Dossier : d’où viennent nos monstres ? (partie 1)
Les monstres nous effraient autant qu’ils nous fascinent. Il suffit, pour s’en convaincre, de porter un regard sur leur énorme popularité, qui ne se dément jamais. Ils traversent les siècles, aussi vieux que le monde, hantent nos cauchemars, nos cultures, nos arts. Alors même que notre époque se veut de plus en plus rationaliste, que le spirituel est souvent moqué, jugé anachronique, le surnaturel, le bizarre, le repoussant continuent à fasciner. Alors que Halloween arrive à grand pas, j’ai voulu rendre hommage aux monstres, aux loups-garous et aux vampires, aux fantômes et aux zombies, aux sorcières et aux poltergeists. J’ai voulu comprendre d’où ils venaient. Et je me suis rendu compte que leur Histoire était au moins aussi intéressante que les contes, les romans gothiques ou les films d’horreur qu’ils habitent désormais. Dans cet article, je vous invite à un voyage où vont se mêler Histoire, littérature et cinéma.
1. Fantômes, esprits et maisons hantées
Parler de fantômes revient, naturellement, à parler de vie après la mort. Et comme vous le savez, cette question est bien antérieure à l’écriture de l’Ancien Testament. Les habitants de la Grèce Antique pensaient qu’à leur mort, ils vivraient dans les Enfers. Ce lieu sous-terrain, que parcourent trois fleuves (l’Achéron, le Cocyte et le Styx), est le lieu de résidences des âmes de tous les défunts, bons ou mauvais. C’est un lieu pas vraiment agréable, et il suffit de se rappeler le nom du personnel pas super sympa : Hadès, le dieu des Enfers, Perséphone son épouse, le chien Cerbère et ses trois gueules monstrueuses, les Juges, les Furies et le nocher particulièrement sale, Charon. Le Styx est une zone marécageuse qui empeste. J.R.R. Tolkien s’en est d’ailleurs inspiré pour Le Marais des Morts. Naturellement, qu’elles soient dans le Tartare (forteresse dans laquelle les damnés payent pour leurs crimes, comme Tantale) ou dans les Champs-Elysées (lieu un peu moins triste et lugubre, réservé aux Bienheureux), les âmes des défunts ne s’amusent pas des masses. On se souvient de ces paroles d’Achille, qui dit à Ulysse, dans L’Odyssée, lors du passage de ce dernier dans Les Enfers :
"J’aimerais mieux être vivant en étant le bouvier d’un pauvre fermier que d’être le roi de tous ces morts, tout ce peuple éteint."
Du coup, comme toutes personne irritable et jalouse qui se respecte, les morts veulent se venger des vivants. Plusieurs rites existent donc, dans l’Antiquité, pour se protéger des Morts.
Les Grecs et les Romains craignent plus que tout les guerriers tués sur le champ de bataille, les enfants morts et ceux qui n’ont pas été inhumés selon les traditions d’alors, car ce sont les plus revanchards. Du coup, les vivants devaient, pour s’en protéger, leur témoigner du respect, de l’amour. Des célébrations religieuses sont consacrées aux Morts. Par exemple, dans la Rome Antique, du 13 au 21 février, les habitants visitaient les tombes des défunts, et leur faisaient des offrandes (fleurs et céréales). Il s'agissait des parentalia. Catherine Salles, grande spécialiste des mythologies gréco-romaines, et professeure à l’Université Paris X, relate une autre fête religieuse, qui montre toute la crainte que suscitaient les fantômes chez les habitants de l’Antiquité :
« La fête des lemuria (9, 11 et 14 mai), destinée à chasser les lémures de la maison, est un concentré des croyances superstitieuses relatives aux morts. Pieds nus, le chef de famille fait le tour de la maison en lançant à neuf reprises derrière lui des fèves noires (des offrandes de substitution en remplacement du corps que les lémures attendent). L’homme se garde bien de se retourner et, en insérant le pouce dans les autres doigts de la main, fait la « figue », un geste obscène, pour empêcher les lémures de s’approcher de lui. Il dit neuf fois : « Mânes de nos pères, sortez ! » Il regarde alors derrière lui pour constater avec soulagement qu’il n’y a plus de fantôme. »
Mais il arrivait parfois que les Grecs comme les Romains surmontent leur peur des Morts, et tentent d’en faire leurs alliés, afin de les charger de hanter quelqu’un qu’ils détestaient. Les archéologues ont en effet trouvé des tablettes, qu’on appelle tablettes de défixion, dans certains sous-sols. Sur ces tablettes étaient marquées certaines demandes explicites, avec le nom de la victime.
Le Moyen-Âge va lui aussi avoir ses histoires de fantômes. Sauf que cette fois-ci, ces histoires servent une entourloupe de l’Église Catholique d’alors. L’historien Jean-Claude Schmitt nous explique, dans son article Le Moyen-Âge dans de beaux draps comment l’Église s’est servi des superstitions de l’époque pour rendre son économie plus prospère :
« A la fin des temps, le purgatoire aura été complètement vidé : tous ses habitants auront rejoint les saints du paradis. Le plus souvent, cela ne leur aura pris que quelques jours, voire quelques mois, mais au prix de retours répétés auprès des vivants, rappelés avec insistance à leur devoir de solidarité. Ainsi, entre ici-bas et au-delà fonctionne une mécanique bien huilée d’échanges triangulaires entre les vivants, l’Église et les morts. […] A la fin du Moyen Âge, l’inflation des indulgences – dénoncée par Luther – répond elle aussi au désir d’abréger le plus possible la durée des épreuves du purgatoire. »
Vous l’aurez compris, le but de l’Église n’était pas tant "d’abréger le plus possible la durée des épreuves du purgatoire" que d’exploiter un secteur économique florissant, exploitant au passage les superstitions et le deuil des plus faibles. D’où les condamnations de Luther, le réformateur de l’Église.
Aujourd'hui, si les fantômes continuent de hanter nos maisons, que ce soit dans La Dame en noir (dernier film en date du studio Hammer) ou The Haunting of Hill House (la dernière production Netflix), les fantômes et le Royaume des Morts peuvent parfois être vus de manière plus cynique, voire plus poétique. Comme si les hommes avaient enfin appris à ne plus faire de la Mort leur grand ennemi. Comme dans Beetlejuice et Les Noces funèbres, de Tim Burton.
2. Exorcisme
L’Église catholique a, à plusieurs reprises, changé sa doctrine concernant la vie et la mort, le Bien et le Mal. Du XIIe au XIVe siècle, la doctrine de l’Église concernant la Mort reposait sur les souffrances ressenties par les Morts lors de leur passage au Purgatoire. Mais suite à la Réforme catholique au XVe siècle, et plus particulièrement du fait des accusations de Luther qui trouvent un écho chaque jour un peu plus fort dans certaine régions d’Europe, l’Église change de conception. Désormais, le mal est plus insidieux, et plus difficile à discerner du bien. Pour cause : il hante désormais l’intérieur des maisons, quand ce n’est pas l’intérieur même du corps humain. C’est à ce moment que naissent de nouveaux métiers : les démonologues. Une sorte de VRP du surnaturel, en gros… L’Église popularise très vite ces histoires d’exorcismes et d’affreux démons, car comme l’explique l’historien Robert Muchembled, elles fournissent "une grille religieuse simple du bien et du mal". Rien d’étonnant donc si au XVIIe siècle, les histoires de démons, d’exorcismes et de maisons hantées étaient de grands succès de librairie.
3. Vampires
L’Histoire des vampires ne commence pas avec le Dracula de Bram Stoker. L’écrivain irlandais n’a fait que populariser plus encore un mythe horrifique qui hante l’Europe depuis quelques siècles déjà. Tout commence en Pologne, à la fin Moyen-Âge. Pour expliquer certaines épidémies de Peste, les habitants des villages rendent responsables les morts. D’après les témoignages recensés par plusieurs rapports édifiants qui nous sont parvenus depuis des temps reculés, lorsque le premier mort d’une famille succombe de la Peste, il voulait emmener avec lui les autres membres de sa famille. Allez savoir pourquoi, mais il s’agissait le plus souvent de femmes… On entendait alors dans les cimetières des bruits de mastication, venant de l’intérieur des tombes. C’était les morts de la Peste qui rongeaient leur linceul (leur drap), afin de se délivrer. Que faisaient-ils une fois libres ? Ils venaient sucer le sang des membres de leur famille. Ainsi étaient-ils la cause de l’épidémie de Peste (c’est eux qui la refilaient, afin d’emmener dans l’au-delà leurs proches). Il existait donc deux façons d’arrêter l’épidémie : soit laisser le mort manger entièrement son linceul (mais à ce moment-là, il ne restait plus grand monde pour en témoigner), soit en l’empêchant physiquement de mâcher (ce qui était plus efficace). Et pour cela, tous les moyens étaient bons : on coupait la tête du mort, on lui enfonçait un pieu dans la tête ou dans le coeur, ou on lui mettait une brique dans la bouche. On a d’ailleurs découvert ce mois-ci en Italie le cadavre d’un enfant de 10 ans, avec une brique dans la bouche. Une autre technique consistait à brûler le cadavre. La peur des vampires a traversé les siècles et les régions, notamment à cause de rapports influents, parfois dictés par des soldats ou des philosophes, sur les "mâcheurs", les "morts dévorants" ou "vampires". A tel point qu’en 1755, Marie-Antoinette d’Autriche a dû interdire les exécutions et bûchers post-mortem.
J’espère que cet article vous a plu. La deuxième partie traitera des loups-garous, des zombies et de… Slenderman.
C'est une maladie qui dérègle la composition du sang et qui rend impossible l'exposition au soleil (ça fais vraiment bruler la peau) , et dans des cas extrême et rare ça provoque l'allongement des dents
nan parce que le purgatoire ça reste du domaine de la foi hein. rien ne permet d'affirmer combien de temps on y passe (à condition qu'on y croit évidemment)
et comme on sait pas combien de temps il faut, dans le doute on fait célébrer des messes ça se fait encore aujourd'hui
après les indulgences ont été un scandale
quand aux exorcisme il y en a toujours eu dans l'Eglise