Critique Les Animaux Fantastiques 3 : le meilleur film de la saga, malgré de gros problèmes de cohérence
Prévu pour le 13 avril 2022 dans les salles françaises, Les Animaux Fantastiques : Les Secrets de Dumbledore est déjà paru dans certains multiplex, à l'occasion d'avants-premières. Nous avons été à l'une d'entre elles, et nous vous donnons notre avis.
Un contexte explosif
Il aura fallu attendre quatre ans pour découvrir Les Animaux Fantastiques : Les Secrets de Dumbledore, troisième volet des aventures de Newt Scamander (Norbert Dragonneau, en français) et de sa lutte acharnée contre Gellert Grindelwald. Quatre longues années durant lesquelles le Wizarding World de J.K. Rowling semble avoir perdu une part de son prestige.
Déjà, lors de la sortie du second volet en 2018, Les Animaux Fantastiques : Les Crimes de Grindelwald, de nombreux fans avaient pointé du doigt certaines incohérences. Par la suite, la production et la promotion du long-métrage ont été compliquées par différentes polémiques : les accusations de transphobie à l'encontre de J.K. Rowling, le renvoi de Johnny Depp en marge de son procès avec Amber Heard, la condamnation à de la prison ferme de Kevin Guthrie, ou encore les récents déboires d'Ezra Miller.
Malgré ce contexte somme toute assez compliqué pour la licence, en grands fans du monde de Harry Potter, nous étions assez curieux de découvrir ce troisième volet des Animaux Fantastiques. D'autant plus que les premiers avis sortis il y a peu promettaient un film meilleur que les deux précédents.
Le meilleur des trois films...
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que malgré d'évidents défauts (nous les évoquerons plus tard dans notre critique), Les Secrets de Dumbledore est bel et bien le meilleur des trois films Les Animaux Fantastiques. Et ce pour une raison claire : il s'agit du film le plus clair avec ses propres enjeux. Alors que Les Crimes de Grindelwald se perdait en mille et une circonvolutions parfois pas toujours utiles (chaque personnage étant à la recherche d'un autre pour finalement se retrouver tous au même endroit lors du climax), dans ce troisième volet, l'ensemble est concentré sur un même objectif : la lutte contre Gellert Grindelwald. Il en résulte un scénario beaucoup plus clair, que l'on doit pour partie à la collaboration entre J.K. Rowling et Steve Kloves, ce dernier ayant travaillé sur le scénario de sept des huit films de la saga Harry Potter.
Les Secrets de Dumbledore est aussi le long-métrage le plus palpitant du cycle Les Animaux Fantastiques, et ce malgré quelques problèmes de rythme. Cela résulte notamment d'une meilleure gestion des scènes d'action - certains duels entre mages font partie des meilleurs de l'intégralité du Wizarding World. On songe notamment à une confrontation entre Albus et Croyance, dévoilée dans les deux bandes-annonces ayant servi à la promotion du film, ou à un inévitable duel entre Dumbledore et Grindelwald.
Par ailleurs, alors que le bestiaire avait une importance somme toute relative dans le second opus, en comparaison au premier volet, Les Secrets de Dumbledore les remet au premier plan. Le niffleur Teddy et le botruc Pickett sont de véritables alliés de Newt Scamander ; et un animal fantastique sert de MacGuffin au film, et a une importance capitale dans la vie politique du monde des Sorciers, et est au coeur de la stratégie des deux camps.
Si son Eddie Redmayne est également toujours aussi à l'aise dans son rôle de Newt Scamander, on soulignera le grand investissement de son compatriote britannique Jude Law, qui fait un Dumbledore toujours aussi solide. Notons également l'immense talent de Mads Mikkelsen, qui offre une interprétation moins théâtrale et plus sombre que Johnny Depp en Gellert Grindelwald.
... malgré d'importants paradoxes
Cependant, malgré ces indéniables qualités, Les Animaux Fantastiques : Les Secrets de Dumbledore souffre de deux paradoxes importants. Tout d'abord, ce troisième opus est le plus ouvertement politique des trois films. Toutefois, alors que les élections du Manitou Suprême de la Confédération Internationale des Sorciers sont au coeur du film, nous en savons finalement que très peu sur les motivations des différents candidats et sur le mode de fonctionnement de la Confédération. Ainsi, le cycle Harry Potter se retrouve paradoxalement à faire beaucoup plus de propositions avec son propos politique que Les Animaux Fantastiques : Les Secrets de Dumbledore.
Ensuite, si Newt Scamander est officiellement toujours le personnage principal du film, la saga semble de plus en plus lui échapper. Comme chacun sait, la saga des Animaux Fantastiques aura pour aboutissement la confrontation finale entre Albus Dumbledore et Gellert Grindelwald. Or, si l'expertise de Newt permet de dénouer à plusieurs endroits le récit, ses enjeux semblent moins importants que ceux de l'illustre professeur de Poudlard. Non seulement Newt se bat très peu, mais on soulignera également que ses amours avec Tina sont quasi-absentes des Animaux Fantastiques 3, alors que la psyché et les amours de Dumbledore sont le véritable coeur émotionnel du film.
Comme pour les précédents volets, Les Secrets de Dumbledore se donne pour mission de lever toujours un peu plus le voile sur le monde des sorciers. Après le New York des années 1920 dans Les Animaux Fantastiques et Paris dans Les Crimes de Grindelwald, ce troisième film nous fait voyager de l'Allemagne de 1930 à la Chine et au Royaume du Bouthan. Cependant, il nous semble que l'autrice échoue dans l'un de ses principaux objectifs avec cette saga. En effet, on peine à trouver les véritables différences entre le Monde des Sorciers en Angleterre et en Asie, si ce n'est des codes vestimentaires différents. Cette découverte du monde des sorciers demeure de ce fait plus temporelle que spatiale. On reconnait toutefois que notre amour pour le monde des sorciers est tel que la magie opère tout de même.
Toujours des incohérences...
Pour cette partie, il est conseillé d'avoir vu le film, car elle comporte quelques légers spoilers.
Si Les Secrets de Dumbledore souffre moins d'incohérences que le second film, Rowling tombe malheureusement dans ses travers : aussi talentueuse soit-elle, l'autrice corrige des fautes dans ce film pour en créer de nouvelles dans la foulée. Tout d'abord, l'arrivée du moldu Jacob Kowalski à l'intérieur Poudlard et le battage médiatique autour de lui révélant ainsi le fait que Dumbledore a fait appel à un moldu dans sa quête (sans d'ailleurs donner la moindre explication acceptable au spectateur) devrait poser un sérieux problème, quand on sait que le secret magique est extrêmement important, même en Angleterre. A-t-on idée de nommer Directeur de Poudlard, puis Manitou Suprême quelqu'un qui a mis autant en danger le Secret Magique ?
Comme pour les horcruxes dans Harry Potter et Le Prince de Sang-Mêlé et Harry Potter et les Reliques de la Mort, J.K. Rowling donne parfois l'impression de ne pas avoir un plan complètement construit à l'avance. Cela se ressent notamment dans l'un des événements du climax, lorsque le MacGuffin nous apprend que Dumbledore a le coeur pur. J.K. Rowling se retrouve alors piégée par le prétexte du film : s'il est nécessaire d'avoir le coeur pour devenir le Manitou Suprême de la Confédération Internationale des Sorciers, Dumbledore est obligé de correspondre à ce pré-requis. Or, l'écrivaine s'est évertuée dans Harry Potter et les Reliques de la Mort à nous faire la démonstration par A+B que Dumbledore était un personnage beaucoup plus nuancé que cela. Son ambition démesurée est l'un des éléments qui ont mené à la mort de sa soeur Ariana.
Cette maladresse est assez symptomatique des travers de J.K. Rowling, et révèlent en creux les difficultés qu'a l'écrivaine à raconter une histoire dont on connait déjà tous la fin. En effet, ceux qui ont lu le septième tome de Harry Potter savent pertinemment que Grindelwald a été vaincu par Albus Dumbledore, et qu'il trouvera la mort des mains de Voldemort, lorsque ce dernier se lancera à la recherche de la Baguette de Sureau. La fin est fixée sur papier depuis longtemps, et Rowling doit raconter les événements qui nous y mènent sur cinq films.
Cependant, comme à chaque fois, on pardonne bien volontiers à J.K. Rowling ces quelques maladresses et incohérences, tant le monde des sorciers demeure attractif. Quelques éléments à peine (Poudlard, l'esthétique, la musique, les personnages attachants, les coutumes des sorciers, le bestiaire, etc) permettent de prolonger la nostalgie de l'époque Harry Potter. À la manière des dragées surprises de Bertie Crochue, celles au goût de vomi ou de crotte de nez ne nous empêchent pas manger les suivantes.
Conclusion
Plus palpitant que Les Animaux Fantastiques et moins confus que Les Crimes de Grindelwald, Les Animaux Fantastiques : Les Secrets de Dumbledore est sans aucun doute le meilleur film du cycle. Le jeu d'acteur de Jude Law et de Mads Mikkelsen, respectivement en Albus Dumbledore et Gellert Grindelwald, est l'une des plus grandes qualités de ce troisième opus. Par ailleurs, si notre amour profond pour l'univers inventé par J.K. Rowling nous laisse captif de ce monde si attractif et dont la richesse n'est plus à prouver, il faut néanmoins reconnaître d'évidents défauts, notamment des problèmes d'écriture, et des gros paradoxes qui font des Les Animaux Fantastiques un cycle moins solide que Harry Potter.
Vous allez vous décider à la fin?