Monsieur le Prof, l’enseignant le plus populaire de France
Ultra actif sur les réseaux sociaux et notamment sur son compte Facebook de 220 000 fans, Monsieur Le Prof raconte le quotidien d’un enseignant. Humour, piquant et satire sont au rendez-vous sur son blog et ses publications. Pour Hitek, il s’est confié sur l’éducation et son univers.
Comment un prof' en vient un jour à se dire "Tiens, je vais créer une page Facebook humoristique ?"
L'idée ne m'est pas venue en un jour, en fait ! J'ai d'abord écrit des articles sérieux pour Rue89, pour décrire l'envers du décor du métier de prof, puis, au fur et à mesure, des années, j'ai un peu perdu en sérieux et j'ai commencé à raconter mon quotidien en tweets humoristiques. Mais comme 140 caractères, c'était trop court, je me suis finalement mis à Facebook, où je raconte ma vie en long et en large, #NoLimit. Et le pire, je crois, c'est qu'il y en a qui lisent !
Quel serait, pour vous, la plus grande qualité de l'éducation française ? Le plus grand défaut ?
Personnellement, ce qui m'a été très utile et motivant, ce sont les bourses sur critères sociaux. Sans elle, je crois bien que je n'aurais pas été aussi loin dans mes études. Avoir une chambre en cité U et quelques centaines d'euros par mois, ça m'a permis de me mettre à fond dans mon travail, et d'obtenir ma licence et mon master sans trop de difficultés. Si j'avais dû travailler à côté (ce que j'ai fait, en master), ça aurait été, je pense, bien plus compliqué.
Le plus grand défaut, c'est à mes yeux les classes surchargées. Enseigner l'anglais, qui est censé être une langue vivante, à des classes de 28 élèves en collège ou 36 en lycée, ça me paraît vraiment aberrant. On nous dit sans arrêt qu'il faut mettre l'accent sur la participation orale en classe, mais comment faire avec des classes aussi pleines ? En collège, on passe hélas souvent plus de temps à faire la police, à passer dans les rangs pour calmer les élèves, qu'à les faire parler. Qu'on ne s'étonne pas du niveau en langues après.
A quelques jours de l'appel aux urnes, trouvez-vous que l'éducation ait une place assez importante dans les campagnes ? Et quel regard portent vos élèves sur la politique de manière générale ?
J'ai l'impression que dans cette campagne électoral plutôt aberrante, ce qui était au centre, c'était plus les affaires judiciaires des uns et des autres, et les attaques constantes entre candidats, que leurs programmes. Je n'ai pas beaucoup entendu parler éducation. Tout ce que je sais, c'est que pas mal de candidats veulent revenir sur la réforme du collège catastrophique, ce qui n'est pas pour me déplaire.
Quant à l'avis de mes élèves là-dessus, à part des tags pour les divers candidats sur les tables et murs, je n'en sais trop rien. Ce n'est absolument pas ma place de parler politique avec eux.
Alors que votre communauté croît et que certains de vos projets émergent à droite, à gauche, pensez-vous un jour quitter votre place d'enseignant pour vous consacrer à des projets externes ?
Mes projets d'écriture, c'est plus un hobby qu'autre chose. Je m'y consacre quand j'ai fini de corriger mes copies ou bosser mes cours, c'est secondaire pour moi. Je trouve ça marrant de raconter mes petites histoires de prof ou d'amour sur le net, d'autant plus que ça a l'air d'en intéresser quelques un, mais je n'ai pas pour objectif d'avoir un succès de ouf pour tout plaquer. Cette année, j'ai obtenu un poste dans un lycée qui me plaît, après 5 années passées à galérer à droite, à gauche, donc j'ai prévu de rester encore un moment derrière le bureau ! Après à long terme, forcément, comme dans tout métier j'imagine, on peut se demander "est-ce que je vais faire ça toute ma vie ?", mais pour l'instant, je n'y pense pas vraiment. J'espère que si un jour, je deviens un de ces profs aigri qui déteste son métier et ses élèves, j'aurai l'intelligence de me dire qu'il est temps de changer de voie...
Allez, j'imagine qu'on vous l'a déjà demandé mais : votre souvenir le plus marquant en tant qu'enseignant ?
Ce qui est cool avec ce métier, c'est qu'il nous met face à plein de situations intéressantes ou hallucinantes, et on a donc plein de choses à raconter. Ça va être dur de choisir. Allez, un souvenir qui peut montrer un peu les difficultés à être le prof qu'on aurait aimé avoir quand on était jeune.
Quand j'étais élève, je m'ennuyais terriblement en classe, je trouvais que ce qu'on nous racontait n'était ni intéressant, ni utile, et ça me gonflait d'avoir plein de devoirs à la maison, et de devoirs surprises. Du coup, lors de mon tout premier jour en tant que prof, je me souviens avoir fait un petit speech à mes élèves de troisième, pour expliquer qu'avec moi, on bosserait sur des trucs cools, que jamais je ne donnerai de devoirs du jour au lendemain ou que je ne ferai jamais de contrôle surprise parce que c'est idiot. Des sortes de promesses de campagne auxquelles je croyais vraiment ! Mais très vite, je suis revenu sur mes promesses, parce que 1) ce que MOI je trouvais cool, bah eux ils trouvaient ça chiant, l'écart générationnel est vraiment un truc de ouf. Genre je m'imaginais que Queen ou Radiohead ça leur parlerait, mais pas du tout. Ensuite 2) J'ai vite vu que les devoirs, c'était le seul moyen pour qu'ils ouvrent leur cahier chez eux et n'oublient pas tout du cours, et enfin 3) les contrôles surprises, j'aime pas ça, mais c'est pareil, avoir cette menace sous la main, c'est à la fois super utile et ça permet de pousser certains à bosser régulièrement.
Bref, j'ai très vite compris qu'il ne serait pas évident de devenir le prof idéal que je m'étais imaginé...
Et c'est la qu'on dit tous en coeur "Putain de 2000 de merde!" .
et de 2) Pour ma part je suis un 2000 et personnellement j'adore Queen ET Radiohead, donc mettre tout le monde dans le même sac c'est juste débile, pour rester poli avec des gens que l'on a envie de gifler, bonne continuation dans ta vie (espérant une évolution) bye ;)