Atlantide : le film d'animation le plus ambitieux de Disney ?

Atlantide, l'empire perdu fêtera en 2021 son vingtième anniversaire. Avec le recul, on se rend compte aujourd'hui à quel point ce film d'animation a été sous-évalué, sous-estimé. Nous lui rendons hommage, avec quatre anecdotes, comme autant de rappels de son importance. 

1 / Jules Verne chez Disney 

Atlantide, l'empire perdu a été réalisé par Gary Trousdale et Kirk Wise, deux réalisateurs emblématiques du second âge d'or de Disney, débuté avec La Petite sirène (1989) et achevé avec Mulan (1998), puisqu'ils ont réalisé La Belle et la Bête (1991), immense succès populaire, et Le Bossu de Nôtre Dame, qui connut un succès relatif à sa sortie, mais qui a su marquer le public par ses ambitions artistiques comme par la maturité de son sujet, à tel point qu'il est régulièrement cité comme un des meilleurs films d'animation Disney. (Ce qu'il est, indiscutablement.)

Il fallait à Disney, dont le succès commençait à péricliter avec le très ambitieux Dinosaur (2000), un nouveau film fort, adaptant une histoire à la fois populaire et fédératrice. D'autant plus que Disney a compris, depuis quelques années déjà, que le public et ses attentes sont en pleine métamorphoses, avec l'irruption du numérique, et d'un studio qui commence à lui faire la nique (ça rime) : Pixar. Gary Trousdale et Kirk Wise commencent alors à développer une adaptation d'un grand classique de Jules Verne : Voyage au centre de la Terre, très apprécié des américains. Une adaptation très libre, on en convient, puisque le scénario du film intègre la cité perdue d'Atlantide à l'histoire. Mais les deux oeuvres développent une histoire d'aventure épique, menée par des scientifiques, suite à la découverte d'un manuscrit très ancien. 

A noter par ailleurs que Disney avait déjà adapté un autre roman de Jules Verne, Vingt Mille Lieues sous les mers, dans le film éponyme (1954) de Robert Fleischer avec Kirk Douglas. Un film qui fut un immense succès populaire, et qui remporta deux Oscars (meilleure direction artistique, meilleurs effets visuels). 

2 / le premier film d'animation SF de Disney

Si Disney s'était déjà risqué à la Fantasy, avec Merlin l'enchanteur et Taram et le Chaudron Magique, avec l'insuccès que l'on connaît, Disney a longtemps tardé avant de se lancer dans la Science-Fiction. Pourtant, au tournant des années 2000, le studio a décidé de se lancer, et de donner naissance à de grandes épopées SF. Après Atlantide, l'empire perdu suivront La Planète au Trésor et Lilo & Stitch, tous deux sortis en 2002.

Pour comprendre l'ambition de Disney de se lancer dans des productions SF, il faut contextualiser, et regarder ce qui est sorti entre 1980 et 2001. Sans doute appuyée par le succès retentissant de la première trilogie Star Wars, débutée en 1977 avec Un nouvel espoir, la Science-Fiction a connu un véritable essor durant ces deux décennies. Citons : Blade Runner de Ridley Scott (1982), Terminator de James Cameron (1984), Retour vers le futur de Robert Zemeckis (1985), Jurassic Park de Steven Spielberg (1993), Mars Attacks! de Tim Burton (1996), Bienvenue à Gattaca d'Andrew Niccol (1997) ou encore Matrix des Wachowski (1999). D'immenses succès populaires, souvent déclinés en licences bénéficiant de la confiance du public. Des films qui ont su allier une certaine vision du cinéma d'auteur avec le gigantisme des blockbusters Hollywoodiens. A noter par ailleurs que Disney avait déjà osé la SF dans ses productions en prises de vues réelles, et ce dès 1982 avec le film Tron de Steven Lisberger. La firme a d'ailleurs produit, par l'entremise de sa filiale Touchstone Pictures, le chef d'oeuvre de Paul Verhoeven, Starship Troopers, en 1997. 

La SF, qui devient de plus en plus un genre ultra-populaire, intéresse donc Disney. A combien plus forte raison que ce genre bénéficie constamment de nouvelles révolutions techniques, notamment au niveau des effets spéciaux. Et c'est sans doute ce qui intéresse Disney avec Atlantide, l'empire perdu. Avec son esthétique steampunk, le film a besoin d'être ambitieux visuellement. D'autant plus que Disney est assailli de toutes parts par des studios d'animation émergeant, dont Pixar et DreamWorks, qui utilisent parfaitement l'animation numérique. Sans oublier l'arrivée de Ghibli sur le marché international, qui a participé grandement à rehausser l'exigence du public en matière de film d'animation. 

3 /  Un film bourré de références

Mais pour faire un film d'aventures teinté de SF (ce que devient le film dès lors où le groupe de scientifiques arrive dans la cité perdue d'Atlantide), encore faut-il être certain d'avoir l'adhésion du public. Disney, qui perd du terrain dans le coeur des spectateurs après une décennie auréolée de succès, ne peut se permettre de sortir un film d'animation aux coûts de production très onéreux (90 000 000 de dollars), plus de trois fois supérieur à ceux de La Petite Sirène, La Belle et la Bête et Aladdin, sans avoir la certitude que le film marchera. 

Le studio et les équipes de production choisissent donc de faire d'Atlantide, l'empire perdu un film bourré de références, une véritable vitrine à destination des fans du genre. Ainsi, le film multiplie les références à la très populaire série Star Trek : le commandant Rourke a le même second prénom que Kirk : Tibérius ; Fenton Q. Harcourt est un hommage à Harcourt Fenton Mudd dans Star Trek, et Leonard Nimoy, légendaire interprète de Spock, prête sa voix au roi Nedakh. Le casting vocal est d'ailleurs une belle occasion d'attirer les fans de SF : Michael J. Fox, la star de Retour vers le futur est choisie pour prêter sa voix au personnage principal du film, Milo. 

Les équipes réunies autour de Gary Trousdale et Kirk Wise sont aussi des références sur lesquelles Disney peut compter. Joss Whedon, créateur de Buffy contre les vampires, a signé la première version du scénario, avant de partir sur d'autres projets. Mais c'est surtout la présence de Mike Mignola, scénariste de comics adulé pour sa série Hellboy, qui fut choisi pour la direction artistique, imposant un style visuel très marqué. 

4 / Les espoirs gâchés de Disney

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Disney avait énormément d'ambitions pour Atlantide, l'empire perdu. Selon nos confrères de Polygon, Disney avait pour ambition de créer une série animée tirée du long-métrage, sorte de X-Files pour les enfants, ainsi qu'un crossover avec la série Gargoyles. 

Cependant, Disney a dû revoir ses ambitions à la baisse. En effet, le film a été accueilli assez froidement par le public, puisqu'il a rapporté 186 000 000 de dollars, le studio rentrant difficilement dans ses frais. Par ailleurs, Atlantide, l'empire perdu a fait l'objet de critiques très sévères de la part d'une partie de la presse américaine, à commencer par les très célèbres The Washington Post, Los Angeles Times, Entertainment Weekly et Variety, qui jugent que le film s'éloigne trop des canons de Disney, et oubliant les enfants pour privilégier un public plus adulte. 

Le film, qui devait être initialement le fer de lance de Disney pour s'attaquer au XXIème siècle, n'aura donc pas de série spin-off, seulement une suite, sortie directement en VHS en 2003 : Les Enigmes de l'Atlantide.