Dossier : ces chefs d’oeuvre de la musique classique souvent utilisés dans les films
Qui a dit que la musique classique était vieillotte, poussiéreuse, dépassée ? Si elle est aujourd’hui de moins en moins écoutée, le fait est qu’elle continue à faire partie de notre patrimoine commun, et à sublimer quelques-uns des plus grands films du cinéma. Mélomane et cinéphile, j’ai sélectionné pour vous dix de mes morceaux de musique classique préférés, que vous avez souvent entendus dans des films.
La Pie Voleuse – Rossini
L’ouverture de La Pie voleuse de Rossini fait partie des morceaux les plus célèbres de la musique classique. Cette ouverture est si célèbre qu’elle a complètement occulté l’opéra dont elle est tirée. La Pie voleuse (La Gazza Ladra en italien) ne raconte pas les aventures d’un oiseau kleptomane, mais l’histoire de Ninetta, servante promise à Giannetto, le fils de son maître. Mais ses réjouissances tourneront court quand elle sera accusée du vol d’une cuillère. L’Ouverture de La Pie voleuse a souvent été utilisée au cinéma comme à la télévision. Ce qui est intéressant, d’ailleurs, c’est que les réalisateurs qui l’utilisent le font souvent de manière thématique. Ainsi, le grand Stanley Kubrick l’a-t-il utilisée dans Orange Mécanique, lorsque le jeune Alex DeLarge, masqué, pénètre chez une riche collectionneuse d’oeuvres artistiques érotiques, et finit par l’assommer avec une statue de phallus géant. Cette musique, à la tonalité plutôt joyeuse, est ici utilisée pour illustrer un crime, faisant un parallèle intéressant avec le titre de l’oeuvre (La Pie voleuse). Cette ouverture est également utilisée dans la série de la BBC Sherlock, quand Moriarty vole les bijoux de la couronne. On peut également la voir mentionnée dans Les Bijoux de la Castafiore, l’une des plus célèbres aventures de Tintin.
Symphonie No. 7 – Beethoven
Si certains lui préfèrent la Symphonie No. 9, la Symphonie No. 7 est très certainement ma préférée de Beethoven. Non seulement pour sa mélodie absolument sublime (son deuxième mouvement n’est pas aussi célèbre pour rien!), mais aussi pour tous ces souvenirs de cinéma qu’elle évoque pour moi. Utilisée dès 1934 avec l’adaptation d’une des meilleures nouvelles d’Edgar Allan Poe, Le Chat noir d’Edgar G. Ulmer, elle a connu un regain d’intérêt dans les années 2000, avec pas moins de trente-six utilisations au cinéma et à la télévision, parmi lesquelles La marche de l’empereur de Luc Jacquet, A bord du Darjeeling Limited de Wes Anderson, Le Discours d’un roi de Tom Hooper et l’épisode 7 de la saison 2 de Westworld. Mais je garde surtout le souvenir de son utilisation dans le chef d’oeuvre du réalisateur japonais Sion Sono, Love Exposure.
La Chevauchée des Walkyries – Wagner
La Chevauchée des Walkyries est le prélude de l’acte III des Walkyries, un opéra de Wagner. Féru de mythologie nordique (je vous renvoie à L’Anneau du Nibelung), Wagner a signé là un des morceaux les plus célèbres et les plus grandioses de la musique classique. Si elle fut fréquemment utilisée à des fins propagandistes par le régime hitlérien, cela n’a pas, fort heureusement, découragé quelques-uns de nos plus grands réalisateurs d’utiliser ce célèbre thème. À l’instar de La Pie voleuse de Rossini, La Chevauchée des Walkyries est souvent utilisée de manière thématique. Ainsi l’entend-on lors de la tempête dans Ponyo sur la falaise de Hayao Miyazaki. Son aspect menaçant est également utilisée dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, lorsque les hélicoptères américains attaquent des positions ennemies. En clin d’oeil à ce film, Zack Snyder a également placé La Chevauchée des Walkyries lors de l’attaque du Dr Manhattan et du Comédien au Vietnam dans Watchmen, l’adaptation du chef d’oeuvre d’Alan Moore. Avant de passer à la musique suivante, je ne peux résister à l’envie de partager avec vous cette célèbre citation de l’humoriste Woody Allen, qui disait, pour se moquer de ceux qui font l’amalgame entre Wagner et le régime nazi : « Quand j’écoute du Wagner, ça me donne envie d’envahir la Pologne. »
Toccata et fugue en ré mineur – Bach
Bien qu’il soit moins connu que ses compatriotes Beethoven et Mozart, Bach n’en demeure pas moins exceptionnel. Bon nombre de ses compositions sont des chefs d’oeuvre, tels que Le Clavier bien tempéré, La Passion de Saint Matthieu ou encore le prodigieux motet Jesu, meine Freude (utilisé de manière itérative dans l’excellent spectacle d’Alexandre Astier, Que ma joie demeure). Mais si on me demandait son morceau le plus connu et le plus utilisé, je dirais sans aucun doute la Toccata et fugue en ré mineur de Bach. Déjà utilisée en 1934 dans l’adaptation du Chat Noir précédemment citée, elle sert également d’ouverture à Fantasia, le chef d’oeuvre et OVNI de Walt Disney (suite philosophique et musicale de ses Silly Symphonies), dans une version pour orchestre dirigée par Leopold Stokowski. Les fans de Fellini et de cinéma italien ont pu l’écouter dans La Dolce Vita en 1960, dans Le Parrain de Francis Ford Coppola et Aviator de Martin Scorsese. Même les géniaux Monthy Python, ces pontes de l’humour anglais, l’ont utilisée dans Le Sens de la vie, lors du match de rugby. Vous aurez également remarqué qu’elle sert d’introduction à Il était une fois… l’Homme. Les plus attentifs auront d’ailleurs remarqué que Hans Zimmer s’en était inspiré pour le thème du Kraken, en reprenant la première mesure de la Toccata. Plus drôle encore, on retrouve la Toccata dans l’anime Naruto pour le thème d’Orochimaru, à 0:37 de la vidéo ci-dessous.
Une petite musique de nuit – Mozart
On continue avec Une petite musique de nuit de Mozart, l’un des plus célèbres morceaux du compositeur le plus prestigieux de l’Histoire. Très souvent utilisée au cinéma, dans des genres très différents, vous avez pu l’entendre dans Mary à tout prix, la célèbre comédie potache avec Cameron Diaz ou dans Ace Ventura Detective, la comédie avec Jim Carrey. Les fans de Ridley Scott et d’Alien, le huitième passager se souviendront également de cette musique magnifique, qui donne raison au dramaturge Sacha Guitry : "Ô privilège du génie ! Lorsqu’on vient d’entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui" (Toutes réflexions faites).
Sarabande – Haendel
La Sarabande de Haendel fait partie des plus beaux morceaux de la musique classique. Quatrième morceau du deuxième volume de son recueil Suites de pièces pour le clavecin, La Sarabande est à Haendel ce que My favorite Things est au jazzman John Coltrane ou ce que Desolation Row est à Bob Dylan : son plus grand chef d’oeuvre. Cela explique sans aucun doute le fait qu’elle ait été si souvent utilisée au cinéma. Ainsi les fans de Stanley Kubrick l’ont-il entendue dans Barry Lyndon. Vous l’avez peut-être également entendu dans le film (assez choquant) Antichrist de Lars von Trier (le réalisateur danois de Breaking the Waves et Nymphomaniac). Ce morceau évoque surtout pour moi Nausicaa de la vallée du vent de Hayao Miyazaki, puisque le grand compositeur Joe Hisaishi (grand amateur de musique classique, puisqu’il a dirigé des orchestres sur des symphonies de Beethoven) a incrusté La Sarabande dans le morceau Requiem – Nausicaä, dans une sublime version pour cordes.
Ballade No 1 – Chopin
J’adore cette ballade de Chopin. Si les Ballades ne sont pas mes morceaux préférés de Chopin (je leur préfère ses Polonaises et ses Nocturnes), leur côté onirique force le respect. Le grand ami de Franz Liszt (le compositeur des Années de pèlerinage) et l’amant de George Sand reste à ce jour un des plus grands pianistes de l’Histoire. Si j’ai choisi cette ballade de Chopin, c’est pour son utilisation dans Le Pianiste de Roman Polanski, pour une des plus belles scènes du film (quand Szpilman joue devant l’officier Hosenfeld). Eh oui, Chopin a le pouvoir de guérir les coeurs et de faire surgir de la lumière là où il n’y a que la nuit. On comprend pourquoi le cultissime groupe de rap français Suprême NTM a samplé un de ses Préludes (le numéro 4) pour That’s My People (un des plus grands morceaux de rap français).
Symphonie inachevée – Schubert
La Symphonie No. 8 de Schubert, plus communément appelée Symphonie inachevée, est paradoxalement, à mes yeux, l’une des plus belles compositions de Schubert, un compositeur dont la musique m’émeut depuis que j’ai entendu pour la première fois Le Voyage d’Hiver. Quand j’écoute ses compositions, je n’arrive à m’enlever de l’esprit son destin tragique : mort à 31 ans, son génie (pourtant évident) n’a pas été reconnu de son vivant. Seul le compositeur Schumann (à qui l’on doit Les scènes de la forêt, pièces romantiques permettant d’infiltrer la folie de son compositeur) comprendra la subtilité de Schubert. La Symphonie inachevée est utilisée plusieurs fois dans Minority Report de Steven Spielberg, adaptée d’une œuvre de Philip K. Dick. On peut se demander pourquoi La Symphonie inachevée de Schubert est ainsi utilisée dans le film de Spielberg. On sait que John Williams est un féru de musique classique, lui s’inspirait du rapport de Prokofiev (Pierre et le Loup) avec les thèmes pour composer la bande-originale de Star Wars. On sait aussi que d’une manière générale, la bande originale de Minority Report lorgne vers celle de Blade Runner (adaptation d’une autre œuvre de K. Dick, réalisée par Ridley Scott, et dont la BO fut composée par Vangelis). Autrement dit, on peut se douter du fait que le choix de cette Symphonie inachevée soit due au hasard. Je pense que John Williams et Steven Spielberg ont voulu faire un lien entre le fait que cette symphonie ait été laissée inachevée et les nombreux éléments de l’intrigue qui, eux aussi, restent inachevés (l’expérience avec les précogs, le fait que la procédure habituelle ait été interrompue à douze reprise à cause de visions et de souvenirs effacés).
Le lac des cygnes – Tchaïkovski
Le ballet le plus populaire de Tchaïkovski est également, à n’en pas douter, le ballet le plus connu au monde. Ce chef d’oeuvre a inspiré de nombreux films sur la danse, qui ont connu un grand succès, tels que Billy Elliot de Stephen Daldry et Black Swan de Darren Aronofsky.
Also Sprach Zarathustra – Strauss
Depuis que Stanley Kubrick a utilisé, dans 2001, l’Odyssée de l’espace, le thème de ce poème symphonique composé par Richard Strauss, inspiré par le poème philosophique éponyme de Nietzsche, il a été utilisé dans plusieurs films d’animation, faisant immédiatement référence au film de Kubrick : Toy Story 2, WALL-E et Les Simpsons – Le film. On notera le génie de Kubrick : Ainsi parlait Zarathoustra parle de la transition entre l’Homme et le surhomme. Or ces questions sont au centre de ce film qui parle d’intelligence artificielle, de l’évolution humaine et de la transition technologie.
:rire:
c'est pas parce que c'est vieux que c'est des chef d'oeuvre
de nos jour il y des compositeurs bien plus doué, mais comme les gens s'y intéresse moins ...
on en parle peu
J'espère qu'on parlera de compositeur comme Hans Zimmer ou surtout John Williams.
John Williams pour moi c'est vraiment le top. Il a fait des musiques qui resteront gravé à jamais. Associé directement à des films mais ca n'en reste pas moins des chef d'oeuvres (Jurassic Park, Star Wars, Indiana Jones...)
Le plus dommage avec les musiques classiques, c'est qu'elles soient utilisés n'importe comment : publicité ou pire attente téléphonique... Quel gachi...
L'ouverture de cette cantate de Carl Orlf à été beaucoup repris (surtout dans les années 80-90 ... et oui, je suis un dinosaure) dans de nombreux films (The Doors, Tueurs Nés,...), et publicités !
Plus récemment dans le film 300 pour la résistance héroïque des spartiates !
Cette ouverture est même reprise dans un manga !!!
Et oui, dans Gunnm, lors de la charge de Den qui veut abattre à lui seul la cité suspendue Zalem, on peut lire en haut de cette splendide charge en double page les paroles de cette ouverture de cantate qui collent vraiment bien à la situation et à l'état d'esprit de Den !