Thierry Ardisson, présentateur notoire de Salut Les Terriens a affiché un visage bien méprisant alors qu’il accueillait Squeezie dans son émission. A travers un éternel choc culturel entre YouTube et paysage audiovisuel, la séquence, balayée hâtivement par les médias, déborde de malaise, d’arrogance et de dédain.
On a beau se féliciter de la force des YouTubeurs dans la culture populaire, il suffit de quelques simples minutes pour nous rappeler qu’il reste encore du boulot… Invité sur le plateau de Salut Les Terriens pour la promotion de son livre, Squeezie s’est heurté de plein fouet à l’opacité médiatique que subit la plateforme. Ils ont beau rappeler que c’est un métier, ils ont beau rappeler qu’ils en vivent, rien n’y fait. Et une nouvelle fois, c’est un sentiment d’intense malaise qui recouvre la conversation du présentateur et du vidéaste. Et même si quelques médias se sont emparés de l’affaire dans un embryon balbutiant de polémique, Thierry Ardisson s’est fendu d’un charmant doigt d’honneur pour répondre à ses détracteurs, sortant la carte du "second degré". De son côté, Squeezie, terriblement calme lors de l’entretien n’a réagi qu’à travers une petite allusion dans sa dernière vidéo "Le freestyle de l’auto-dérision".
"Vos fans, vous pensez qu'ils vont acheter un livre de vous, ils vont penser que c'est un tapis de souris, non?"
"C'est devenu un métier en 2017 de regarder des jeux vidéo et de les commenter. Est-ce que manger des pizzas, c'est devenu un métier ?" s’esclaffe le présentateur, en prenant soin de relire mot pour mot sa précieuse fiche, garante de ses meilleures punchlines. En face, Squeezie, désemparé semble se demander à chaque instant ce qu’il est venu faire dans cette pauvre galère. Avant lui, bon nombre de ses compères se sont risqués à se confronter au paysage hostile de la télévision. Les résultats n’ont été que rarement concluants, et dans tous les cas, on tend désormais à ne retenir que les pires.
"Vos fans, vous pensez qu'ils vont acheter un livre de vous, ils vont penser que c'est un tapis de souris, non ?" poursuit-il, rictus en coin. Que les 9 millions d’abonnés du YouTubeur se rassurent : oui, vous venez d’être maladroitement traités d’illettrés. Mais il semblerait que ce ne soit pas grave. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit de "second degré". Vous savez, le même second degré de votre père qui vous répète "Face de bouc" à vous rendre fou. Néanmoins, pas sûr que votre père soit journaliste, et encore moins dans une émission aussi notoire.
"Est-ce que vous avez essayé de vous filmer en faisant d'autres trucs, lire, dormir, baiser, ça marche, non ?". J’avoue avoir éteint ma télévision à ce moment précis, bien qu’en me demandant comment Squeezie allait trouver les mots pour répondre à cette bouillie d’humour potache réchauffé. Au final, personne ne sait s’il a été invité pour son bouquin, ou pour servir de bête de foire.
De la sous-culture jusqu’à quand ?
Outre le fait qu’Ardisson semble avoir réservé le même sort qu’il avait pu le faire au rappeur Vald, il y a quelques mois, en le lynchant de questions invraisemblables, un débat se soulève : jusqu’à quand YouTube, et la culture geek en général, seront considérés comme de la sous-culture ? Ici, le parallèle avec le rap est d’ailleurs plus que pertinent puisque le style musical traverse étrangement le même chemin de croix.
Malgré leur popularité insatiable, les YouTubeurs se prennent inlassablement les pieds dans le tapis des plateaux télés. La faute à qui ? Aux présentateurs incapables de les traiter à leur juste valeur ? Ou aux YouTubeurs, peut-être naïfs à l’idée d’aller mettre le nez là où ils n’ont pas forcément leur place ? Quel qu’il soit, le débat est long et fastidieux, mais la progression des vidéastes en tant que métier intrinsèque se construit autour d’une bulle qui ricoche sèchement sur tout ce qui touche au paysage médiatique.
Sous-culture et sous métier : le message renvoyé par l’"élite journalistique", puisque c’est comme ceci qu’elle semble se comporter, est grave. La fracture entre ces deux mondes, qu’elle soit générationnelle, technologique ou culturelle, pose de sérieuses questions sur l’avenir de la culture geek. Une vision à la fois archaïque, méprisante et complètement inappropriée. Le fossé, qui tend à se réduire par la notoriété des deux sphères, ne cesse néanmoins de s’approfondir culturellement sous le poids de polémiques étouffantes.
Par jeanLucasec, il y a 7 ans :
La guéguerre de bras cassés !
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