Le Seigneur des Anneaux : ce film absurde que vous ne verrez jamais

26 février 2024 à 11h55 dans Cinéma

Vingt ans avant Peter Jackson, un réalisateur s'est essayé à transposer la trilogie littéraire de J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, en un petit film. Un scénario complètement lunaire où se mêlent séquences sacrifiées, personnages importants aux abonnés absents et un ton humoristique pathétique qui tranche avec la dimension épique caractéristique du réalisateur néo-zélandais.

Gandalf et Gollum du Seigneur des Anneaux

Ce film Le Seigneur des Anneaux qui n'est (heureusement) jamais sorti

Le succès à a été immédiat lorsque Peter Jackson a adapté l'œuvre de J.R.R. Tolkien Le Seigneur des Anneaux, popularisant la trilogie littéraire et la faisant entrer au passage au Panthéon de la pop-culture. Pourtant, peu de gens savent que bien avant le réalisateur néo-zélandais, les romans de Tolkien étaient déjà dans le viseur d'un autre cinéaste.

En 1968, Tolkien, assez âgé, vendit à contrecœur les droits cinématographiques du Seigneur des Anneaux à United Artists. Deux ans plus tard, le réalisateur John Boorman, célèbre pour sa version d'Excalibur en 1981, a proposé une première adaptation en live-action. Mais United Artists a finalement rejeté sa proposition en raison des coûts de production trop coûteux. 

Le scénario est depuis disponible en ligne et régulièrement partagé sur les forums. L'occasion d'apprendre que Boorman comptait condenser l'immense trilogie tolkiennienne en un seul long-métrage. Et, bien évidemment, un tel choix allait entraîner le sacrifice de nombreux personnages et scènes importantes. 

Le Seigneur des anneaux frodon sam

LA COMMUNAUTÉ DE L'ANNEAU

Chez Boorman, toute la longue phase d'introduction des Hobbits et de la Comté est expédiée. Plus tard, Frodon rencontre Aragorn sur la route plutôt qu'au Poney Fringant, et lorsque les Nazgûl furent vaincus au Gué de Bruinen, leurs corps fondirent en une étrange matière noire avant de se combiner et se reformer plus tard pour devenir le Roi-Sorcier d'Angmar. Voilà qui dénature tout un pan de l'œuvre de Tolkien et le lore autour des anciens rois corrompus par Sauron.

De son côté, Arwen est devenue un enfant, et a opéré Frodon pour retirer un éclat de la lame Morgul de son bras. Comme pour La Comté, la partie relative à Fondcombe et le conseil d'Elrond qui donne lieu à la création de la Communauté de l'Anneau, est abrégé. L'un des premiers gros saccages de la mythologie tolkiennienne a lieu lors du passage du Col de Caradhras. Pas d'incantation de Saroumane ici et pas d'avalanche. Boorman choisit de lancer une meute de Wargs aux trousses de la Communauté. Pour s'échapper, tous boivent une boisson magique qui leur permet de survivre après avoir plongé dans l'eau glaciale. Leurs corps se retrouvent enfermés dans la glace pendant plusieurs mois avant de fondre au pied de la montagne. Lunaire.

Gandalf

LES DEUX TOURS ET LE RETOUR DU ROI

Mais la suite est encore plus étrange, notamment à partir de la seconde moitié du script de Boorman, qui semblait être en roue libre totale. Les Deux Tours et Le Retour du Roi ont été littéralement charcuté entraînant la coupe de scènes cultes. Merry et Pippin rencontrant les Ents, la bataille du Gouffre de Helm, la marche des Ents sur l'Isengard, les Rangers d'Ithilien capturant Frodon, Sam et Gollum, des scènes totalement absentes du script de Boorman. D'autre part, les pérégrinations des trois derniers ont été raccourcies. Gollum n'effectue pas autant de trajet avec les deux Hobbits, et quitte le groupe lors de la scène de la traversée du Marais des Morts.

La bataille des champs du Pelennor subit elle aussi plusieurs modifications. La séquence où Aragorn se fraye un chemin sous la montagne à travers le passage de Dimholt et rencontre l'Armée des Morts est supprimée, entraînant une grosse incohérence lorsqu'ils chargent sur les Orcs. À la destruction de l'Anneau, les serviteurs de Sauron acclamèrent Aragorn en tant que nouveau roi et s'intégrèrent aux sociétés du Gondor et du Rohan. Autres absurdités notables, le fait que les Orcs soient des créatures reptiliennes qui perdaient leur peau, que La Lothlórien était une oasis en plein désert plutôt qu'une immense région boisée, que Saroumane et la Bouche de Sauron soient le même personnage, et qu'il survécut à la fin de Guerre de l'Anneau.

Aragorn armée des morts

Bref, les exemples sont légion. À cela s'ajoute toute la dimension épique sacrifiée au profit de nombreuses séquences humoristiques sans intérêt voire insultantes envers le matériel source. Boorman piochera finalement dans ce script pour développer Excalibur en 1981, tandis que les droits du film seront finalement transférés à New Line Cinema près de 20 ans plus tard.

Enfant des nineties qui a grandit avec DBZ, Ocarina of Time et Malcolm, et depuis devenu expert en armes à feu sur Resident Evil. Voue un culte à James Bond et ses smokings.

Articles de Alix Odorico
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Commentaires (4)
A quel moment il s'est dit que ça allait passer surtout.
photo de profil de Godrick le clairvoyant Par Godrick le clairvoyant, il y a 9 mois Répondre
Bien sûr "Excalibur" est truffé de blagues, non mais comment jugé un film sur une ébauche de script. John Boorman est un réalisateur incroyable, ce film aurait pu être une pépite (à son époque évidemment).
photo de profil de Mr Gwily Par Mr Gwily, il y a 9 mois Répondre
"juger" à l'infinitif pardon
photo de profil de Mr Gwily Par Mr Gwily, il y a 9 mois (en réponse à Mr Gwily) Répondre
Comme Mr Gwily, faut arrêter de pourrir un script pas finalisé, surtout pour le comparer au matériel d'origine.
Si un projet est de condenser en un film de 2h, évidemment qu'il faut changer énormément de choses ! Ça serait essayer de tout mettre ou de rester fidèle à tout qui serait complètement stupide !
Boorman est un immense réalisateur, trop oublié d'ailleurs, et ce fan de Tolkien a simplement tenté et vraisemblablement échoué. Le film ne s'est alors pas fait tout simplement !
Et il n'y a strictement rien dans ce script qui rappelle Excalibur, c'est évidemment l'aspect technique envisagé que Boorman recycler et quand on voit le résultat, Excalibur est visuellement d'une beauté que n'atteint pas les remarquables réussites de Peter Jackson, déjà phagocyté par les CGI.
Et puis, chacun voit midi à sa porte, mais Excalibur est d'une richesse et profondeur bien plus fortes que le splendide divertissement de Peter Jackson.
Non, vraiment, quand on voit Zardoz (malheureusement plombé par son budget qu'on devine ridicule... Mais qui trouve encore la possibilité de séquences visuellement à tomber de beauté) et la richesse et profondeur du script, on ne peut pas baver comme ça sur un travail de Boorman.
Les scripts de Boorman, même dans ces films ratés (sauf peut-être In my country, pas loin du nanar) sont toujours très profond. Son mal-aimé Exorcist II est bien plus complexe et intelligent que le Friedkin mais a été plombetpar les studios voulant du manichéisme pour enfants (comme le Friedkin, très bien réalisé par ailleurs). Where's the Heart is est une comédie trop remplie mais décrit une réalité de son époque avec une acuité incroyable. Idem avec le cheap The Tiger's Tail, film visionnaire.
C'est aussi parfois le défaut de Boorman, il veut mettre trop dans ses films et ses grandes réussites sont les plus simples : Délivrance, La Forêt d'Émeraude, Hope and Glory.
Alors oui cette adaptation aurait certainement été ratée et donné un mauvais film par rapport aux moyens de l'époque mais ce n'est pas parce que le script est éloigné de l'œuvre original qu'il est forcément mauvais. Raté, sûrement puisque ça s'est arrêté là mais carne veut pas forcément dire mauvais ou ridicule.
photo de profil de An Par An, il y a 7 mois Répondre
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