Quatre nouvelles séries à voir pendant le confinement
Le confinement, ce n'est pas franchement ce qu'il y a de plus réjouissant... Alors, pour rendre le confinement plus supportable, il faut se forcer à regarder le verre à moitié plein. Puisque nous sommes confinés, nous avons du temps à tuer, et nous pouvons regarder plus de séries qu'à l'accoutumée. Voici donc quatre nouvelles séries, qui vous occuperont pendant votre confinement !
1 / The Outsider (HBO)
Stephen King a souvent été adapté au cinéma et à la télévision. Cela a donné de grandes oeuvres (Carrie au bal du Diable, The Shining, Stand By Me, La Ligne Verte, Les Evadés, Doctor Sleep), mais aussi des oeuvres moins satisfaisantes, voire carrément mauvaises (Le Fléau, La Tour sombre). Pour la première fois de son Histoire, la mythique chaîne HBO propose une adaptation d'un roman de Stephen King, The Outsider, avec aux commandes Richard Harris, proche collaborateur du légendaire David Simon (The Wire, Treme, The Deuce), fort d'une expérience de showrunner sur l'excellente mini-série The Night Of.
Dans une petite ville de l'Oklahoma, le corps d'un jeune garçon de 11 ans est retrouvé dans les bois, affreusement mutilé. Très vite, la police, menée par l'enquêteur Ralph Anderson, suspecte Terry Mitland, père de famille et mari aimant, entraîneur de baseball apprécié de tous. En effet, toutes les preuves semblent converger vers lui. Problème : Terry Mitland était, à l'heure du meurtre, filmé à une conférence, à 100 km du lieu du crime. Un homme peut-il être à deux endroits à la fois ? Terry est-il innocent ? Ralph Anderson devra trouver des réponses à ces questions, quitte à renoncer à la logique.
En dix épisodes d'une heure, Richard Harris réussit un véritable miracle : faire d'un roman somme toute banal de King une des meilleures adaptations de l'univers du maître incontesté de l'Horreur. The Outsider est une excellente série, diffusée entre le mois de janvier et le mois de mars 2020. Avec un rythme qui n'est pas sans rappeler celui de True Detective (autre joyau de la chaîne HBO), Richard Harris parvient à développer une histoire avec un fantastique, d'abord extrêmement discret, qui prend au fur et à mesure de plus en plus de place, à la manière du sable s'écoulant à l'intérieur d'un sablier. Ainsi, notre suspension d'incrédulité n'est jamais mise à mal. Le récit développé par Richard Harris est, avec sa lenteur hypnotique, profondément passionnant. Il raconte une Amérique constamment endeuillée, en même temps qu'il fait l'autopsie du système judiciaire américain. Rappelant ainsi que loin d'être de vulgaires romans de gare, les romans de Stephen King sont des romans passionnants, traitant de sujets aussi variés que l'alcoolisme (The Shining), les mensonges d'état en période de crise (Le Fléau), le système pénitentiaire (La Ligne verte). La mini-série The Outsider saura vous convaincre, avec sa réalisation de haute-volée (Jason Batemon confirme l'étendue de son talent pour la mise en scène, après ses essais sur Ozark), son ambiance aussi macabre que mélancolique, et surtout, ses acteurs à l'interprétation cardinale, avec notamment Cynthia Erivo (Sale temps, à l'Hotel El Royale, Les Veuves), Jason Bateman (In the Air, Ozark), Bill Camp (The Leftovers, Joker, The Night Of), Yul Vazquez (Treme, American Gangster), Jeremy Bob (Godless, Mosaic, Jessica Jones, Under the Silver Lake), Julianne Nicholson (Boardwalk Empire, Masters of Sex, Monos), et surtout, Ben Mendelsohn (Rogue One : a Star Wars story, Ready Player One), qui signe ici sa meilleure interprétation. Une série à voir de toute urgence !
2/ Westworld - saison 3 (HBO)
Deux ans nous séparent de la fin de la saison 2 de Westworld, qui avait divisé la communauté des fans. Pour être tout à fait honnête avec les lecteurs, l'auteur de ces lignes doit confesser qu'il est l'un des plus fervents défenseurs de la saison 2, et que Westworld est assurément une de ses séries préférées. Loin d'être l'événement attendu par HBO (la saison 3 connait un démarrage timide, si l'on considère le nombre de visionnages en direct des deux premiers épisodes), la saison commence pourtant sur les chapeaux de roues, d'un point de vue qualitatif !
Quelques semaines après les événements de la saison 2, on retrouve donc avec un plaisir énorme Dolorès Abernathy, échappée du parc, dans le monde réel, toujours déterminée à se venger les sévices innombrables qu'elle a subits. Egrainant les cadavres des humains qui ont le malheur de lui chercher des noises, elle rencontrera la route de Caleb (interprété par Aaron Paul, qui retrouve enfin un rôle à la hauteur de son immense talent, après nous avoir subjugués dans Breaking Bad). Pendant ce temps-là, Maeve, qu'on croyait morte, se réveille dans un nouveau parc, WarWorld, ayant pour thème la Seconde Guerre Mondiale.
Cette saison, toujours dirigée par Jonathan Nolan (Interstellar, The Dark Knight, Le Prestige, Person of Interest) et sa femme Lisa Joy, est assez différente de ce à quoi le couple de showrunners nous avait habitués. Plus simple d'apparence (l'action se déroulant sur une seule temporalité), elle donne la priorité au monde réel. Et quel plaisir pour les fans de cyberpunk que nous sommes ! Les effets spéciaux, les décors, les costumes, tout est splendide. Plus que jamais, Nolan et Joy semblent déterminés à jouer à fond la carte de la SF la plus hard, et c'est grandiose, c'est magnifique. La réalisation est elle aussi de très haut niveau, Jonathan Nolan réalisant le premier épisode (on retrouve d'ailleurs quelques gimmicks de réalisation de son frère Christopher). On retrouve également l'essentiel du casting de Westworld, du moins les acteurs qui interprètent des personnages encore vivants. Evan Rachel Wood (Dolorès) et Thandie Newton (Maeve) rivalisent de charme et de charisme, Jeffrey Wright et Luke Hemsworth sont eux aussi excellents, Vincent Cassel et Aaron Paul, nouveaux venus dans la série, apportent du sang frais au show, et on attend désespérément le retour d'Ed Harris dans le rôle de William, sans doute le meilleur personnage de cet univers passionnant.
3/ The Plot Against America (HBO)
On attendait cette mini-série de six épisodes avec impatience, et on est plutôt attristés de voir qu'elle fait si peu de bruit. The Plot Against America signe le grand retour de David Simon chez HBO. Qui est David Simon ? Tout simplement le plus grand showrunner de l'Histoire du petit écran. On lui doit de nombreux chefs d'oeuvres pour HBO : The Wire, Treme, Generation Kill, Show Me A Hero, ou plus récemment The Deuce.
The Plot Against America est une adaptation du Complot contre l'Amérique du très regretté Philip Roth (Portnoy et son complexe, J'ai épousé un communiste, La Tâche), souvent considéré comme le plus grand écrivain américain contemporain. Dans ce roman, qui prend la forme d'une autobiographie, Roth imaginait ce qu'aurait pu être son enfance, si Charles Lindbergh, célèbre aviateur acclamé comme un héros, malgré ses idées antisémites, avait gagné l'élection présidentielle contre Roosevelt en 1940. Voilant à peine son antisémitisme derrière une dialectique de la non-intervention des U.S.A. contre l'Allemagne nazie, Lindbergh trouve un soutien étonnant parmi la population de la communauté juive du quartier de Newark, à New York. Les membres de la famille Roth sont les témoins, discrets mais attentifs, des grands bouleversements qui secouent l'Amérique.
Comme d'habitude avec David Simon, The Plot Against America est une série à la fois très politique, et très bien écrite. La mise en scène est magnifique, la reconstitution de l'Amérique de 1940 est à tomber ! David Simon utilise d'ailleurs des images d'archives, poussant à son paroxysme son ambition d'authenticité. On s'amusera par ailleurs du fait que David Simon s'amuse avec les échelles. Dans The Wire, on était à l'échelle d'une ville ; dans Treme, à l'échelle d'un quartier ; dans The Plot Against America, à l'échelle d'une famille. Au final, on se demande si un autre showrunner peut aussi bien capter que lui les nombreux visages de l'Amérique. Emmenée par un casting d'exception, avec en têtes d'affiche Winona Ryder (Beetlejuice, Stranger Things), John Turturro (The Big Lebowski, The Night Of), Zoe Kazan (The Deuce, La Ballade de Buster Scruggs), Morgan Spector (Person of Interest, Boardwalk Empire), Michael Kostroff (The Wire, The Deuce) ou encore Anthony Boyle (The Lost City of Z, Tolkien). S'il fallait toutefois retenir un défaut pour la série, c'est, qu'étant donné le fait que Philip Roth ne soit pas impliqué sur le projet, The Plot Against America perde sa dimension d'autobiographie alternative (d'ailleurs le patronyme Roth est écarté, au profit du nom de Levin).
4/ The English Game (Netflix)
Avec Downton Abbey, Julian Fellowes avait démontré l'étendue de son talent de showrunner, comptant parmi les plus imminents scénaristes britanniques. Passionné par l'aristocratie anglaise (il siège d'ailleurs à la Chambre des Lords, au parti conservateur), son oeuvre, qu'elle soit littéraire (Passé imparfait), cinématographique (Le Secret de Green Knowe) ou télévisuelle (Dowton Abbey), se veut être la chronique d'une classe en constante mutation. En somme, on pourrait presque voir en Julian Fellowes le pendant aristo de son compatriote Steven Knight, le génie derrière Peaky Blinders, Taboo ou A Christmas Carol, qui par son oeuvre cherche à créer une mythologie de la classe ouvrière britannique.
Avec The English Game, mini-série de six épisodes, produite et distribuée par Netflix, Julian Fellowes raconte les débuts du football professionnelle dans l'Angleterre du XIXème siècle, au travers de personnages historiques, tels que Arthur Kinneard et Fergus Suter. L'intention de Julian Fellowes est limpide : faire la démonstration que l'histoire du football anglais est indissociable de l'histoire de la lutte des classes.
Grands admirateurs des productions anglaises, The English Game est une série qu'on a adoré découvrir. Cette mini-série que n'aurait pas renié Ken Loach saura être appréciée même par ceux qui honnissent le football. La réalisation, classique, rappelle la mise en scène de Downton Abbey. Nous avons particulièrement apprécié la galerie de personnages attachants, joués par des acteurs habituellement relayés au second plan, mais qui ont su livrer ici une interprétation plus que convaincante, tels que Kevin Guthrie (Mr. Abernathy dans les deux volumes des Animaux Fantastiques), Edward Holcroft (Charlie dans les deux Kingsman) ou encore Charlotte Hope (Myranda dans Game of Thrones). Bien sûr, on pourra reprocher à The English Game sa naïveté, son côté peut-être trop consensuel, sur un sujet pourtant aussi important que la lutte des classes. Mais, étrangement, c'est dans cette naïveté-là, dans cette Angleterre toujours idéalisée jusque dans sa misère, que se trouve toute la poésie de cette oeuvre. En attendant, on attend avec impatience les nouveaux projets télévisuels de Julian Fellowes, Belgravia (adaptation en série de son roman éponyme pour HBO) et The Gilded Age (pour Universal).
Cette série est excellente.