Ghibli : cette théorie effrayante bouleverse notre vision de Mon Voisin Totoro
Alors qu'il y a quelques mois, nous vous avions révélé le secret qui se cachait derrière la mystérieuse fillette de l'affiche qui n'était pas présente dans le film d'animation Mon voisin Totoro, une ancienne théorie concernant la mascotte emblématique des studios Ghibli a récemment refait surface, attribuant à Totoro et à l'histoire une dimension bien plus sombre qu'il n'y paraît.
un classique sous un autre angle
Mon voisin Totoro est un film d'animation japonais réalisé par le célèbre Hayao Miyazaki et produit par le studio Ghibli, sorti au Japon en 1988. Mais il faudra attendre une dizaine d'années pour que le film arrive dans nos salles de cinéma et qu'il rencontre son public français, conquérant alors petits et grands.
Au fur et à mesure que le film se répandait aux quatre coins du globe, son succès grandissant lui permit de devenir une véritable référence en terme de film d'animation, faisant de l'œuvre un classique reconnu de tous et considéré comme étant l'un des meilleurs films d'animation de tous les temps. Et forcément, avec une telle notoriété, nombreux sont celles et ceux qui ont voulu comprendre l'œuvre de Miyazaki dans ces moindres détails, arrivant parfois à des conclusions assez déroutantes.
C'est notamment le cas de "fellowof", un internaute qui rapportait une théorie selon laquelle le personnage de Totoro serait en réalité un Dieu de la Mort. Dans le folklore japonais, les personnes pouvant voir les esprits est signe de mauvais présage, signifiant qu'elles sont sur le point de mourir bientôt. Cela implique donc que les personnes pouvant voir Totoro sont en fait proches de la mort, voire déjà mortes. Selon lui, la vraie histoire est alors bien plus sombre, car lorsque Mei est portée disparue et qu'une sandale est trouvée près de l'étang, l'hypothèse veut que ce soit en réalité Mei qui s'est noyée.
Ainsi, lorsque Satsuki est interrogée sur la sandale, celle-ci ne pouvant affronter la réalité en vient à mentir en disant que ce n'est pas la sandale de Mei. Satsuki se lance alors dans une recherche désespérée de sa sœur, appelant ainsi Totoro et ouvrant elle-même la porte du royaume des morts. Avec l'aide de Totoro, Satsuki retrouve sa sœur décédée, et se rendent ensemble à l'hôpital de leur mère. Là-bas, la seule personne à avoir remarqué la présence des deux sœurs est la mère, qui se trouve elle aussi proche de la mort. Le fait que Satsuki soit partie retrouver Totoro serait alors une métaphore de son suicide. De plus certains ont relevé que dans la scène finale, Satsuki et Mei n'ont pas d'ombres, justifiant ainsi le fait qu'elles ne fassent plus partie du monde des vivants.
une référence à une triste affaire ?
Cette théorie ne s'arrête pas là. Il existe une célèbre affaire de meurtre au Japon, appelée "l'incident de Sayama" (le film Mon voisin Totoro se déroulant dans les collines de Sayama), dans laquelle deux sœurs ont été retrouvées mortes en 1963. L'histoire raconte même que suite au meurtre de l'une des sœurs, l'autre aurait vu une apparition de chat avant de se suicider. Pour ce dernier point cependant, il s'agirait plutôt d'une légende urbaine, qui a probablement été rattachée à la rumeur selon laquelle Totoro est un Dieu de la Mort et ce afin de la rendre plus crédible. D'autres pourtant affirment avoir vu un des arrêts du chat-bus du film d'animation sur lequel on pouvait y lire "path to the grave", qui signifie "chemin vers la tombe".
Un des autres éléments qui soutient le lien entre le film d'animation et l'incident de Sayama est que ce dernier s'est produit au mois de mai, et que dans Mon voisin Totoro, les prénoms des deux sœurs font directement référence au mois de mai : Satsuki signifie "mai" en japonais, et Mei est la prononciation japonaise de "mai".
Ensuite, il existe également en japonais le "blues de mai" (äºæç ou gogatsubyou), qui touche généralement les nouveaux étudiants et les nouveaux employés, car l'année "scolaire" ainsi que la reprise du travail commencent en avril, correspondant à la fin des vacances de printemps au Japon. Ce type de dépression se retrouve notamment chez les individus ayant du mal à s'adapter à un nouvel environnement. Dans Mon voisin Totoro, la famille a déménagé dans une nouvelle région. Cela peut alors être interprété comme une référence plus générale à la dépression.
une interprétation dramatique réfutée
La théorie du Dieu de la Mort de Totoro n'est pas nouvelle, mais c'est une théorie qui ne s'éteindra pas de si tôt. Comme elle continue d'attirer l'attention et de susciter des débats en ligne, le site Byoukan Sunday a fait remarquer que le studio Ghibli a déjà réfuté ces théories il y plusieurs années maintenant. Il avait déclaré à l'époque :
Tout le monde, ne vous inquiétez pas. Il n'y a absolument aucune vérité ou configuration selon laquelle Totoro est un Dieu de la mort ou que Mei est morte dans Mon voisin Totoro.
Poursuivant, le studio Ghibli a aussi abordé la question concernant l'absence d'ombre entourant à la fois Satsuki et Mei dans la fin du film. En effet, selon eux, les personnes en charge de l'animation du film avaient décidé que les ombres n'étaient pas nécessaires dans cette scène. Et d'ajouter : "nous ne voulons vraiment pas que les gens croient cette rumeur".
Pour autant, même si les créateurs de l'œuvre ont démenti ces théories, cette nouvelle lecture donne une nouvelle dimension certes plus sombre et tragique, mais tout aussi intéressante que l'originale. Elle permet également de mettre en lumière une affaire judiciaire trouble du Japon d'après-guerre, en faisant un hommage à cette affaire devenue le symbole de la discrimation des burakumin (un groupe social minoritaire japonais, descendants de la classe des parias de l'époque féodale, discriminé socialement et économiquement pendant des siècles) au Japon. Un thème lourd que les studios Ghibli n'ont peut-être pas envie de voir associé à leur film d'animation.
Cette théorie rejetée pose alors la question de la maitrise d'une œuvre par son auteur et aussi de son interprétation par le public. Car dès lors qu'une œuvre est soumise à un public, qui pourra alors l'interpréter et se l'approprier, elle échappe à son créateur pour devenir quelque chose de plus grand, pouvant alors amener à des discussions sur les différentes interprétations d'une même œuvre, et permettant ainsi d'offrir une diversité dans la réflexion.
Dans une certaine mesure, limiter le sens d'une œuvre à la seule interprétation de son auteur revient donc à réduire son sens et son prolongement, et par conséquent son public. Toutefois, il ne faut pas confondre compréhension et interprétation, en négligeant la première au profit de la seconde. Ces deux critères sont bien complémentaires, et non pas substituables.