Dossier : la Fantasy, des origines d'un genre à son immense diversité
Alors qu’elle a longtemps été considérée comme un sous-genre, boudée par un académisme forcené et mal placé, la Fantasy est aujourd’hui un genre aussi puissant et conquérant que les personnages qui la peuplent. Présent partout dans le monde (en Europe, en Amérique, en Asie, en Afrique), ce genre pluri-médiatique a trouvé son public dans les romans, dans les salles de cinéma, dans nos écrans de télévision, dans nos bandes-dessinées, dans nos jeux vidéos et nos jeux de société. Preuve de l’importance qu’occupe la Fantasy dans le visage culturel mondial : Le Seigneur des Anneaux : Le Retour du Roi de Peter Jackson (adaptation du troisième volume de l’illustre roman de J.R.R. Tolkien) est le troisième et dernier film de l’Histoire à avoir gagné 11 Oscars du Cinéma en 2004, après Ben-Hur de William Wyler (en 1960) et Titanic de James Cameron (en 1998). Quant à la série Game of Thrones, série adaptée par la chaîne HBO de la série de romans A Song of Ice and Fire de George R.R. Martin, elle bat chaque année de nouveaux records, dont celui de "série la plus piratée de l’Histoire". Alors, pourquoi la Fantasy passionne-t-elle tant ? Comment expliquer ce regain de popularité ? C’est à ces questions, et à de nombreuses autres, auxquelles nous essaierons de trouver une réponse dans ce dossier consacré à la Fantasy. Mais avant de découvrir ensemble l’Histoire de ce genre, quelques chiffres !
La fantasy en chiffres
160 : la Fantasy fête cette année sa cent-soixantième année. C’est officiel, la critique littéraire date communément la naissance de ce genre en 1858, année de parution de la nouvelle Phantastes : A Faerie Romance for Men and Women (en français : Phantastes : une romance féerique pour hommes et femmes), de l’écrivain écossais George MacDonald. Quelques années plus tard, en 1872, MacDonald publiera un roman de Fantasy : The Princess and the Goblin.
58 : c’est la place du Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien dans le classement des "100 livres du siècle", selon un panel de 17 000 Français.
17 : c’est le nombre d’Oscars qu’ont gagné les trois films de Peter Jackson adaptés du Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien.
5 851 897 167 : c’est le nombre cumulé des recettes en dollars des six films de Peter Jackson adaptés de l’oeuvre de Tolkien.
8 537 469 147 : c’est le nombre cumulé des recettes en dollars des neuf films tirés du Wizzarding World de J.K. Rowling.
450 000 000 : c’est à ce jour le nombre d’exemplaires vendus de la saga Harry Potter de J.K. Rowling.
30 000 000 : c’est, en novembre 2016, le nombre de ventes confirmées par Bethesda du jeu vidéo The Elder Scrolls V : Skyrim, depuis sa sortie en 2011. Selon Valve, Skyrim est le jeu qui s’est vendu le plus rapidement sur la plateforme Steam ("fastest-selling game in Steam history").
250 : c’est le nombre de fois où le jeu The Witcher 3 : Wild Hunt a été nommé "jeu de l’année 2015". Un record.
173 : c’est le nombre de pays dans lesquels la saison 5 de Game of Thrones a été diffusée. Et ce n'est là qu’un de ses très nombreux records.
1 000 000 000 : c’est le budget en dollars prévu par Amazon Prime Video, nouveau géant des plateformes de VOD, concurrent de Netflix, pour sa série originale adaptée de l’œuvre de Tolkien.
Comme en témoignent ces chiffres, la Fantasy est un genre qui rapporte beaucoup d’argent aux studios. Pourtant, elle souffre, encore aujourd’hui, de nombreux clichés et beaucoup la dénigrent. Mais d’où nous vient ce genre littéraire ?
Cosmogonie d’un genre
Si la Fantasy a connu ces dernières années un regain d’intérêt, il serait faux de dire qu’il s’agit d’un genre récent. Non, la Fantasy n’est pas née avec J.R.R. Tolkien. Elle a une existence plus ancienne. Même si à l’époque, la Fantasy ne s’appelait pas Fantasy… Revenons aux origines de ce genre que nous affectionnons tant !
La Fantasy est née dans l’Angleterre victorienne. Mais pour comprendre les raisons de l’apparition et du succès de ce genre, il faut d’abord se faire une petite idée du contexte historique. Au XIXème siècle, l’Angleterre est à la tête d’un gigantesque empire colonial et connait sa première Révolution Industrielle. Si on a souvent vanté les mérites de la Révolution Industrielle, ils étaient un peu moins visibles du gros de la population, qui vivait dans un état de misère, au milieu de la crasse et la pollution. Pour se rendre compte du profond désenchantement que connaissait l’Angleterre à l’époque, la lecture des romans de Charles Dickens, très réalistes, devrait suffire. Face à ce désenchantement généralisé, des écrivains ont décidé d’apporter une réponse plus positive, en proposant une évasion par la littérature. Karine Gobled, blogueuse et spécialiste des littératures de l’imaginaire, écrit dans son Guide de la SF et de la Fantasy :
"Certains auteurs réinvestissent un imaginaire plus ancien, s’inspire des contes, du folklore, des grands mythes comme L’Epopée deGilgamesh en Mésopotamie ou L’Iliade et L’Odyssée en Grèce antique, des légendes telles celles du roi Arthur ou de Boewulf et des sagas islandaises comme les Eddas."
C’est en 1858 qu’est publiée la première œuvre de Fantasy. Elle s’appelle Phantastes : A Faërie Romance for Men and Women, et elle a été écrite par l’écrivain écossais George MacDonald. Il y raconte l’histoire d’Anodos, un jeune homme attiré dans un monde onirique dans lequel il vivra des aventures. On imagine sans mal l’impact qu’a pu avoir sur les lecteurs anglais de l’époque cette nouvelle. Imaginez la pollution, imaginez la misère. Puis, imaginez le monde onirique offert par George MacDonald. On comprend alors l’admiration qu’on pu éprouver J.R.R. Tolkien et C.S. Lewis pour Phantastes. Quelques années plus tard, en 1872, George MacDonald récidive avec un roman : The Princess and the Gobelin.
Si ces deux œuvres n’ont pas grand-chose à voir avec les livres de fantasy que vous lisez aujourd’hui, c’est avant tout parce que ce genre a beaucoup changé au fil du temps. D’ailleurs, George MacDonald n’a jamais su qu’il écrivait de la "fantasy". Il faudra attendre 1949 pour que la première fois apparaisse le terme de fantasy pour qualifier ce type de littérature. Le terme apparait dans la revue pulp américaine The Magazine of Fantasy.
Deux événements majeurs ont très certainement bouleversé l’écriture de la Fantasy.
En 1929 est publiée pour la première fois la revue Weird Tales, dans laquelle apparaitront deux auteurs qui changeront les codes de la Fantasy, donnant naissance à un sous-genre bien précis, qui aura un succès retentissant : l’heroic fantasy. Ces deux auteurs sont Robert E. Howard (le père de Conan le Barbare et de Solomon Kane) et Fritz Leiber (l’auteur du Cycle des Epées). Dans cette revue fut également publié H.P. Lovecraft, le créateur du Mythe de Cthulhu, très apprécié par les amateurs de littératures de l’imaginaire.
Le deuxième événement est la création, dans les années 1930, du cercle littéraire The Inklings, composé d’écrivains anglais, dont les plus illustres sont J.R.R. Tolkien et C.S. Lewis. J.R.R. Tolkien écrira Le Hobbit (1937) et Le Seigneur des Anneaux (1954-1955) ; quant à Lewis, il est aujourd’hui connu pour Le Monde de Narnia (1950-1956).
Mais comment expliquer que ce genre, si prompt à nous évader, est aussi déprécié ?
Fantasy et littérature, les amants maudits
C’est là un paradoxe étonnant. Comme nous l’avons vu plus haut, la Fantasy rapporte beaucoup d’argent. Pourtant, en 2011, un académicien suédois a expliqué que si Tolkien n’avait pas remporté le Prix Nobel de Littérature en 1961, c’était (accrochez-vous !) parce que ce n’était pas de la littérature. Ah. Mince. "Qu’est-ce à dirrrre que ceci ?", demanderait le roi Burgonde de Kaamelott, dont je partage le visage plein d’incompréhension quand je lis ce qui me semble être une absurdité. Ainsi la Fantasy ne serait pas de la littérature… Comment expliquer une telle sentence ? Eléments de réponse.
En 1947, l’écrivain français et philosophe Jean-Paul Sartre (qui a par ailleurs refusé le Prix Nobel de Littérature) a fait une conférence, intitulée Qu’est-ce que la littérature ? Cette conférence, immortalisée lorsqu’elle fut publiée en 1948, connut un si grand succès qu’elle est traduite mondialement. Sartre y révèle sa conception de la littérature. Pour lui, la littérature doit être engagée, dans le sens où elle "révèle le monde". Or, comme nous l’avons vu plus tôt, lors de sa création, la Fantasy avait une fonction d’évasion. Autrement dit, de dérober le lecteur au monde, à la manière des frères et sœurs Pevensie, qui ont fui les horreurs de la Seconde Guerre mondiale en entrant dans le Monde de Narnia, grâce à l’Armoire magique. L’académicien a sans doute lu Sartre, et partage sans doute son opinion. En effet, vous remarquerez que tous les écrivains nobelisés ces dernières années sont des écrivains qui se sont engagés pour des causes diverses et variées.
Neil Gaman
Que la Fantasy soit de "la littérature d’évasion", cela nul le niera. Le problème, c’est que selon la conception sartrienne de la littérature, l’évasion et la littérature sont antinomiques. On passera sur le fait que l’évasion peut être un moyen de s’engager. Quel meilleur moyen de critiquer le monde – et de le révéler – qu’en s’inventant un monde, qui est son exact opposé, son reflet inversé ? Concentrons-nous d’abord sur une autre conception de la littérature. Dans son essai Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture et de l’imagination, édité et distribué gratuitement par les éditions Au Diable Vauvert, l’écrivain anglais Neil Gaiman (qui a beaucoup fait pour la Fantasy et l’imagination, avec des œuvres telles que Sandman, Coraline, L’étrange vie de Nobody Owens, American Gods, Neverwhere ou encore De bons présages), écrit :
"La fiction peut vous présenter un monde différent. Elle peut vous emmener où vous n’avez jamais été. Une fois que vous aurez visité d’autres mondes, comme les gens qui ont goûté au pays des Fées, vous ne vous satisferez plus entièrement du monde dans lequel vous avez grandi. Le mécontentement est une bonne chose : des gens mécontents peuvent modifier et améliorer leur monde, le laisser meilleur, le laisser différent. Et tant que nous sommes sur ce sujet, j’aimerais dire quelques mots sur l’évasion. J’entends qu’on emploie ce terme comme s’il s’agissait d’une mauvaise chose. Comme si la fiction « d’évasion » était un opiacé bon marché auquel s’adonnent les gens troublés, les idiots et les dupes, et que la seule fiction qui vaille la peine, pour les adultes ou les enfants, soit la fiction mimétique, qui reflète le pire du monde dans lequel se trouve le lecteur. Si vous étiez prisonnier d’une situation impossible, en un lieu désagréable, avec des gens qui vous veulent du mal, et qu’on vous offre une évasion temporaire, pourquoi ne saisiriez-vous pas ? Et voilà tout simplement ce qu’est la fiction d’évasion : une fiction qui ouvre une porte, montre qu’il fait soleil dehors, vous procure une destination où vous contrôlez les choses, où vous vous retrouvez avec des gens avec lesquels vous voulez être (et ne vous y trompez pas, les livres sont des lieux réels) ; et, chose plus importante, durant votre évasion, les livres peuvent aussi vous apporter des connaissances sur le monde et sur votre situation, vous fournir des armes, vous doter d’une armure : des choses bien réelles que vous pourrez rapporter dans votre prison. Des méthodes, du savoir et des outils que vous pourrez employer à vous évader pour de bon. Comme nous l’a rappelé J.R.R. Tolkien, les seules personnes qui dénoncent l’évasion sont les geôliers."
Je tenais absolument à partager cette citation avec vous. Non pas seulement parce qu’elle a accru en moi plus profondément encore l’admiration que j’avais pour cet écrivain, mais également parce qu’elle résume mieux que je ne saurais le dire moi-même le fond de ma pensée. Oui, la fantasy est une littérature. Et elle ne mérite absolument pas les critiques dont elle est bien trop souvent l’objet.
Bien sûr, tout n’est pas bon en Fantasy. Il faut chercher les bons livres, et certains déplairont. Beaucoup m’ont déplu. Mais ils n’ont rien pu enlever au profond plaisir que m’ont procuré les bons livres que j’ai lus, qui m’ont permis de m’évader, et de revenir mieux armé.
Ce qui est intéressant, en outre, c’est que la Fantasy (j’entends la bonne Fantasy) n’est même pas totalement antinomique avec la conception de la littérature sartrienne. Dans une interview accordée au site ActuSF, la célèbre écrivain de Fantasy Robin Hobb (L’Assassin Royal) a dit :
"J’aime la fantasy car c’est un genre très libre. Tout peut arriver. C’est aussi un genre où l’on peut raconter de très grandes histoires. La fantasy n’a pas de limite de lieux ou même de temps. […] La Fantasy permet de considérer l’humanité en s’affranchissant de tous les préjugés liés aux nationalités, à la culture ou aux frontières. En lisant un bon roman de fantasy, nous ne sommes plus, moi une citoyenne américaine et vous un Français, et je ne suis plus une femme de 55 ans ou la mère ou la sœur de quelqu’un. Au lieu de ça, je deviens le personnage, et je vois le monde à travers ce prisme. Grâce à ça, je peux avoir différentes perspectives, et les évaluer indépendamment de ma propre vie."
Le rapport entre Fantasy et Histoire
Il y a une idée reçue très vivace, très solide, sur la Fantasy. La Fantasy serait inséparable du médiéval. Autrement dit, pas de Fantasy sans Moyen-Âge. C’est bien sûr absolument faux. La Fantasy peut explorer tous les âges, toutes les époques. Ainsi, les aventures de Conan le Barbare de Robert E. Howard se situent pendant la Préhistoire, tandis que Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski et Les Salauds Gentishommes de Scott Lynch s’inspirent de la Renaissance italienne. De la même façon, Neil Gaiman a ancré ses œuvres de fantasy dans l’époque contemporaine (American Gods et Neverwhere). Même chose pour J.K. Rowling, avec son célèbre cycle Harry Potter.
Il n’empêche que ces contre-exemples tendent à montrer quelque chose. Si la Fantasy ne présente pas exclusivement un monde inspiré de l’époque médiévale, elle tisse toujours un lien solide avec l’Histoire.
Dans une récente mini-série documentaire consacrée au rapport entre jeux vidéos et Histoire, intitulée History Creed, le vidéaste Benjamin Brillaud, de la chaine YouTube Nota Bene, est allé interviewé les créateurs du jeu vidéo Assassin’s Creed. Oui, ce n’est pas de la Fantasy, mais leur propos est très édifiant. Dans le troisième épisode de cette série passionnante, "Plus ça a l’air vrai, plus ça risque d’être faux", Aymar Azaïzia (d’Ubisoft) déclare :
"On n’a pas la prétention de faire des jeux à vocation scientifique ou historique, et on a pas non plus pour vocation d’enseigner l’Histoire. Par contre, l’Histoire on la définit comme étant le terrain de jeu de notre franchise."
Cette explication aurait pu, je pense, sortir de la bouche d’un écrivain de Fantasy. En effet, l’Histoire est un terrain de jeu passionnant. De nombreux auteurs classiques, à commencer par Victor Hugo (dans Notre-Dame de Paris ou L’Homme qui rit), avait utilisé l’Histoire comme outil littéraire.
Pourtant, il me semble que la Fantasy traite l’Histoire de plusieurs façons bien différentes.
L’Histoire peut tout d’abord servir de simple terrain de jeu, comme décor fictionnel servant à amuser le lecteur. A l’évader, comme dirait Neil Gaiman. Ainsi, dans son livre American Gods, les innombrables références mythologiques et théologiques permettent de créer une histoire passionnante, vivante, originale. Mais l’Histoire permet également de mieux révéler le présent, et donc de mieux correspondre à la vision de la Fantasy que partageait Robin Hobb avec ActuSF. Dans American Gods toujours, ces références mythologiques et théologiques permettent un décalage saisissant avec ce que Gaiman considère (à raison) comme étant nos nouveaux dieux : les Médias, l’Automobile, l’Argent. De la même façon, J.K. Rowling, qui a construit la montée de Lord Voldemort dans sa saga Harry Potter comme un reflet d’Adolf Hitler, permet un parallèle intéressant entre le fascisme à l’époque de l’Allemagne nazie et le racisme, toujours ambiant, de notre époque.
D’autres écrivains prennent le parti d’idéaliser l’Histoire. C’est le cas bien sûr de J.R.R. Tolkien. L’auteur anglais est certainement l’auteur de fantasy le plus apprécié de l’Histoire. Tolkien, universitaire de son état, s’est servi de sa passion médiéviste comme carburant principal de son écriture romanesque. Ainsi son œuvre tend à imiter non pas le Moyen-Âge, mais sa littérature. N’oublions pas que le Docteur Tolkien a traduit et étudié de nombreux livres médiévaux, à commencer par Boewulf et Sire Gauvain et le Chevalier Vert. N’oublions pas également que l’Anneau unique est inspiré de l’Anneau du Nibelungen, que les noms des nains du Hobbit sont tous empruntés à l’Edda poétique, et que Gollum est inspiré du monstre Graendel de Boewulf. Ceci explique sans aucun doute qu’il suffit à Aragorn d’être "bon" pour que le Gondor connaisse la prospérité, comme s’il s’agissait d’une réminiscence du bon roi Arthur. Ou encore la faible présence de la figure féminine, qui, quand elle est là, est toujours idéalisée (Arwen et Galadriel sont deux parfaits exemples).
Cette idéalisation du Moyen-Âge a connu un très grand succès dans l’écriture de la Fantasy. Néanmoins, aujourd’hui, des auteurs, dans le sillage de George R.R. Martin, l’auteur de Game of Thrones, tentent au contraire de reproduire un Moyen Âge plus réaliste, plus proche de la réalité. Ainsi, le papa de Game of Thrones s’est inspiré du conflit entre les familles York et Lancaster (pendant la Guerre des Deux Roses, qui a déchiré l’Angleterre) pour écrire la guerre qui a fait rage entre les maisons Stark et Lannister. D’autres événements historiques ont nourri son imaginaire, comme le "black dinner" dans l’Ecosse médiévale qui a inspiré l’épisode sanglant des "Noces Pourpres". L’écrivain français (et ô combien talentueux) Jean-Philippe Jaworski dépeint lui aussi un contexte historique réaliste. Ainsi, dans son recueil de nouvelles Janua Vera, dont toutes les nouvelles prennent place dans le Vieux Royaume, le vocabulaire utilisé démontre sa grande connaissance médiéviste. Même commentaire pour sa trilogie Rois du Monde, qui dépeint une Gaule celtique à la fois réaliste et magique, sans doute le fruit de nombreuses recherches.
Mais ce rapport à l’Histoire n’est-il pas l’une des clés du succès de la Fantasy ?
La clé du succès de la Fantasy
Veillez pardonnez ce sous-titre un peu trompeur. Des raisons d’aimer la Fantasy, il y en a des tas. Peut-être autant qu’il y a de lecteurs de Fantasy. Pourtant, j’ai l’impression que dans la sous-partie précédente du présent dossier, nous avons mis le doigt sur l’une des raisons essentielles du succès de la Fantasy. Peut-être la principale. Oui, j’ose le dire.
Comme nous venons de le voir, la Fantasy utilise l’Histoire comme un terrain de jeu. Je trouve l’expression "terrain de jeu" intéressante. Car, si nous considérons la littérature et l’Histoire comme un gigantesque terrain de jeu, alors il y a deux joueurs évidents. L’auteur et son lecteur. Cependant, pour que le lecteur ait envie de jouer avec l’auteur, encore faut-il que le jeu soit immersif. Or voilà. Existe-il un genre plus immersif que la Fantasy ?
Qu’elle idéalise ou non l’Histoire, la Fantasy donne envie à son lecteur de se projeter. D’être ailleurs. Qui n’a pas eu envie d’habiter en Terre du Milieu ? Qui n’a pas une seule fois rêvé de boire une bièraubeurre comme Harry, Ron et Hermione après un cours de Défense contre les Forces du Mal ? Qui n’a pas rêvé de parcourir les landes splendides de Westeros ou les majestueuses cités d’Essos ?
La Fantasy décrit toujours un monde attractif. Même quand elle est sombre et violente, tous les moyens sont bons pour donner envie au lecteur / spectateur / joueur de quitter son monde pour celui qui se déroule devant ses yeux admiratifs. C’est ce qu’ont très bien compris l’industrie du cinéma et du jeu vidéo. On attribue des moyens financiers ahurissants pour donner un rendu toujours plus spectaculaire. Ainsi, des RPG comme The Elder Scrolls V : Skyrim et The Witcher 3 donne-t-ils au joueur la possibilité de se balader encore et toujours dans des milieux dont la dangerosité ne parvient pas à abimer la beauté.
Dans Odyssées, l’écrivain Arthur C. Clarke (l’auteur de L’Odyssée de l’Espace) écrit :
"La Science-Fiction est quelque chose qui pourrait se produire – et la plupart du temps, vous n’en auriez pas envie. La Fantasy est quelque chose qui ne pourrait pas se produire – alors que vous aimeriez souvent que cela arrive."
Pour rendre plus grande encore l’attractivité de ces mondes, les RPG permettent au joueur d’effectuer des choix moraux. Ainsi le joueur devient-il lui-même personnage de l’histoire racontée.
Bien sûr, le lecteur n’a pas la moindre possibilité d’influer sur l’avenir des personnages d’un livre de fantasy. Néanmoins, l’auteur peut utiliser la présence d’anti-héros à la moralité trouble pour rendre son personnage plus accessible au lecteur. Le personnage, qui n’est plus idéalisé, reflète l’humanité du lecteur. Ou reflète parfois certains fantasmes, inconscients, donnant à l’œuvre une fonction cathartique.
Quelques conseils pour bien débuter en fantasy
Un roman anglophone : plutôt que de vous conseiller la lecture d’un livre de Tolkien (bien que c’est une évidence : courrez lire Tolkien !!!), je vous conseille la lecture des Salopards Gentishommes de Scott Lynch. Dans cette série (trois tomes parus pour l’instant, sept sont prévus en tout), l’auteur américain nous raconte l’histoire de Locke Lamora, truand de la ville de Camorr (inspirée de la Renaissance italienne), appelé la Ronce de Camorr, et de sa bande, les Salopards Gentishommes. C’est frais, c’est violent, c’est trépidant, c’est fun. Je trouve toutes les qualités à cette série de romans.
Un roman francophone : eh oui, la fantasy française vaut parfois son pesant d’or. Je vous conseille très vivement la lecture du roman Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski. L’action se situe dans le Vieux Royaume, qui était déjà le lieu où se déroulaient les nouvelles du recueil Janua Vera. Il s’agit ici de la suite de la nouvelle Mauvaise donne, et on retrouve avec un plaisir non dissimulé l’assassin Don Benvenuto. L’écriture de Jaworski est absolument splendide, si bien que la lecture des 900 pages et quelques de ce roman passe à une vitesse folle. Un véritable chef d’œuvre !
Un roman jeunesse : une fois que vous aurez lu les deux chefs d’œuvres du genre, Harry Potter de J.K. Rowling et A la Croisée des Mondes de Philip Pullman, penchez-vous dans La Passe-Miroir, de la française Christelle Dabos. Cette tétralogie (dont seulement trois tomes sont déjà parus) est merveilleuse. A la croisée entre Harry Potter et Le Château dans le ciel de Hayao Miyazaki. Lisez-les, vous ne serez pas déçu du voyage.
Un manga : le chef d’œuvre du genre en matière est Berserk de Kentaro Miura. Si toutefois vous êtes plutôt rétif à la violence de cette œuvre, je vous conseille le dernier chef d’œuvre de Hiromu Arakawa (la créatrice de Fullmetal Alchemist) : The Heroic Legend of Arslan. Si la série contient quelques scènes violentes, elle reste néanmoins très abordable.
Un comics : sans hésiter, je vous conseille lecture de Sandman du britannique Neil Gaiman. Une œuvre poétique, complexe et passionnante, qui a révolutionné le comics, comme l’a fait Watchmen d’Alan Moore quelques années plus tôt. Je vous conseille également très vivement la lecture de Fables de Bill Willingham, une exploration saisissante et passionnante des contes de fées dans un contexte actualisé. A lire de toute urgence !
Une bande dessinée franco-belge : beaucoup vous conseilleront les Thorgal de Jean Van Hamme et Grzegorz Rosinski. Personnellement, je vous recommande chaleureusement la lecture de Alim le tanneur (4 tomes) de Wilfrid Lupano et Valérie Augustin. Non seulement le dessin de Valérie Augustin est splendide (la dessinatrice sort de l’écurie Disney), mais en plus le scénario de Lupano est à mon sens ce qui s’est fait de mieux en Fantasy française depuis des années (avec Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski).
Un film : partant du principe que tout le monde a vu la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson et la saga des Harry Potter, je vous conseillerai Le Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro. Une fantasy mature, aussi violente que poétique. Sans aucun doute le meilleur film de Guillermo Del Toro, et c’est peu dire étant donné le talent de ce génie du Septième Art. Il a tout de même gagné l’Oscar du Meilleur Réalisateur pour La Forme de l’eau. Sinon, j’ai beaucoup aimé le film Warcraft. Voilà, je voulais le dire.
Deux autres films, pour les enfants cette fois : deux films qui m’ont émerveillé enfant. Willow de Ron Howard et Cœur de Dragon de Rob Cohen. Même que Cœur de Dragon m’a fait pleurer, à la fin, quand… Bref, j’en garde un très bon souvenir.
Un film d’animation : bien qu’il ait été un échec cuisant au box-office, je trouve beaucoup de charme au film d’animation Taram et le Chaudron Magique. Un film d’animation Disney plus sombre qu’à l’accoutumée, auquel a collaboré un certain Tim Burton. De la Dark Fantasy à la portée des enfants. Personnellement, j’adore.
Un film d’animation japonais : c’est une évidence, et c’est peut-être un des meilleurs titres de la sélection : Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki (Studio Ghibli). Le Japon médiéval est une grande source d’inspiration pour la fantasy. La preuve en deux heures de bonheur absolu.
Un anime : le premier et le quatrième acte de Sword Art Online. Je suis peut-être vieux jeu, mais j’ai adoré cet anime, que je regarde toujours avec beaucoup de plaisir. Et ce n’est pas parce que je suis amoureux d’Asuna…
Une série TV : Game of Thrones. La base. La série de tous les records. Dont je me refais chaque année tous les épisodes… Lisez les livres, aussi. Ils valent le coup. Oh oui.
Un jeu vidéo : The Witcher 3 : Wild Hunt est très certainement le meilleur jeu qui m’ait été donné de jouer. Très vite suivi par The Elder Scrolls V : Skyrim. Un jeu aux graphismes époustouflants, au scénario incroyable, au gameplay dynamique. Et dont les quêtes secondaires sont toutes aussi intéressantes que la quête principale.
Un J-RPG : il y a les Final Fantasy, bien sûr. Mais mon coup de cœur reste Ni No Kuni (seulement sur PS3), issu de l’alliance entre le Level-5 et le studio Ghibli. C’est beau, c’est poétique, c’est mignon. La suite, Ni No Kuni II : Revenant Kingdom (sur PS4 et PC), vaut aussi le coup.
Un compositeur de musiques de films : difficile de choisir. Trois artistes grandioses me viennent à l’esprit : Howard Shore (pour Le Seigneur des Anneaux), Ramin Djawadi (pour Game of Thrones et Warcraft) et Joe Hisaishi(pour Princesse Mononoke).
Un groupe de musique : même chose. Difficile de choisir. Deux groupes me viennent spontanément à l’esprit. Le groupe de métal symphonique Nightwish, très inspiré par la fantasy, et le groupe de musiques épiques Audiomachine.
IMPORTANT : chers lecteurs, cet article sera bientôt complété par une interview exclusive de Jean-Philippe Jaworski, l’auteur de Janua Vera et de Gagner la Guerre, dont il a été plusieurs fois question dans le présent dossier. Nous l’avons contacté par mail, et il nous a promis de répondre à nos questions. L’interview sera disponible sur le site Hitek dès que possible.
Par contre, vous avez sucé un livre ?
Honnêtement donnez lui sa chance regardez les 6 premiers épisodes (les 4 premiers étant relativement lent pour poser le décor) et vous ne serez pas déçu !
En livre je suis déçu de pas avoir vu la saga Eragon qui pour moi est toute mon adolescence au même titre que les HP/LOTR !
Et The Magicians de Lev Grossman qui est extrêmement bon aussi mais tout a fait différent de la série (vous ne vous ferez pas spoil grand chose)
Mais un article très complet, rare ces derniers temps :)
Alain Damasio avec "la horde du contrevent" pour la littérature française,
pour la littérature étrangère, je mentionnerais "Le nom du vent" de Patrick Rothfuss (donc on attend toujours désespérément le troisième tome !!!)
Robert E Howard n'a jamais appelé une fois dans ses nouvelles et roman son héro : Conan le Barbare mais plutôt Conan le Cimmérien qui évoluait dans un univers de barbare : le monde Hyborien.
Conan le Barbare fait plutôt référence au film de John Milius (qui pour rappelle n'est pas une adaptation fidèle à l'oeuvre d'origine de Robert E Howard) ou référence au bd comics qui ont des scénarios parfois bizarre cross over avec Conan vs Wolverine ou Conan vs Thor et dont le scénario ce passe dans différente époque en passant de la préhistoire à l'époque moderne d’aujourd’hui (oui Conan à fait un remake des Visiteurs).... ce qui nous amène à la transition suivante.
2) "Ainsi, les aventures de Conan le Barbare de Robert E. Howard se situent pendant la Préhistoire"
Non les aventure de Conan le Barbare ( plûtot le Cimmérien) ne se situent pas vraiment pendant la Préhistoire, mais plutôt si nous la comparons à notre univers, l'âge Hyborien où se déroule les aventures de Conan se situe à l'époque de l'Antiquité (l'ère Stygienne qui deviendra l'Egypte, les Romain d'Aquilonnie, Les Grecs/Argos, la Zingara deviendra l'Espagne, l'Aquilonie la France, la Némédie les Pays germaniques, Khitai la Chine et son mur avec les Tibétains/Hyrkaniens ... )
Enfin bref juste pour dire que ce n'est pas la période de la préhistoire Conan savait lire, penser et parler et ne faisait pas des son onomatopée avec sa bouche de "barbare" comme pourrais faire un homo-sapiens de la préhistoire...
Je vous pardonne parce qu'aujourd'hui la plupart des gens ont une idéologie très restreinte du véritable Conan de Robert E Howard car ils n'ont vu que les films ou les bd comics or dans votre articles vous parler de la littérature romans/nouvelles donc je me devait de rétablir la vérité sur l’œuvre original de Robert E Howard.
Sinon le monde Hyborien est l'un des 1er univers monde qui a était créé/imaginé voir même le 1er si on ne compte pas les univers des textes religieux. \\o/
J'ai en tout cas adoré "Sénéchal" de Grégory Da Rosa sorti l'année dernière, qui est une bonne introduction à ce que l'on fait de bien (voir vraiment bien) en fantaisie française ces derniers temps.
"N’oublions pas également que l’Anneau unique est inspiré de l’Anneau du Nibelungen"
Non. Le Nibelungenlied, ou plutôt son équivalent norrois (la Völsunga saga) a effectivement été une source d'inspiration littéraire pour Tolkien comme beaucoup de sagas nordiques, mais l'anneau en lui-même n'est pas du tout inspiré de l'anneau du Nibelung.
En revanche, tout le reste est très bon !
Vraiment bravo ! ^^ Il y a de la recherche, et merci d'étoffer ma pile à lire et de film à regarder
Néanmoins, en termes de recommandations, il y a moyen d'en ajouter tellement. Allez, allons-y et aidons tous les futurs lecteurs/joueurs/spectateurs qui passeront par ici.
En terme de jeux vidéo, je ne peux que recommander la saga Dragon Age qui offre un univers riche, des personnages des plus attachants et une histoire plus épique que toutes celles que j'ai connu (sauf celles que j'ai écrites bien sur ^^)
En terme de littérature, je ne peux que citer David Gemmel, David Eddings et pour les francophiles Pierre Grimbert qui nous offrent à chaque fois des personnages variés, hauts en couleur et des intrigues profondes.
Enfin, en termes cinématographiques et bien nous sommes bien mal servis car il est toujours difficile de retranscrire sur un écran les visions des mondes imaginaires. Néanmoins, en termes de bon films de fantasy, je vous recommanderai la Cité Interdite (avec Jackie Chan et Jet Li (oui oui, y'a pas que les visions européennes en fantasy)) inspiré de mythes chinois, les films d'animation Dragons 1 et 2 ou encore les Hellboy (notamment le 2e qui exploite à merveille tout l'univers fantasy celte)
Avec ça, vous en aurez pour des semaines de plaisir. Profitez bien
Très ami et souvent collaborateur avec neil gaiman , il s'est aussi battu pour la reconnaissance du genre et a produit un nombre impressionnant d'oeuvres toutes aussi magnifique et formidables a lire