Les propos d'Alexandre Astier au sujet de l'intelligence artificielle risquent de déplaire à bon nombre de lecteurs... Le créateur de l'emblématique série Kaamelott a récemment confié son opinion sur l'arrivée des algorithmes dans la conception littéraire des films et des séries. Lui qui n'a pas hésité à créer un robot pour l'aider dans l'écriture du second volet de l'adaptation cinématographique de son oeuvre burlesque sur le roi Arthur et les chevaliers de la Table ronde va aujourd'hui encore plus loin. On vous explique.
Un sujet brulant
Le sujet est brûlant. Actuellement impactée par un important mouvement social, l’industrie du cinéma et de la télévision américaine subit de plein fouet la grève de milliers de scénaristes. C'est la deuxième fois en quinze ans qu'Hollywood traverse une telle crise. Les protestations des auteurs sont en partie motivées par la crainte de se faire remplacer par des intelligences artificielles comme ChatGPT. Le site Above the line détaille notamment que plusieurs studios sont en train de "réfléchir à l'idée d'utiliser l'IA pour générer des scénarios basés sur des livres ou d'autres œuvres qui sont tombés dans le domaine public." On peut également lire que "quasiment tous les studios explorent cette possibilité", qui pourrait être "officiellement développée dans les mois ou années à venir". Des scripts générés par de l'intelligence artificielle qui seraient ensuite remaniés par de vrais scénaristes (humains).
Récemment interviewé par nos confrères du HuffPost, Alexandre Astier, auquel on doit Kaamelott, bien sûr, mais aussi Astérix - Le Secret de la Potion Magique, a expliqué son avis sur l’IA. À 48 ans, l'acteur, scénariste et réalisateur français a bien roulé sa bosse devant et derrière les caméras. Lui ne voit pas l'arrivée de cette technologie uniquement d'un mauvais oeil, soulignant ses avantages encyclopédiques :
Pour ce qui est de mon métier, je trouve pour commencer que l’IA dit beaucoup de bêtises. Si l’on parle de ChatGPT, il se contredit, avance des choses comme des vérités puis revient dessus une fois qu’on lui a expliqué que c’était faux. Il va vous répondre « Ah oui pardon, je me suis trompé » et se corriger. Mais si on le questionne quinze fois de suite, on peut arriver à quinze « pardon je me suis trompé ». Et c’est logique puisqu’il est nourri de choses vraies, mais aussi de fausses. Si c’était une vraie conversation, on arrêterait très vite de parler avec une personne comme ça. Pour le moment, ChatGPT a tout de même de grands talents, et notamment cette érudition fixe et figée. Il est relativement encyclopédique, pour peu qu’on n’aille pas chercher uniquement chez lui. Il est par exemple toujours moins bon que le dictionnaire de l’Académie française ou le Grevisse sur la grammaire.
Quant à la question de savoir l'intelligence artificielle est une menace pour les auteurs, Alexandre Astier considère que son arrivée dans le paysage de la création artistique doit nous servir à repenser ce qu'est un scénariste.
Je pense que c’est exactement ce qu’il nous fallait pour que l’on s’interroge sur ce qu’est un scénariste. Si l’on considère quec’est un mec ou un groupe de personnes réunies pour fournir ce qu’une chaîne ou une plateforme demande, alors oui, le scénariste est remplaçable. Mais si l’on se dit que c’est un auteur, avec une langue, un verbe, un style, une façon, un artisanat, et que l’on respecte chez cet auteur ses défauts, le fait qu’il écrive avec une déchirure, une souffrance, qu’il nous montre ce qu’il a dans le ventre, alors l’auteur devient résolument inimitable. D’ailleurs, si un producteur ou un studio conteste ces erreurs à un auteur, il faut avoir le courage de les garder : on ne risque rien si on fait son métier pleinement.
Le fruit d’un auteur, que ce soit un texte ou un script, doit tout contenir de ce qu’est l’auteur. Parce que la création, c’est un acte humain. Un auteur ne peut d’ailleurs même pas être corrigé par un autre auteur, qui ne saurait rien de la souffrance, de la déchirure, à l’origine de la création. Alors face à cette déferlante d’employeurs potentiels qui cherchent à fabriquer une offre, qu’est-ce qu’un auteur ? Qu’est-ce qu’un auteur qui fait partie d’un pool d’auteurs ? Qu’est-ce qu’un geste artistique ? L’IA nous oblige à nous poser ces questions.
Et vous, que pensez-vous des propos d'Alexandre Astier, pour qui l'IA et ChatGPT ne menacent pas fondamentalement la création artistique ?
Par Berlioz, il y a 4 jours :
je trouve son avis intéressant d'un côté puisqu'il nous oblige à affirmer la valeur de la sensibilité humaine
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