Disney : 6 changements polémiques entre les dessin-animés et les live-actions
Depuis que les studios Disney ont découvert qu'ils n'avaient pas besoin de faire preuve d'imagination pour faire du profit, et qu'il leur suffisait d'adapter leurs célèbres dessin-animés en versions live, le nombre de remake a explosé. Entre les versions fidèles, les révisionnistes et celles qui ressemblent étrangement peu aux classiques dont ils sont adaptés, ils apportent tous des modifications narratives et esthétiques aux histoires que nous connaissons, dont certaines sont controversées. On vous en dit plus ci-dessous !
dumbo perd tout contexte historique
Lorsque Disney réécrit l'Histoire, ça donne ça. La firme aux grandes oreilles, ne l'oublions pas, est un outil idéologique d'une puissance inégalée, dont les valeurs sont imprimées dans l'esprit des masses au moyen du meilleur vecteur possible, le divertissement visuel. Au début du XXe siècle, la société était bien différente de celle dans laquelle on vit aujourd'hui, et les contes de fées de Disney, tout en présentant une version édulcorée du monde, en traduisait aussi le racisme, le sexisme et les hiérarchies sociales. Ignorer le contexte dans lesquels ses dessin-animés sont sortis revient à vouloir effacer et ignorer les problématiques liées à l'Histoire.
Dumbo en est la preuve : le remake de Tim Burton datant de 2019 a choisi de traiter les caricatures racistes des corbeaux du film original en ne les traitant pas du tout. Dans le dessin animé de 1941, les corbeaux qui aident l'éléphanteau à prendre son envol, avec leur argot et leur cigarette au bec, sont considérés comme des caricatures de Noirs américains. Quant à leur chef, Jim Crow en VO, son nom évoque les lois de ségrégation raciale aux Etats-Unis.
Dumbo
— psychotronica (@psychotronica_) March 2, 2022
1941 / United States / Norman Ferguson pic.twitter.com/XDh0tK5Cvg
La séquence hallucinatoire de la parade des éléphants roses, qui survient après que Dumbo a bu dans une bassine où du champagne a été versé par mégarde, a également été supprimée. Une scène évocatrice de la prohibition (1920 – 1933), encore très présente dans les esprit en 1941, et durant laquelle l'alcool était fait maison clandestinement et intoxiquait parfois ceux qui en buvaient.
Quant à la fin du remake, dans laquelle le héros et sa maman sont renvoyés dans leur habitat d'origine en Inde et où le cirque de la famille Médicis renonce définitivement à la cruauté envers les animaux, est anachronique pour un film se déroulant en 1919, ôtant toute crédibilité à l'histoire dans son effort d'être progressiste.
maléfique n'est plus du tout la même méchante
Malefique (La Belle au bois dormant) pic.twitter.com/ebAP8gQWRa
— Antoine (@Crazzyantoine) May 5, 2022
En 2014, Disney sort la relecture d'un de ses plus fameux contes, La Belle au Bois Dormant. Cette fois-ci, l'histoire est racontée du point de vue de Maléfique, la sorcière qui maudit Aurore dans le dessin-animé original. Protectrice de la Landes, elle devient vengeresse et mauvaise après que son ancien amant Stefan l'ait droguée et lui ait coupé les ailes pour devenir roi. Le remake change complètement le propos de l'histoire, la méchanceté de la vilaine découlant désormais de l'abus et de la trahison subis par la main d'un homme. Cette incarnation du mal féminin voit ses origines bouleversées.
Dans un effort féministe visant à humaniser la méchante, ce live-action détruit son incroyable puissance, son indépendance, sa rage et son attitude décomplexée de Mal absolu. C'est la fin de l'autonomie qui l'avaient rendue si emblématique au départ. Finie, la sorcière impénitente, c'est désormais une version réductrice, voire régressive du personnage qui prévaut, et donc le comportement et les actions ne sont plus que le fruit des agissements d'un homme.
le "premier" personnage explicitement LGBTQ+ de la belle et la bête
Présenté par Disney comme le premier personnage ouvertement homosexuel mis en scène dans un remake de leurs contes de fées, Lefou est bien connu des spectateurs comme étant le sous-fifre de Gaston dans La Belle et la Bête. Mais cet effort de la firme pour devenir plus inclusive n'a pas été du goût de tout le monde. Certains ont accusé la démarche d'être une technique marketing, de faire passer les homosexuels pour des êtres spéciaux et exubérants, et de simplement cocher la case LGBTQ+ pour s'offrir une reconnaissance de la communauté.
En addition, choisir Lefou, l'homme de main de Gaston aux allures de paillasson, aussi amoureux qu'admiratif de son boss, aussi pathétique que bouffon, comme personnage gay, n'est pas spécialement flatteur pour la communauté ! Sans compter que la confirmation de son homosexualité dans l'histoire se traduit par une danse avec un homme choisi de manière aléatoire dans un bal, accentuant le grotesque de la mise en scène.
tous les méchants ont des histoires tragiques
Tous les méchants (ou peu s'en faut) des classiques Disney se voient dotés d'un passé tragique qui explique et "cautionne" leur statut de vilain. Cruella est l'exemple parfait de cette tendance : le film explore la jeunesse de la future tueuse de chiots des 101 Dalmatiens, alors qu'elle n'est encore qu'une orpheline, aussi talentueuse pour escroquer son prochain que pour le vêtir à la dernière mode. Sa rencontre avec une baronne icône fashion va déclencher une série de révélations qui l'amèneront Estella à se laisser submerger par sa part sombre. En dévoilant qu'elle hait les dalmatiens parce que ces derniers ont littéralement tué sa mère par le passé, Disney affadit le charisme et la puissance de la version originale de Cruella d'Enfer.
Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres ! Jafar a grandi dans la rue, dans une pauvreté abjecte. Gaston est un ancien soldat souffrant du syndrome de stress post-traumatique. Ursula a été bannie par son propre frère. La marâtre de Cendrillon a fait ce qu'il fallait pour joindre les deux bouts pour ses filles après avoir perdu deux maris d'affilée. Autant d'histoires élaborées, inventées à l'intention de quasiment tous les méchants principaux des dessin-animés des studios aux grandes oreilles. Un procédé qui complique la forme simple et fluide du conte de fées et force le spectateur à ressentir de la sympathie et à comprendre des personnages censés être abjects ! Ne peut-on plus cordialement détester les méchants en paix ?
cendrillon est encore plus passive -si, si !
Nous n'irons pas jusqu'à affirmer que la Cendrillon de 1950 est un modèle de féminisme, mais le remake de 2015 est franchement déconcertant. Après avoir complètement bouleversé l'histoire d'un de ses classiques avec Maléfique, Disney sort une version en prises de vue réelles de son Cendrillon copiée à la lettre sur le dessin-animé. Identique étant un bien grand mot, puisque le live-action accentue les traits de son personnage principal jusqu'à le rendre encore plus passif et insensible à ses propres abus qu'il ne l'était originellement. Cendrillon n'a jamais été un modèle d'autonomie ou d'affirmation de soi, mais là, c'est le ponpom !
Dans le dessin-animé, l'orpheline, réduite au statut de boniche par sa belle-mère et ses deux filles, doit se préparer pour le bal, s'échapper de la cave et éviter que sa robe ne soit déchirée. Mais dans le remake, Cendrillon laisse sa marâtre la bousculer à sa guise, laissant comprendre aux spectateurs qu'elle reste consciemment sous son joug, dans le cadre d'un effort sincère pour "avoir du courage et être gentille", comme ses parents le lui ont appris. Lorsqu'elle est enfermée dans la tour, elle se contente de regarder avec nostalgie par la fenêtre et de chanter, ne devant son salut qu'à ses petits compagnons à quatre pattes qui ouvrent sa fenêtre au moment où le Prince passe !
aladdin est moins stéréotypé - et du coup, plus fade
Au XIXe siècle, l'Europe se passionne d'orientalisme, un courant artistique naît de la fascination de l'Empire ottoman. Ce mouvement créé de nombreux clichés et poncifs profondément imprimés dans l'imaginaire collectif, et qui se retrouvent notamment en littérature ou au cinéma. Sans surprise, Aladdin, sorti en 1992, participe à l'image stéréotypée que l'Occident se fait des pays du couchant et du levant. Adapté d'un conte vieux de plusieurs siècles (et régulièrement associé aux Mille et Une Nuits), le film de Disney regorge d'exotisme, de poncifs et racisme à l'encontre des Arabes, dépeints comme des hommes agressifs et excités et des femmes effacées et sexualisées.
Le live-action de 2019, réalisé par Guy Ritchie, a voulu échapper à la caricature en éliminant les stéréotypes nuisibles et en transformant la ville fictive d'Agrabah en une célébration respectueuse du Moyen-Orient. L'enfer étant pavé de bonnes intentions, le film tombe alors dans une nouvelle forme d'orientalisme -dépouillé de toute spécificité, de saveur, qui en tentant d'être le moins polémique possible fait fi de l'Islam et ressemble à un parc d'attractions. Qui plus est, il mélange les cultures du Moyen-Orient et de l'Inde comme si elles étaient interchangeables, en ajoutant au remake des numéros musicaux inspirés de Bollywood et en engageant l'actrice indienne Naomi Scott dans le rôle de Jasmine.
Edulcorée à mort. Je m'attendais à rien (on m'a forcé à le voir, je l'ai regardé pour faire plaisir), mais c'était vraiment une cata.
On en est bientôt là.
À part si vous apprenez ça à vos gamins, AUCUN ne verra une caricature des noirs dans les corbeaux car... ben on a plus la même grille de lecture. Et la prohibition... les gens s'en souviennent dans des séries et films parlant des Incorruptibles ou d'Al Capone. Donc enlever des références datées... pourquoi pas. Et donc c'est préférable pas qu'un "enfant" boive du champagne ???
- la Belle et la Bête
"le premier personnage explicitement LGBTQ+", euh 2 regards un peu appuyés, c'est peut être trop explicite pour la Chine, mais c'est tout.
- tous les méchants ont des histoires tragiques
Ben... oui. D'une ça permet d'humaniser le personnage et ça ne change pas le fait qu'ils sont méchants et qu'ils ont choisi cette solution plutôt que d'autres. TOUS les vilains de Batman par exemple ont aussi une histoire tragique. Donc je vois pas en quoi ça affaiblit le méchant. "Je déteste les dalmatiens parce que je suis juste méchante", c'est mieux ?
- Cendrillon
Donc changer l'histoire dans Dumbo ça va pas, mais pas la changer dans Cendrillon, ça va pas... Est-ce que par hasard les gens seraient jamais contents ?
Je n'aime pas les live action car je trouve quand même que c'est une façon "facile" de faire de l'argent en misant sur la nostalgie des parents et l'envie d'aller voir un Disney pour amasser les billets sans trop s'embêter à créer un nouveau scénario.
Mais la plupart de ces critiques sont juste pour critiquer.