sont souvent considérés comme des énergumènes anti gouvernement donc, évitons d'alimenter les clichés.
Les risques d'une théorie
J'aimerais dans un dernier point nuancer quelque peu sur ces conspirationnistes. Cette chronique laisse penser qu'ils ne représentent qu'une infime minorité qui se considère "élitiste" mais c'est faux. Seule une petite majorité ressent le besoin de revendiquer perpétuellement qu'elle ne croit pas ce qu'on lui dit comme l'individu dans mon exemple initial. Pourtant, ce-dernier n'est évidemment pas le seul à prendre du recul sur les informations puisées dans nos médias, et surtout la télévision, comme le montre ces chiffres de Odoxa, pour Spicee sur un échantillon de 1009 Français de plus de 18 ans.
On y découvre donc qu'une grande majorité de Français pensent que des choses nous ont été cachés sur les attentats du 11 septembre. De plus, 54% d'entre eux remettent en cause les terroristes. Enfin, seulement 28% de personnes pensent que l'Etat américain est impliqué dans les attentats. Pour reprendre l'idée que l'on exposait précédemment, ce dernier chiffre ne veut pas dire que 70% du panel interrogé sont des moutons, bien au contraire.
Il est important de prendre du recul sur toutes les informations que l'on vous donne. Même s'il s'agit d'un ami qui vous dit quelque chose, il se peut qu'il est été lui même berné auparavant. Dernièrement, vous avez sûrement entendu parler de l'affaire concernant Kim Kardashian attaquée dans la nuit et cambriolée. Comme chaque rubrique d'actualité, celle-ci a été passée au crible par les conspirationnistes qui ont vu ici un coup monté de la part de la riche américaine pour faire parler d'elle ou arnaquer son assurance. Et même si ces théories ont été démontées soigneusement par des preuves concrètes et légitimes, rien n'y fait : la femme de Kanye West reste prise pour cible par, encore une fois je le répète, une infime minorité de personnes.
Par jeanLucasec, il y a 8 ans :
Vive le complot !
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