COUP DE COEUR : Batman - Damned, de Brian Azzarello et Lee Bermejo
Sorti vendredi 25 août 2019, Batman : Damned de Brian Azzarello et Lee Bermejo est très certainement l'un des grands événements éditoriaux de cette fin d'année dans le monde des comics. Ce n'est pas pour rien si ce comics, édité par Urban Comics, a été publié pour l'ouverture du Comic Con de Paris, avec trois couvertures magnifiques. On l'a lu, et c'est un véritable coup de coeur. On vous en dit plus !
Batman et Constantine, un duo de choc
On ne vous dira que très peu de choses sur l'intrigue de ce comics, afin de ne pas vous en gâcher la lecture. On ne vous révélera donc rien de plus que ce qui est marqué sur la quatrième de couverture.
Le Joker est mort. Batman ne se souvient de rien, mais tout porte à croire qu'il est celui qui a mis fin à son plus grand ennemi. Pourtant, Batman, blessé, refuse de croire à la mort du Joker, et il est persuadé que le Clown Prince du Crime est quelque part, plus dangereux que jamais. Alors que la situation lui échappe, et qu'il semble plonger toujours plus profondément dans la folie, Batman s'allie à John Constantine.
C'est l'une des nombreuses idées brillantes de Brian Azzarello et Lee Bermejo pour Batman : Damned. Azzarello est un grand habitué de l'univers DC, puisqu'il a écrit quelques-uns des meilleurs titres du géant de l'industrie du comics américain, dont Joker et Luthor, tous deux illustrés par Bermejo. Rappelons également qu'Azzarello connait également bien le personnage de John Constantine, créé par Alan Moore dans les pages de Swamp Thing dans les années 80, puisqu'il a scénarisé les meilleurs épisodes de la série Hellblazer, la série solo de Constantine. Et ce duo marche très bien. Pour la simple et bonne raison que les deux personnages se complètent merveilleusement bien. Batman, toujours sérieux, mais sombrant de plus en plus dans la folie, trouve ici son reflet inverse : John Constantine, toujours déconnant et la clope au bec, connaissant mieux que quiconque les forces occultes. Le duo offre une dynamique vraiment intéressante, et Constantine est comme un poisson dans l'eau dans cette Gotham infernale que nous donne à voir Lee Bermejo.
Autre idée que nous avons beaucoup appréciée, c'est que Brian Azzarello et Lee Bermejo ont pris le parti de faire apparaître quelques-uns des personnages les plus obscurs de l'Univers DC : ici, pas de Superman, pas de Wonder Woman, pas de Flash, pas de Green Lantern, mais plutôt Constantine (on l'a dit), Swamp Thing, la magicienne Zatanna et Deadman (on parle bien évidemment du super-héros créé par Arnold Drake en 1967, et pas de l'excellent western de Jim Jarmusch). Des personnages qu'on croise trop rarement, alors qu'ils font assurément partie des personnages les plus intéressants de l'Univers DC.
Un hommage aux films de David Cronenberg
Attention toutefois, ce comics n'est pas à mettre en toutes les mains : n'allez pas l'offrir pour Noël à votre neveu de 7 ans, exalté par le dessin animé Batman, il risque fort de déchanter. Car ce comics est une oeuvre aussi exigeante qu'hallucinée.
Le style de Bermejo, très cinématographique, frôlant parfois avec le photoréalisme, rappelle par moment le style de Dave McKeane, le compère de Neil Gaiman. Tant dans la typographie que dans ces images dont on peine à savoir s'il s'agit d'un dessin très réaliste ou d'une photo modifiée pour ressembler à du dessin. Batman : Damned est en fait une tragédie en trois actes, qui rappelle aussi bien l'univers de H.P. Lovecraft (les monstres tentaculaires en moins) que le cinéma de David Cronenberg, à qui Azzarello et Bermejo ont voulu rendre hommage. Rappelons que David Cronenberg, s'il est le réalisateur de chefs d'oeuvres violents tels que A History of Violence et Les Promesses de l'Ombre (tous deux avec le génial Viggo Mortensen), il était auparavant le ponte du cinéma d'horreur dérangeant, que ce soit avec Videodrome, La Mouche ou encore Le Festin nu. Si certains adeptes du cinéma cronenbergien peineront peut-être à y voir une quelconque allusion (le réalisateur canadien étant passionné par la métamorphose violente du corps, les cicatrices, la perversion de la science, etc), si ce n'est dans une apparition de Harley Quinn et dans le personnage de Deadman, c'est cette impression, suintante, de malaise continu qui rappelle le plus l'univers du réalisateur de Crash.
Le Black Label en expansion
Si Batman : Damned est aussi unique, si les deux créateurs ont pu jouir d'une telle liberté, c'est parce qu'il fait partie de cet univers alternatif récemment créé par DC Comics, le Black Label. Un label qui permet une approche beaucoup plus sombre et violente de l'univers DC, et dont l'approche artistique rappelle, selon les mots-même de Brian Azzarello dans l'interview introductive de Batman - Damned, l'approche de HBO pour ses séries TV.
Si plusieurs comics édités par Urban Comics ont d'ors et déjà été catalogués par l'éditeur français dans le Black Label (dont Joker de Brian Azzarello, Luthor de Brian Azzarello, Batman : Année Un de Frank Miller, et Batman : White Knight de Sean Murphy), Batman : Damned est officiellement le premier comics du Black Label de DC Comics. Même si Batman : White Knight a été classé, à l'instar de l'édition française, dans le Black Label par DC Comics, mais soulignons que le comics a commencé à être édité avant que le Black Label ne soit créé par le géant américain. Plusieurs autres comics du Black Label sont attendus aux Etats-Unis, puis en France. Parmi eux, Superman : Year One de Frank Miller, Batman : Last Knight On Earth de Scott Snyder, Batman : Curse of the White Knight de Sean Murphy (suite de White Knight), Harleen de Stjepan ŠejiÄ, Joker/Harley : Criminal Sanity de Kami Garcia, The Last God de Phillip Kennedy Johnson, Joker : Killer Smile de Jeff Lemire, The Question : The Death of Vic Sage de Jeff Lemire et Denys Cowan, The Dark Night Returns : The Golden Child de Frank Miller, Wonder Woman : Death Earth de Daniel Warren Johnson, Birds of Prey de Brian Azzarello, The Other History of the DC Universe de John Ridley et Batman : Three Jokers de Geoff Johns.
Garth Ennis rigole au fond de la salle.