Focus sur… Hayao Miyazaki : redécouvrez les chefs d'oeuvre du maitre incontesté de l'animation
Parce qu’il ne manque jamais d’occasion pour parler du Dieu de l’animation, Hayao Miyazaki, focus sur cet artiste exceptionnel qui a émerveillé mon enfance et mon adolescence. Si vraiment vous voulez une raison, bah dîtes-vous que cet article va de paire avec le cycle Hayao Miyazaki sur Chérie 25. Si vous trouvez que je suis en retard, veuillez relire la première phrase de cet article.
1- 1979 : Le Château de Cagliostro
Pour son premier long-métrage, Hayao Miyazaki choisit d’adapter le manga Lupin III de Monkey Punch. Lupin III, alias Edgar de la Cambriole, est le petit-fils d’Arsène Lupin, le cambrioleur gentleman imaginé par Maurice Leblanc. Dans ce second long-métrage le mettant en scène (le premier s’intitulait Edgar de la Cambriole : Le Secret de Mamo), Edgar cherche à sauver la princesse Clarisse du comte Cagliostro. Des faux-monnayeurs, un trésor légendaire perdu, de l’humour, voilà le cocktail réservé par Miyazaki pour son premier film. Premier film, OK. Mais certainement pas sa première aventure dans le monde de l’animation. Le monsieur avait déjà réalisé des épisodes des séries Conan le Fils du Futur, Lupin III, Sherlock Homes, Heidi, ainsi que Horus, prince du soleil et Panda Petit Panda de Isao Takahata. Ces expériences accumulées ont permis à Miyazaki d’acquérir un très haut niveau pour son premier long-métrage. Un film brillant, qui a gagné de nombreuses récompenses.
2- 1984 : Nausicaä de la Vallée du Vent
Dès son second film, Hayao Miyazaki met la barre extrêmement haute. En adaptant son manga éponyme, publié dès 1982, il signe l’un des meilleurs films de SF (cinéma d’animation et cinéma en prises réelles confondus !). Dans un monde post-apocalyptique, une forêt toxique peuplée d’insectes géants et dangereux se répand sur toute la terre, menaçant les peuples humains. Mais l’inexorabilité de la destruction définitive de l’humanité ne décourage en rien les peuples humains à se faire la guerre. La Vallée du Vent, abritée tant bien que mal des vapeurs toxiques de la forêt grâce aux vents marins, et des guerres, par l’idéal pacifiste de son roi, est un havre de paix pour ses habitants. Mais quand des soldats de l’Empire Tolmèque envahissent la Vallée, tuent le vieux Roi Jill, et enlèvent la Princesse Nausicaä, la Vallée du Vent connaîtra des heures sombres. Hayao Miyazaki met en place dans son second long-métrage ce style qui deviendra le sien : des dessins beaux à en pleurer, une histoire extrêmement poétique, une moralité écologique et pacifique. Si le film est plus "lumineux" que le manga, il n’en reste pas moins beau. Nausicaä est à n’en pas douter l’un des chefs d’oeuvre de son auteur, ce qui signifie l’un des meilleurs films d’animation du monde. C’est également avec ce film que commence la longue collaboration entre Hayao Miyazaki et Joe Hisaishi, qui deviendra son compositeur attitré. Hisaishi signe ici un Poème symphonique magnifique !
3- 1986 : Le Château dans le ciel
Suite au succès de Nausicaä de la Vallée du Vent, Hayao Miyazaki et Isao Takahata sont convaincus d’une chose : s’ils veulent continuer à percer dans le monde de l’animation, ils devront créer un studio, afin de faire les films qu’ils désirent faire. C’est ainsi qu’est né le mythique studio Ghibli. Le premier film du studio sera Le Château dans le ciel de Miyazaki. Un autre chef d’oeuvre intemporel, tel seul Miyazaki sait les faire. Comme il l’avait déjà montrer dans Le Château de Cagliostro, Miyazaki est un fin lecteur. Mais il ne se contente pas d’adaptations. Il préfère mille fois créer une histoire qui s’articule autour d’un monde. Aussi Le Château ambulant n’est en rien une adaptation des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift. Mais plutôt une histoire plus riche encore que le livre original. Dans ce troisième long-métrage, Miyazaki, en conteur hors-pair, raconte les aventures de Pazu, jeune enfant mineur, qui sauve Sheeta, princesse d’une légendaire cité céleste. Mais sont lancés à leurs trousses des pirates de l’air et des militaires, prêts à tout pour obtenir une pierre que porte la Princesse en collier. Outre le fait que Le Château dans le ciel est l’un des plus gros succès de Miyazaki, il est bien sûr nécessaire de le voir dès maintenant, si ce n’est pas déjà fait. Si comme moi, vous connaissez la chanson Kimi wo Nosete d’Azumi Inoue, alors ça va.
4- 1988 : Mon voisin Totoro
Quatrième film de Miyazaki, second film du studio Ghibli, Mon voisin Totoro est l’un des films les plus populaires au Japon comme dans le reste du monde. Sous des aspects enfantins (deux jeunes filles imaginent des créatures, les Totoro, et vivent des aventures incroyables !), le film aborde des questions pourtant très adultes. Plus qu’un simple hommage à l’enfance, Hayao Miyazaki parle du mal-être d’un enfant quand sa mère est malade. Peut-être pourrions-nous également voir Mon voisin Totoro comme étant le premier film de Miyazaki parlant de lui. En effet, comme la mère de Satsuki et de Mei, celle de Miyazaki était très malade. Mon voisin Totoro est avant tout un film culte dans la pure tradition Miyazakienne : des dessins magnifiques, une poésie incroyable, des rires, des larmes. Rien d’étonnant à ce que le studio s’en soit servit comme étendard.
5- 1989 : Kiki la petite sorcière
Après son premier film pour enfants, Miyazaki récidive avec Kiki la petite sorcière. Si Totoro était tourné vers l’enfance, Kiki, adapté du chef d’oeuvre d’Eiko Kadono, est tourné vers l’adolescence. On y suit les aventures de Kiki, jeune sorcière qui doit faire un long voyage d’apprentissage, et de son chat Jiji. Des dessins toujours aussi magnifiques, avec toujours autant de poésie. Un film à voir et à revoir qui doit faire rougir de honte les nouveaux animateurs de chez Disney ! Si certaines personnes considèrent que Kiki est un film mineur dans la filmographie de Miyazaki, il n’en est rien : non seulement certaines des plus grandes obsessions de Miyazaki (personnage féminin puissant, passion pour les objets volants, passion pour l’artisanat), mais en plus tous les codes de son cinéma restent sublimés par la force artistique de ce génie du cinéma.
6- 1992 : Porco Rosso
Il me semble que c’est à partir de Porco Rosso que le cinéma de Miyazaki va amorcer un changement à la fois thématique, artistique et moral : tout d’abord, avec les aventures de ce pilote-chasseur de prime, transformé en cochon, va se dessiner une thématique Miyazakienne qui va demeurer jusqu’à Ponyo sur la falaise (quoiqu’en un sens, l’on peut inclure Le Vent se lève, mais nous en parlerons en temps venu) : celle de l’hybridité. S’il est vrai que Jiji, le chat de Kiki, annonçait déjà cette transformation, c’est avant tout dans Porco Rosso que cette thématique sera véritablement mise en avant. Car si elle n’est pas le thème principal du film, elle en est le prétexte. Prenez les esprits-animaux dans Princesse Mononoké, les parents de Chihiro transformés en cochon, les multiples transformations dans Le Château ambulant (Calcifer, Navet, la Sorcière des Landes, les cheveux de Hauru, et bien sûr Sophie), Ponyo transformée en enfant humain. Du reste, Porco Rosso est un film sublime, poétique, magistral, où tout l’humour et tout l’art de Miyazaki gravissent des sommets ! Autre coïncidence dans Porco Rosso, c’est sa place dans la filmographie de Miyazaki. Sixième film sur onze. La moitié. Intéressant… puisque Porco Rosso et Le Vent se lève parlent tous deux des avions…
7- 1997 : Princesse Mononoké
Avec Princesse Mononoké, Hayao Miyazaki signe l’un de ses plus gros chefs d’oeuvre. C’est avec les aventures de San et d’Ashitaka que le réalisateur japonais a conquis le monde de l’animation. Dans ce premier film distribué par Walt Disney Studios, Miyazaki rend un hommage flamboyant à La Forteresse cachée d’Akira Kurosawa. Poétique et violent, Miyazaki signe ici un film majestueux qui a changé à jamais l’animation ! Ce film à la morale pacifiste et écologique montre que l’animation ne doit pas prendre les enfants pour des cons. On aurait du mal à mesurer l’impact de Princesse Mononoké tant tout ce qui est sorti en matière d’animation japonaise après 1997 semble s’en inspirer, d’une manière ou d’une autre. À noter que ce film s’inspire également d’un manga éponyme de Miyazaki, sorti en 1993, mais encore inédit en France. Fort heureusement, le site Buta-Connection (site non-officiel du studio Ghibli, mais incroyablement riche !) a traduit ce manga, et le propose en scan.
8- 2001 : Le Voyage de Chihiro
Le Voyage de Chihiro est assurément le plus beau film de Miyazaki. S’inspirant de Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll, il va plus loin que jamais dans son univers. Le voyage de la jeune Chihiro dans le monde des esprits est un concentré de surprises poétiques. Non seulement ce film sera le second film à gagner l’Oscar du Meilleur film d’animation, mais il est en plus le seul film japonais d’animation à avoir gagné la récompense (bien que cela me semble inexplicable, tant le cinéma d’animation japonaise est extrêmement riche !). Le Voyage de Chihiro a par ailleurs gagné de nombreuses autres récompenses, comme l’Ours d’or de Berlin. Ce n’est pas un simple détail : cela signifie que pour la première fois dans l’histoire, un film d’animation est pris au sérieux. Sans Le Voyage de Chihiro, le cinéma d’animation n’aurait pas le même visage aujourd’hui.
9- 2004 : Le Château ambulant
Cette adaptation du Château de Hurle de Diana Wynne Jones est l’un des films les plus populaires du studio Ghibli. Avec ses plus de 14 millions de places vendues au Japon, Le Château ambulant est un franc succès ! Pourtant, certaines personnes l’ont moins apprécié que d’autres films de Miyazaki. C’est injuste, tant ce film est prodigieux ! Enchanteur, drôle et poétique, Le Voyage ambulant est un film qui supplante l’oeuvre originale dont il s’inspire. Joe Hisaishi signe l’une de ses plus belles partitions, les dessins sont magnifiques et l’histoire : magique. Miyazaki parvient à trouver le ton juste pour parler à tous les enfants du monde, notamment ceux dont parlait Saint-Exupéry dans sa préface au Petit Prince : les grandes personnes qui ont été enfant un jour, et qui s’en souviennent.
10- 2008 : Ponyo sur la falaise
Après avoir revisité à sa sauce Les Mondes de Gulliver, Kiki la petite sorcière, Alice au Pays des MerveillesLe Château de Hurle, Miyazaki explore La Petite sirène d’Andersen dans Ponyo sur la falaise. Dans ce troisième film ouvertement destiné aux enfants, Miyazaki continue à distiller sa plus grande préoccupation : l’écologie. D’ailleurs, plutôt que de créer un méchant, Miyazaki invente un sorcier particulièrement préoccupé par l’état de la Mer. Un film magnifique !
11- 2013 : Le Vent se lève
En 2013, Hayao Miyazaki annonce que Le Vent se lève sera son dernier film. S’il est vrai que Miyazaki-sensei a annoncé sa retraite à chaque film depuis Princesse Mononoké, il semblerait que cette fois, ce soit à ne pas prendre à la légère. Pour son ultime film, Miyazaki offre (à mon sens) son plus beau film. J’entends déjà protester, mais je vais m’expliquer. On a reproché à Miyazaki un film trop réaliste : à cela, j’ai deux choses à répondre. Mon voisin Totoro, Porco Rosso, le Château de Cagliostro : ces trois films étaient également réalistes, en vérité. D’autant que (et c’est mon deuxième point) Le Vent se lève contenait de nombreux passages oniriques typiquement miyazakiens. Pourquoi est-ce que j’aime autant ce film ? Parce que jamais avant Miyazaki n’avait donné un tel concentré de son art. Son dessin n’avait jamais été aussi beau (il a tout de même réussi à dessiner de façon magistrale le vent !), et ses passions sont poussées dans leur forme paroxystique ! La passion de Miyazaki pour les objets volants est ici l’objet de ce film sur les avions. Enfin, ce film qui m’a ému aux larmes, est à la fois une réflexion sur la création artistique (l’obsession de Jiro pour la création d’avions rappelle celle de Hayao pour le dessin), mais également un retour autobiographique. Comme Naoko, la mère de Miyazaki était atteinte de la tuberculose. Quant à son père, il travaillait pour Jiro, le personnage principal du film. Enfin, Miyazaki ferme la boucle avec Le Vent se lève. Dans ce film sur le vent et les avions, il remonte aux origines du studio Ghibli, qui porte le nom à la fois d’un avion inventé par Caproni (qu’on voit à de nombreuses reprises dans le film), mais également à un vent du Moyen-Orient. Pour clore ce commentaire sur ce film magistral, oui, Le Vent se lève est un film hybride (ce thème devenu leitmotiv de l’oeuvre de Miyazaki depuis Porco Rosso) : un film pacifique sur la guerre, biographique et autobiographique, centré sur l’Histoire du Japon, mais également tourné vers l’extérieur, réaliste et onirique. Le dernier envol de Miyazaki est un coup de maître !
Mais il le fallait bien pour sont dernier film d'animation.
Tu lui a surtout fait un magnifique hommage.