Après avoir eu la chance de tester la pornographie en réalité virtuelle dans les bureaux parisiens de Dorcel, Hitek a eu la chance de discuter avec Anna Polina qui est une des actrices des scènes en réalité virtuelle de Dorcel. Nous l'avons donc interrogée sur le sujet et nous en avons également profité pour lui poser d'autres questions sur sa profession et sa vision du métier. Elle a également pris le temps de répondre aux questions des fans qui nous ont été proposées sur notre page Facebook il y a quelques jours.
Voici d'ailleurs les impressions de personnes qui ont eu l'occasion de voir ces fameuses scènes en réalité virtuelle :
Venant de Russie, elle est arrivée en France à l'âge de 10 ans. Une dizaine d'années plus tard et des études de droit, elle perce dans le milieu du X et devient vite l'une des Dorcel Girls, les égéries de la marque Dorcel.
Bonjour Anna. Qu’est-ce qui a pu te pousser à bosser dans l’industrie du charme ?
C'est une succession d'évènements, à commencer par des images qui me sont restées en tête. Les premières ont été les séquences sexy de Paris Dernière, que je regardais assidûment quand j'étais plus jeune. J'étais tombée totalement amoureuse de Melissa Lauren, qui était une égérie de Marc Dorcel. J'avais aimé son discours, moi qui n'avait jamais été fascinée par les mannequins ou les chanteuses. Cette fille là m'avait intéressée pour son côté assez rock'n'roll, très moderne quelque part. Mais tout ça était resté dans un petit coin de ma tête et je ne pensais pas du tout en faire mon métier.
Deux ans plus tard, je me suis retrouvée à lire par hasard une biographie d'actrice X. À côté de ça, je lisais beaucoup de livres de Virgine Despentes, qui parle énormément des travailleurs du sexe. L'image qu'elle en donnait m'intéressait beaucoup, j'étais fascinée par cet univers : par ce que cela représentait de se mettre à nu, de faire ce qui ne se fait pas, ce qui est censé être interdit, ce qui dans l’inconscient collectif appartient à l'intime.
À l'âge de 19 ans, un peu par caprice et par hasard, j'ai contacté un réalisateur (John B. Root) via internet. Il m'a recontacté et sur un coup de tête j'ai fait ma première scène, mais sans envisager un seul instant d'en faire une carrière. Ensuite les choses se sont assez vite enchaînées : j'ai eu la chance de travailler avec des personnes de qualité, j'ai énormément apprécié ce milieu et quand on m'a proposée un contrat chez Marc Dorcel, j'ai trouvé ça dommage de passer à côté.
Comment vois-tu l'avenir de la pornographie dans le numérique, sachant que les sites pour adultes ont porté un coup dur à l'industrie plus "traditionnelle" du X ?
En toute franchise, je pense qu'il y a une réelle révolution dans le milieu du X. Internet a beaucoup changé la donne en apportant du positif et du négatif. L'aspect négatif est évidemment pour moi une pénurie pour les boîtes de production, les acteurs et les actrices, mais c'est une bonne chose du point de vue du consommateur.
Il a aujourd'hui réellement le choix et devient plus facilement acteur du produit qu'il regarde. Les plateformes web permettent au consommateur de choisir ce qu'il a envie de regarder et ne pas "subir" les décisions des réalisateurs, comme les actrices ou le costume.
La pornographie est plutôt mal vue dans l'opinion publique française. Penses-tu que la plus grande consommation du X sur le web a pu faire évoluer les mentalités sur ton métier ?
Absolument pas, je ne crois pas du tout à l'évolution des mœurs sur ce point. C'est vrai qu'aujourd'hui on est plus amené à parler de sexualité, de plaisir féminin, de sextoys... A ce niveau là, la parole s'est libérée. Mais actrice X ? Ça reste quelque chose de choquant pour la plupart des personnes.
Que penses-tu de la pornographie et la réalité virtuelle puisque tu as participé aux vidéos prototypes de Dorcel ?
Premièrement, je pense que la réalité virtuelle est une chose très intéressante, ne serait-ce que pour les jeux vidéo. Il y a une réelle immersion ! Dans le X aussi, c'est très intéressant. Après dans quelle mesure cela va marcher ? Je n'en ai pas encore réellement conscience puisque ça comporte certaines contraintes techniques : il faut trouver de nouveaux scénarios et c'est plus compliqué que de tourner une scène simple.
Peux-tu nous parler un peu de ces difficultés ?
Il faut d'abord savoir que les vidéos en réalité virtuelle sont tournées avec plusieurs caméras 4K. C'est beaucoup plus contraignant pour l'acteur, qui porte le casque sur lui. Il devient beaucoup plus passif, ce qui ne permet pas de créer un réel rapport avec lui. En revanche ce qui est assez intéressant c'est qu'en regardant la caméra on crée quelque part un rapport direct avec le spectateur, c'est plus fort.
Autres problèmes : les vidéos sont plus longues à tourner, on ne peut pas couper comme dans un tournage traditionnel, le budget est bien plus conséquent et on ne sait pas encore si cela sera rentable.
Comment ta famille et tes amis ont réagi en apprenant ce que tu voulais faire dans la vie ?
Au tout début, assez évidemment, personne ne réagit bien. Le milieu du X a une mauvaise image dans l'opinion générale. Cela n'aide pas que les médias ne montrent pas la réalité : ils préfèrent très souvent mettre en lumière le caractère "à risque" du milieu, les histoires sordides et toutes ces choses là. Je crois qu'ils [ma famille et mes amis] ont compris que c'est un milieu qui me permet de vivre, qui m'épanouie, que ça ne m'a absolument pas transformée.
À vrai dire, c'est tout le contraire : cela m'a fait mûrir beaucoup plus vite. C'est un milieu qui permet de voyager, de rencontrer des personnes très différentes, de parler plusieurs langues... Au bout de deux ans, ça a été clairement admis par ma famille et mes amis. Ils ont compris que l'effet que cela avait sur moi était réellement positif.
Le regard des autres est-il difficile à vivre ? Que font, par exemple, les personnes qui te reconnaissent dans la rue ?
Parfois c'est pesant, et parfois c'est agréable. Je pense que c'est un petit peu comme toutes les personnes qui sont médiatisées : on devient une espèce de créature, on ne s'appartient plus réellement. Ça fascine ou ça révulse en fonction de la personne, de sa manière de concevoir la sexualité, la vie, la mise en image et la pornographie.
Il y a des personnes qui vont vous aimer pour ce que vous faites, qui vont trouver ça rock'n'roll, cool et original. Et puis il y a des personnes qui vont vous détester d'office. Quelque part je suis tout de suite jugée à cause de mon métier. J'ai rarement rencontré une personne ayant un avis neutre là-dessus.
Comment se fait-on à l’idée que des milliers de gens vous ont vue en train de faire l’amour ?
Je me détache bien de ça. Pour moi ce que je fais, c'est du cinéma de sous-genre, pour que les gens prennent du plaisir. Ils sont libres de regarder mes scènes ou celles d'autres filles. C'est quelque chose de très sain, finalement. Le X est une manière de découvrir ses fantasmes, de voir ce qui nous excite : c'est une manière de découvrir notre sexualité. Pour moi c'est un peu comme la nourriture et toutes ces choses simples de la vie qui sont là uniquement pour nous faire du bien. Ce genre d'idées, je les vis très bien !
Est-ce que les hommes que tu rencontres se permettent plus de familiarités du fait de ton travail ? (question de Rémy Leroy)
Oui, et c'est un des problèmes majeurs de la profession. La plupart des hommes me considèrent tout de suite - n'ayons pas peur des mots - comme une fille facile, ce qui n'est absolument pas le cas des actrices quand on les connaît. Mais il y a aussi des hommes qui sont impressionnés parce qu'ils ont des images incroyables en tête et se comparent à des acteurs comme Rocco Siffredi. Mais en réalité cela n'a aucun rapport avec notre métier : nous sommes des femmes avant d'être des actrices, nous pouvons toutes être séduites par un homme !
Comment se comporte le personnel à ton égard lors d'un tournage ? (question de Valentin Gros)
C'est génial. C'est génial parce qu'ils sont habitués et que tout est normal pour eux. Quand on vit dans notre microcosme - sur les tournages, sur le salon de l'érotisme ou lors des shows en discothèques - rien ne paraît bizarre parce qu'on est entre nous. Il n'y a pas de pudeur, de tabou ou de voyeurisme, on parle librement. La nudité et l'acte sexuel ne sont pas sacralisés et chacun fait son boulot. Quelques fois il peut y avoir un coup de cœur, un instant un peu fort au milieu d'une scène qui va interloquer le réalisateur ou le cadreur. Mais la plupart du temps cela ne gêne personne : ce sont juste des gens qui font leur métier, comme dans le cinéma traditionnel.
Que penses-tu du débat sur le rôle de la pornographie dans la vision de la femme, l'entretien du culte de la femme objet... Bref, du débat sur l'égalité des sexes en général ? (question de Marion Echard)
Je pense que le X est probablement l'un des rares secteurs où la femme est sujet et non objet. On a tendance à vouloir dire que la femme est soumise, mais la vraie liberté de choix, c'est de décider d'être soumise - sexuellement bien évidemment - ou bien d'être dominatrice. Quand on regarde réellement le milieu du X, quand on s'intéresse à la pornographie, on se rend compte que la femme est celle qui est mise en avant. L'homme est bien souvent placé au second rôle, hormis quelques acteurs comme Rocco Siffredi ou Nacho Vidal. C'est aussi le seul métier où les femmes gagnent plus que les hommes.
Un avis sur la presse féminine ?
C'est très compliqué. Il y a une part de moi qui apprécie la presse féminine : je lis Elle par exemple, parce que j'aime leurs articles sur la littérature et sur les derniers livres qui sortent. Ça me permet de me tenir un peu au courant de l'actualité - et j'aime ce côté là dans la presse féminine.
En revanche, je trouve que sur le reste, c'est un peu schizophrène. On va nous dire "Assumez-vous telle que vous êtes", ensuite on va nous proposer un régime et dans la page d'après on va critiquer une star qui a pris du poids. On nous apprend à être comme il faut, mais au final on ne l'est jamais assez. Il y a un diktat qui n'a jamais été aussi fort qu'aujourd'hui. De nos jours une femme doit être sexy et indépendante, gagner sa vie mais aussi mener son foyer... Je trouve ça très lourd à porter pour les femmes.
Comment fais-tu pour concilier vie professionnelle et vie personnelle ? (question de Mélodie Dspogeek)
Alors pour répondre à cette question, je ne vais pas me servir uniquement de mon exemple mais de celui d'autres filles, parce que je ne représente pas tout le monde. Certaines personnes mixent très bien vie pro et vie perso : c'est surtout le cas aux États-Unis, où le X est reconnu comme un vrai business, une vraie profession. Les couples arrivent à avoir une vie de famille et à faire la différence entre un tournage et leur intimité.
En France, j'ai remarqué que c'était un petit peu plus compliqué à cause des mœurs. Bien que le X soit légal, il y a beaucoup de filles fantômes qui ne restent pas longtemps à cause de cette pression. Et puis même si votre petit copain ou votre petite copine accepte votre métier, il y aura toujours ses amis et sa famille à convaincre.
Prends-tu toujours du plaisir à faire ce métier ? Faire l'amour ne devient-il pas lassant ou mécanique ?
Sur la question du plaisir, certaines filles aiment raconter qu'elles jouissent à tout les coups, sur tous les tournages. D'autres disent qu'elles font ça uniquement pour le boulot, de manière professionnelle. Pour moi, on est tout de même dans un milieu où l'on touche à la chair, on fait quelque chose qui crée de l'intimité. Ça se traduit parfois par un coup de foudre temporaire pour l'acteur. Même si cela ne dure que deux heures, on peut réellement l'aimer pendant ces deux heures là. Cela amène à faire l'amour avec lui comme on le ferait avec une personne qui partage notre vie, ce qui apporte beaucoup de plaisir.
Il y a d'autres moments avec moins de feeling, où c'est beaucoup plus mécanique. Ça dépend aussi du réalisateur : sur un tournage qui est très long (6 à 7 heures), tout est technique. En revanche quand on fait du gonzo* on se laisse un petit peu plus aller : il y a moins de coupures et on peut prendre du plaisir. Pour moi, c'est vraiment une question de contexte, d'acteur, de mise en scène et aussi de durée de la scène.
*Le gonzo est un type de pornographie avec des plans très rapprochés. C'est généralement l'acteur qui tient la caméra.
Des choses que tu ne pensais jamais faire en commençant et que tu as finalement eu l'occasion de faire plus tard ? (question d'Adrien Colot)
Sincèrement, je ne sais pas. Par exemple j'ai fait une double anal, et je pense qu'à l'âge de 19 ans je n'y aurais jamais cru si on me l'avait dit ! Aujourd'hui, je vois ça comme une performance. Mais je me remets encore en question : est-ce qu'on ne va pas parfois un peu trop dans la surenchère ? Je m'interroge constamment sur mon métier et moi-même, donc je n'ai pas vraiment de réponse à cette question.
Selon toi, qu'est-ce qui distingue la pornographie de l'érotisme ? (question de Quentin Magnaval)
Pour moi l'érotisme est dans la suggestion et la montée du désir, cela se trouve dans quelque chose qui n'est pas tout à fait dévoilé. La pornographie, c'est quelque chose de beaucoup plus cru : on est mis face à des images - à la réalité, tout simplement. Et comme on voit clairement l'action, il y a moins de désir et de fantasmes.
Quel choix ferais-tu aujourd'hui entre le X et ta vie personnelle ?
J'ai toujours été très capricieuse et j'ai toujours tenue à ma liberté. J'ai commencée à faire du X par caprice, puis j'ai continué parce que j'en avais envie. J'ai ensuite arrêté pendant un moment parce que j'étais amoureuse et que je voulais avoir une vie de couple avec mon chat et mon ex. Lorsque j'ai repris, c'était parce que j'avais envie de retourner sur les tournages. Aujourd'hui, je pense que je privilégierai ma vie personnelle.
Quelle image as-tu des joueurs et des Geek ?
Je trouve qu'ils sont assez cools, j'adorerais être comme eux ! Ils sont un peu comme moi avec la littérature, ils sont dans leur monde et je trouve ça plutôt positif. On a tendance à toujours reprocher aux gens d'être enfermés dans leurs jeux mais finalement le plus important c'est de trouver son petit coin de bonheur dans cette vie.
As-tu déjà joué aux jeux-vidéo ?
Un petit peu, mais je ne suis pas très douée ! Je préfère les livres.
Quels genres de livres ?
Il y a de tout ! J'adore Stendhal, Kundera... Je suis également une grande fan de Virginie Despentes. Je lis énormément, tout ce qui me passe sous la main. Ça va de Maupassant au dernier livre de Nabilla, je l'avoue. J'étais à l'aéroport, il était devant moi et je l'ai acheté. Mon dernier coup de cœur est Histoire de petite fille de Sacha Sperling, qui parle justement d'une fille qui fait du X.
Que penses-tu de Pierre Croce ? (question de beaucoup de personnes)
J'adore Pierre Croce ! J'aime les Youtubeurs en général, beaucoup sont des gens qui sont de ma tranche d'âge et leurs vidéos me parlent. Pierre Croce est très bon. A côté de ça c'est un gars très drôle et adorable.
NB: La chaine YouTube de Pierre Croce où vous pourrez retrouver des vidéos avec Anna Polina ou encore Nikita Belluci plus récemment... Merciii !
Par Hyung Lord, il y a 8 ans :
EH beh ! Loin des stéréotypes, je m'attendais pas à ça ! All hail Polina ! (PS : c'est son vrai nom, ou nom de scène ?)
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