Dossier : les nouveaux défis de Pixar
Alors que Toy Story 4 est sorti en salles, et a fait le plus gros démarrage au box-office pour un film d'animation, posons-nous cette question : quels seront les nouveaux défis de Pixar ? Mais avant, regardons à nouveau la bande-annonce de Toy Story 4 !
Une décennie complexe
Depuis sa création, et plus particulièrement la sortie de leur premier film, Toy Story, Pixar a su s'imposer comme étant le studio d'animation le plus ambitieux. N'hésitant pas à aborder des sujets très adultes (le handicap dans Le Monde de Némo, l'écologie dans WALL-E, la vieillesse dans Là-haut) au sein de films transgénérationnels, plaisant aux enfants et à leurs parents, le studio s'est aussi dévoilé comme étant le grand maître de l'animation par ordinateur, révolutionnant à chaque film ce qu'il est possible de faire en animation. A tel point que les paysages et les textures de Toy Story 4 ressemblent bien plus à du photoréalisme qu'à de la simple animation. Si vous voulez un récapitulatif plus exhaustif des révolutions opérées par Pixar depuis son commencement, nous vous conseillons la lecture de notre Focus sur Pixar partie 1 et partie 2. Vous pourrez d'ailleurs retrouver notre critique de Toy Story 4 en cliquant ici.
Mais la décennie 2010-2020 aura été une décennie un peu spéciale pour Pixar. Tout d'abord, pour la première fois de son existence, et à trois reprises, Pixar a produit des films ayant dépassé le milliard de dollars : Toy Story 3 en 2010 (1.067 milliards de dollars), Le Monde de Dory en 2016 (1.029 milliards de dollars) et Les Indestructibles 2 en 2018 (1.242 milliards de dollars). Ensuite, on remarque que dans cette même décennie, Pixar a fait son plus mauvais score au box-office, pour un film d'animation pourtant très loin d'être mauvais, Le Voyage d'Arlo en 2015 (332 millions de dollars). Le score de Cars 3 au box office fut à peine plus honorable, avec seulement 384 millions de dollars.
On remarque par ailleurs que les trois seuls films de Pixar à avoir gagné plus d'un milliard de dollars, sont des suites de licences cultes. Ce commentaire n'est en rien péjoratif, il s'agit uniquement d'une observation. D'autant qu'il faudrait que le rédacteur de cet article soit d'une sacrée mauvaise foi pour discréditer ces films qu'il a vu au cinéma au moins deux fois chacun. Cependant, Pixar a annoncé ne plus vouloir faire de suites. Or, on observe ceci : que les films les plus rentables pour le studio sont justement les suites...
Autre difficulté pour Pixar pendant cette décennie : la remontée en puissance de Disney Animation Studios et d'autres studios concurrents. Pixar a véritablement émergé au moment même où Disney rentrait inéluctablement dans sa traversée du désert des années 2000. Pixar parvenait ainsi à battre Disney sur le terrain créé par Disney. Et les autres grands studios d'animation américains, que sont DreamWorks et Blue Sky n'étaient pas suffisamment puissants pour jouer dans la même catégorie que Pixar. Pour vous rendre compte de la toute-puissance de Pixar face aux autres studios d'animation, il suffit de prêter attention au palmarès de l'Oscar du meilleur film d'animation depuis sa création, en 2002. En dix-huit ans, Pixar a remporté neuf Oscars du Meilleur film d'animation : Le Monde de Némo en 2004, Les Indestructibles en 2005, Ratatouille en 2008, WALL-E en 2009, Là-haut en 2010, Toy Story 3 en 2011, Rebelle en 2013, Vice-versa en 2016, Coco en 2018. On remarque qu'entre 2008 et 2011, Pixar a remporté chaque année l'Oscar du Meilleur film d'animation, période où le studio connaissait son premier Âge d'Or. Pour comprendre à quel point la résurgence de Disney peut expliquer le recul de Pixar, il suffit de remarquer que le premier Oscar du meilleur film d'animation remporté par Disney était en 2014, pour La Reine des Neiges, qui connut un très grand succès publique (le film dépassa le milliard de dollars), et qui apporta la preuve que le studio connaissait son troisième Âge d'Or. Par la suite, Disney Animation Studios a remporté l'Oscar tant convoité en 2015 et en 2017, respectivement pour Les Nouveaux Héros et Zootopie. Or, quand on regarde avec un peu plus d'attention les films Disney qui ont remporté l'Oscar, on remarque que ce sont des films qui ressemble de plus en plus à ce que fait Pixar. Rien d'étonnant à cela : John Lasseter, le créateur de Toy Story et un des pères fondateurs de Pixar, était à la fois à la direction de Pixar et du département Animation de Disney. En 2019, un nouveau concurrent a émergé, avec Spider-Man : New Generation, qui a remporté l'Oscar convoité par Les Indestructibles 2. Avec ce film d'animation sur l'Homme-Araignée, Sony Animation Studios a offert un film à la technicité impeccable, qui n'a rien à envier aux productions Pixar. Et si Pixar était arrivé tellement haut qu'il était désormais impossible pour le studio d'innover ?
Enfin, dernière difficulté de cette décennie éprouvante pour le studio : la démission (ou le renvoi, ce n'est pas clair) de John Lasseter, le directeur du studio et personnage historique de l'animation, suite à des plaintes pour comportement inapproprié envers ses collègues féminines. Comment Pixar va faire pour se relever et battre la concurrence ?
Le renouveau de Pixar
Tout d'abord, il a fallu résoudre "le problème John Lasseter". Pour le remplacer, Pixar devait faire appel à un autre génie. Mais qui ? Lee Unkrich, le réalisateur de Toy Story 3 et de Coco ? Impossible, il a démissionné pour réaliser de nouveaux rêves et se rapprocher de sa famille. Eh bien le problème a été (superbement) résolu avec Pete Docter, réalisateur de génie à qui l'on doit quelques-uns des plus beaux films du studio : il a réalisé Monstres et Cie, Là-haut et Vice-versa, et a participé au scénario de Toy Story, Toy Story 2 et WALL-E. Nous sommes rassurés, car le studio est entre de très bonnes mains.
Ensuite, il faut se poser la question : Pixar a-t-il raison d'abandonner les suites et de se concentrer sur des films originaux, sachant que les suites leur rapportent plus d'argent ? Eh bien oui. Mettons de côté les raisonnements du style "Le cinéma a besoin de sang neuf !", "On en a marre d'avoir que des suites !", etc. De l'aveu même de l'équipe de Pixar lors de la promotion de Toy Story 4, certaines suites n'ont pas été à la hauteur des attentes du studio. Même si Monstres Academy et Le Monde de Dory ne sont pas des mauvais films (loin de là), ils demeurent en-deçà des films dont ils sont la suite, Monstres et Cie et Le Monde de Némo. Et pour un studio qui a pour projet de toujours se dépasser, cela pose problème. D'autant que Pixar se refuse à faire des suites juste pour faire des suites. Et cela était plutôt bien fait dans Les Indestructibles 2 et Toy Story 4, qui s'avéraient être des suites logiques aux films précédents.
Le studio a donc, à l'heure actuelle, cinq films dans les cartons. Onward (ou En Avant, en français) sera le premier film de fantasy du studio. Si l'on en croit la bande-annonce, le film a l'air très prometteur. S'il ne dépassera pas les records techniques de Toy Story 4, le film devrait être plutôt réussi, car complètement dans l'esprit Pixar. Il est réalisé par Dan Scanlon, déjà réalisateur de Monstres Academy et scénariste sur Cars. Nous savons que côté casting, les personnages principaux seront doublés par Chris Pratt (Les Gardiens de la Galaxie, Jurassic World) et Tom Holland (Spider-Man : Homecoming, The Lost City of Z). Il est un peu tôt pour le dire avec certitude, mais étant donné le casting choisi, et les anciens travaux du réalisateur, on peut supposer que si Onward sera à coup sûr émouvant, ce sera également un film très drôle. Il est prévu pour le 4 mars 2020 en France et le 6 mars 2020 aux Etats-Unis.
C'est Pete Docter en personne qui réalisera le film suivant, Soul. Si on ne sait pas grand chose du scénario, on sait que le film devrait explorer l'origine de nos personnalités, ce qui fait que nous sommes nous. Un grand projet donc, qui devrait être dans la lignée de ce que Pete Docter avait fait avec Vice-versa. Ce qui promet du très lourd ! Le film sortira sur nos écrans le 17 juin 2020, avant de sortir deux jours plus tard aux Etats-Unis. Trois autres films ont été annoncés, mais il s'agit de films-mystères. Nous ne connaissons ni les titres, ni les réalisateurs, ni même le sujet. Tout ce que nous savons, c'est que le premier sortira le 18 juin 2021, le second le 18 mars 2022 et le troisième le 17 juin 2022. On devrait en savoir un peu plus d'ici le premier semestre 2020.
Il est possible, par ailleurs, que Pixar sorte des séries animées et des films inédits sur Disney+, la nouvelle plateforme de SVOD. Sans doute d'ailleurs que cette nouvelle plateforme sera une aubaine pour Pixar. Si on n'exclue pas l'idée que des films sortiraient directement sur la plateforme Disney+, le SVOD serait un moyen efficace pour Pixar de produire plus encore de courts-métrages. Le format court a une importance capitale pour le studio : les réalisateurs s'essaient d'abord à ce format, avant d'être choisi sur des projets plus gros. Mais si Disney+ offre la possibilité à Pixar d'augmenter la cadence des courts-métrages, cela permettrait au studio de recruter de nouveaux talents. Si aucune suite n'est prévue en long-métrage, le studio n'exclue pas l'idée de faire des spin-off sous forme de séries, ce qui serait une bonne idée économique. On entend déjà certains râler à cette idée, mais n'oublions pas que si Pixar a toujours le souci de la qualité, c'est aussi une entreprise qui a besoin de fonctionner. Et pour garantir la possibilité de faire des longs-métrages de qualité, qui ne sont pas des suites, et qui ne sont donc pas aussi rentables, il est logique qu'il se serve de Disney+ comme exutoire.