La saga Harry Potter est une des sagas littéraires et cinématographiques les plus appréciées de la Culture Pop. Véritable phénomène, la saga de J.K. Rowling est cependant au centre d'accusations de plagiat, notamment par le vidéaste Poisson Fécond, qui trouve d'étranges points communs entre Harry Potter et L'Île du Crâne d'Anthony Horowitz. On fait le point.
Harry Potter, un plagiat ?
Dans une vidéo publiée le 24 juin 2020, le vidéaste Poisson Fécond pose la question : et si la célèbre saga Harry Potter était un plagiat ? En effet, le YouTubeur a trouvé d'étranges similitudes entre la saga Harry Potter, écrite par J.K. Rowling à partir de 1990, et le roman L'Île du Crâne d'Anthony Horowitz, sorti en Angleterre en 1988. Pour ne pas spolier le vidéaste de son travail, nous n'évoquerons pas toutes les ressemblances entre les deux oeuvres, et nous nous contenterons seulement de quelques-unes. Nous vous invitons par ailleurs à aller regarder sa vidéo (disponible ci-dessous), pour vous faire votre propre idée sur le sujet.
Pour bien illustrer les emprunts de J.K. Rowling a L'Île du Crâne d'Anthony Horowitz, Poisson Fécond a résumé les deux oeuvres ainsi : "l'histoire avec un jeune protagoniste, qui a une famille détestable, [...] il reçoit une lettre qui l'invite à aller étudier la sorcellerie dans un grand château." Autre fait troublant, parmi d'autres, les deux protagonistes se rendent au dit-Château dans un train, dans lequel ils rencontrent ceux qui deviendront leurs meilleurs amis.
Le roman scolaire
Si Poisson Fécond pose la question d'un hypothétique plagiat, on se doute bien que c'est, en partie du moins, par provocation. Car les deux oeuvres ne sont pas à proprement parler similaires, et sont même très différentes sur plusieurs aspects essentiels. Tout d'abord, on peut s'intéresser au rôle de l'école dans Harry Potter et L'Île du Crâne. Dans Harry Potter, Poudlard est un lieu magique, un refuge pour le héros, qui considère l'école comme sa seule et véritable maison. Bien que Poudlard soit entourée de la Forêt Interdite, qu'il y ait des monstres (genre un chien à trois têtes) et des fantômes, l'école est censée être le lieu le plus sûr du Monde Magique, car gardé par le plus puissant sorcier de l'Histoire : Albus Dumbledore. A l'inverse, si David Eliot (le héros du roman d'Anthony Horowitz) finit par apprécier son école, à tel point qu'il veut en être le meilleur élève dans le second volume (Maudit Graal), l'école est vue comme un lieu de dangers. Le romancier insiste sur le fait que Groosham Grange (le nom de l'école) est un lieu inquiétant ; elle est perdue sur une île en forme de crâne, on y enseigne la magie noire, et certains élèves disparaissent de manière inexpliquée.
Les héros sont aussi assez différents : là où Harry Potter est un jeune garçon plein de bonne volonté et qui cherche une famille de substitution, David Eliot est quant à lui un enfant turbulent, qui s'est fait renvoyer de son école. Harry est, au départ, un personnage extrêmement positif, quintessence du jeune héros de Fantasy, là où David Eliott est plus nuancé, et semble tout droit sorti d'un roman de Roald Dahl (Charlie et la Chocolaterie). Bien des lecteurs, persuadés que Harry Potter n'est qu'un plagiat éhonté de L'Île du Crâne, se basent également sur la corpulence du père et de la mère de David, et celle de l'Oncle Vernon et de la Tante Pétunia de Harry. Dans les deux oeuvres, l'homme du couple est très gros et caractériel ; la femme, quant à elle, est aussi sèche que maigre. Cependant, si les parents de David Elliott sont détestables, il nous paraît d'une nature différente de Vernon et Petunia Dursley. Là où les Dursley sont la caricature même du couple anglais petit-bourgeois, où se conjuguent hypocrisie, mesquinerie et crétinerie, les Eliot sont, quant à eux, l'illustration du couple qui a trop duré et qui ne se supporte plus. Les premiers sont une caricature de classe, les seconds une caricature de caractères.
On voudrait revenir maintenant sur deux autres points, souvent cités, dès lors où l'on veut prouver que la saga Harry Potter n'est qu'un plagiat de L'Île du Crâne. Le premier d'entre eux : le fait que l'intrigue se passe dans une école de magie, dans laquelle on se rend en utilisant un train ; le deuxième : le fait que le héros ait, dans les deux oeuvres, un rival aux cheveux blonds. Et à ces deux points, nous voudrions répondre avec un seul et même argument : le respect d'un genre littéraire. Car, on l'ignore souvent, mais il existe un genre littéraire spécifiquement britannique : le roman scolaire. Ce genre, extrêmement prisé Outre-Manche, a donné naissance à des oeuvres telles que Eric de Frederic Farrar ou encore la série St. Clare's d'Enid Blyton. Très souvent, les oeuvres des romans scolaires britanniques prennent place dans de vieilles bâtisses, telles que des châteaux. N'oublions pas que de nombreuses écoles privées (et publiques) britanniques sont d'anciens châteaux réhabilités. Quant au rival blond, opposé au protagoniste brun, cela obéit à un autre schéma narratif, lui aussi extrêmement prisé : pour créer un antagoniste, on crée le portrait inverse du protagoniste. D'autant plus que la blondeur, symbole de pureté, du rival vient trahir son comportement nauséabond et insupportable. Par ailleurs, le cas de Drago Malefoy vient également souligner une particularité de l'univers de Harry Potter : sa blondeur rappelle la noblesse de sa famille (qui se paie le luxe d'avoir un nom français), et la "pureté" de son sang de sorcier. On sait que Rowling s'est beaucoup inspiré des événements de la Seconde Guerre Mondiale pour son oeuvre, et la blondeur des Malefoy rappelle celle des "Aryens". S'oppose à cette "blondeur" les cheveux roux des Weasley, famille nombreuse et pauvre, qui rappelle les classes populaires britanniques, ou encore les Irlandais, affamés par les Britanniques. Autrement dit, la couleur des cheveux des personnages participent autant aux stéréotypes mille fois usités d'un genre qu'au projet politique et littéraire de l'auteure.
On ne veut pas prétendre que J.K. Rowling ne s'est pas inspirée de certains éléments de L'Île du Crane pour écrire Harry Potter. L'auteure a d'ailleurs confié avoir lu et apprécié les romans d'Anthony Horowitz. (Vous trouverez cette information sur la page Wikipédia de L'Île du Crane, cependant l'honnêteté intellectuelle nous pousse à vous confesser que nous n'avons pas trouvée la source originale concernant cette information.) Cependant, il nous semble important de rappeler qu'en littérature, s'inspirer n'est pas plagier. Et c'est ainsi que les genres romanesques se forment. Nous rappelons par exemple que J.R.R. Tolkien, que nous considérons tous à raison comme un génie, s'est beaucoup inspiré de la mythologie nordique et du poème épique en ancien anglais Boewulf pour écrire Le Hobbit et sa suite Le Seigneur des Anneaux. Nous avions d'ailleurs dédié un article aux inspirations manifestes de ce grand auteur, qui a su condenser en une oeuvre cohérente et majestueuse des siècles de culture, de mythologies et de culture anglo-normande. N'hésitez pas à donner votre avis dans les commentaire : pensez-vous que J.K. Rowling a plagié L'île du Crâne, ou s'est-elle simplement inspirée de ce roman, et de ceux qui l'ont précédé ?
Par Paulito, il y a 4 ans :
Pour moi ce n'est pas un plagiat mais plutôt une inspiration d'une oeuvre qu'elle a peut être lu ou entendu parler...
Le cerveau croit parfois inventer des choses mais c'est souvent parce qu'on a vu, lu ou entendu quelque chose auparavant.
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