Marvel : ce documentaire sur Stan Lee provoque la colère des scénaristes
Certaines blessures ont beaucoup de mal à disparaître, et il faut parfois prendre les armes pour qu'elles guérissent. C'est le combat qu'ont choisit de mener les scénaristes et auteurs de comics américains. Leur cible actuelle : Marvel Studios, dont la sortie d'un documentaire dédié à Stan Lee ravive leur colère.
Marvel : Stan Lee n'était pas un héros ?
Cette semaine sortait sur Disney+ un documentaire consacré à la figure de proue de Marvel Comics : Stan Lee. Le film revient dans les détails sur celui qu'on appelle facilement le père fondateur de l'entreprise, et sa carrière au sein de cette mythique écurie de super-héros. En plus d'une heure de film, David Gelb et son équipe ont souhaité raconter qui il était et comment ce scénariste et éditeur a fait de Marvel cette immense machine culturelle. Via des images d'archives, des interviews et des séquences inédites, Stan Lee était la sortie Marvel à ne pas rater ce mois de juin. Bien évidement, le documentaire n'a pas souhaité salir la mémoire de l'homme. Mais un point précis a fait sérieusement grincer des dents un grand nombre d'auteurs de comics américains.
Le documentaire revient sur tous les héros nés de l'imaginaire de Stan Lee, ayant permis de forger sa légende au fil du temps, le faisant apparaître dans de très nombreux caméo. Pourtant, il n'a pas été seul dans cette aventure. C'est ce qu'à tenu à rappeler Neal Kirby, fils de Jack Kirby et co-auteur avec Stan Lee dans une lettre ouverte à charge diffusée sur Twitter via le compte de sa fille Jillian Kirby. Il tient à rappeler à quel point Stan Lee (et surtout Marvel) ont invisibilisé un grand nombre d'auteurs, dont Jack. Auteurs que le documentaire semble lui aussi oublier. Neal explique que Stan Lee a eu la chance - grâce à ses caméos notamment - de pouvoir se forger son propre mythe quant à la création des personnages :
My father Neal Kirby (Jack Kirby’s son) has asked me to post this written statement in response to the Stan Lee documentary released yesterday on Disney+. pic.twitter.com/V4be2xyEJg
— Jillian Kirby (Granddaughter of Jack Kirby) (@Kirby4Heroes) June 17, 2023
Je comprends que, comme c'est un documentaire à propos de Stan Lee, l'histoire soit racontée avec sa voix. Littéralement. Ce n'est pas un secret qu'il y a toujours eu des controverses au sujet du rôle de chacun dans la création et le succès des personnages Marvel. Stan Lee a eu la chance d'avoir accès à un mégaphone et aux médias de l'entreprise. Et il les a utilisés pour créer son propre mythe fondateur quant à la création du panthéon des personnages Marvel. [...] Au travers de ses caméos notamment, il a pu pratiquer une forme d'autopromotion qui a consolidé son statut de créateur de tout ce qui a trait à Marvel auprès d'une audience qui n'est pas familière avec la véritable histoire des bandes dessinées Marvel.
#ComicsBrokeMe : la colère des auteurs Marvel gronde
Et la famille Kirby n'est pas la première à faire entendre sa voix contre Marvel. Le 8 juin, Ian McGinty (Adventure Time, Rick & Morty, Welcome to Showside, Glint) nous quittait à l'âge de 38 ans. Sa mort, si jeune, a profondément choqué la profession, mettant en avant les conditions de travail déplorables et les salaires misérables des auteurs de bandes-dessinées américaines. Utilisant le mot-dièse #ComicsBrokeMe (la BD m'a brisé), les témoignages se multiplient sur la profession et l'exploitation par les grandes industries, dont Marvel. Les auteurs révèlent leurs salaires, les clauses de contrats parfois absurdes, les "récompenses" promises par les entreprises et, bien sûr, l'invisibilisation du métier. La sortie du documentaire sur Stan Lee sorti récemment ne fait ainsi que jeter de l'huile sur un feu déjà très bien alimenté. Pour décrire l'industrie, Laura McGinty, mère de Ian, utilise l'expression "Hachoir à viande", que beaucoup d'auteurs trouvent appropriée.
L'hasgtag #ComicsBrokeMe est horrible... Un désastre tous ces témoignages. J'ai envie de croire qu'en France on est mieux lotis avec l'industrie de la BD et que c'est différent mais, est-ce vraiment moins désastreux ?
— Marufu (@Marufu_san) June 11, 2023
Parmi les témoignages en colère, on peut citer David Lasky, expliquant que même après avoir remporté un Eisner Award (l'une des plus prestigieuses récompenses de la BD américaine), il était tellement fauché qu'il est retourné travailler en boulangerie. Marvel est bien évidement au centre du problème. Des auteurs ont notamment expliqué que la plus grande reconnaissance que leur offrait l'éditeur, était de pouvoir faire un caméo si leur personnage sortait au cinéma dans le MCU. Le système actuel de contrats avec Marvel n'accorde de paiements supplémentaires qu'aux créateurs crédités par Marvel Studios. Et ce gain est bien inférieur aux millions générés par les films... L'écrivain Ed Bribaker, dont les BD Captain America ont inspiré Le Soldat de l'Hiver a révélé qu'il avait été mieux payé en royalties pour le jeu adapté du film que pour le film lui-même.