Disney : ce film complètement fou a demandé 60 ans de production
57 ans exactement : c'est le temps qu'il a fallu à Disney pour terminer ce court métrage, dont la production a démarré en 1946. Fruit de la collaboration entre deux génies créatifs de leur époque, ce film de 6 minutes intitulé Destino ne ressemble à aucun autre. Terminé en 2003, ce dessin animé atypique à la gestation compliquée vaut le coup d'oeil.
Walt Disney à la conquête de l'Amérique du Sud
En 1941, Walt Disney doit gérer une crise : il avait promis à ses artistes des primes si Blanche Neige et les Sept Nains, sorti en 1937, était un succès. Malgré les résultats incroyables de son premier classique, il ne ne tiendra jamais sa parole... Il préfère déménager les studios à Burbank, puis, fuyant la colère de ses salariés, lui, sa femme Lillian et seize collaborateurs triés sur le volet embarquent pour l'Amérique Latine. Ils se surnomment "El Grupo". L'objectif de ce voyage ? S'imprégner de la culture locale et la réinjecter dans une trilogie dont chacun des volets sera constitué de quatre cartoons reliés par des séquences en prises de vue réelles.
Didactique et divertissant, voilà le type de contenu que recherche Walt Disney. Saludos Amigos et Les Trois Caballeros naîtront en 1943 et 1945 (dates américaines), tandis que Carnival, le troisième opus, est annulé. Toutefois, le projet de cartoon consacré au Mexique verra bel et bien le jour grâce à la rencontre entre Walt Disney et Salvador Dalí : le destin de Destino est sur les rails !
Walt Disney et Salvador Dalí, une rencontre inattendue
Walt Disney ve Salvador Dali Ä°spanya'da. (1957) pic.twitter.com/VQLsTA1rNz
— Wannart (@wannartcom) November 16, 2017
Lors d'une soirée organisée par Jack Warner (un des deux frères à la tête des studios du même nom), Walt Disney fait la rencontre du célèbre peintre surréaliste, et les deux hommes se lancent à l'assaut de Destino. À l'époque, l'artiste espagnol planche sur les scènes de rêves de La Maison du Docteur Edwards, qui vaudra à Alfred Hitchcock l'Oscar du meilleur film en 1946. C'est aussi en 1946 que Salvador Dalí commence à travailler pour la firme aux grandes oreilles, accumulant les dessins de story board et les peintures à l'aquarelle et à l'huile. Mais l'artiste espagnol a bien du mal à canaliser sa créativité, et à comprendre le concept de continuité que nécessite un film. Il imagine des scènes clés déconnectées les unes des autres, inutilisables en l'état.
Huit mois après le début de l'aventure, le projet s'arrête. Malgré la présence de l'animateur John Hench pour l'épauler, il est probable que la vision de Salvador Dalí se soit avérée trop éloignée de celle de Walt Disney, et que les exigences du peintre aient fait exploser le budget initialement alloué à Destino.
Destino : un projet terminé 60 ans plus tard
C'est grâce au travail de Roy E. Disney, le neveu de Walt Disney, que le projet Destino sort des archives à l'aube des années 2000. C'est le studio de Montreuil, juste avant sa fermeture, qui signe ce court-métrage de 6 minutes. Sous la houlette de l'animateur français Dominique Monfery, et avec l'aide précieuse de John Hench et du journal de la femme de Salvador Dali, la vision du peintre espagnol prend forme. Projeté pour la première fois au Festival International du Film d'Animation d'Annecy en 2003 puis nommé à l'Oscar du Meilleur Court-Métrage (sans succès), Destino a connu une seconde vie grâce à Internet et à la ferveur des internautes. Présent dans le Blu-Ray de la collection Diamant de Fantasia et Fantasia 2000, ce court métrage est une merveille fascinante et iconoclaste, à nulle autre pareille, témoin de la rencontre entre deux génies du XXe siècle...
Et pour découvrir en quoi la Casa de Papel a été accusée de véhiculer une mauvaise image de Dalí, c'est juste ici.