En 2019, Batman soufflera ses 80 bougies. Comme ses amis Superman, Wonder Woman ou Aquaman (mais on pourrait également citer tous les héros de l’écurie Marvel, et pas se contenter uniquement des personnages DC), Batman a traversé les décennies. Pourtant, contrairement aux autres héros de comics, le Chevalier Noir de Gotham City ne semble jamais poussiéreux. La preuve en est : il reste, après 80 ans d’existence, le super-héros le plus populaire de l’Histoire du comics.
Un héros à échelle humaine
Si Zack Snyder s’est lourdement fait critiquer (à tort ou à raison, libre à chacun d’avoir son avis) pour son Batman v Superman : L’Aube de la Justice, on ne peut dénier au réalisateur de s’être intéressé à la dimension mythologique des super-héros. Depuis Superman, les super-héros, et plus particulièrement ceux de l’écurie DC Comics, sont idéalisés : ils possèdent une puissance surhumaine et défendent irrémédiablement le Bien contre le Mal. Ces surhommes sont directement inspirés des mythologies et religions antiques. L’Amazone Wonder Woman et l’Atlante Aquaman sont deux preuves irrévocables. Même Superman, le plus puissant des super-héros s’il en est, semble à bien des égards une réinterprétation de la figure christique. Sa mort et sa résurrection dans Batman v Superman puis Justice League du même Zack Snyder semble corroborer cette hypothèse. Si toutefois il y a parmi vous quelques sceptiques, qu’ils réfléchissent à la signification du titre de l’essai de Grant Morisson (expert concernant le mythe super-héroïque, auquel il a largement contribué en livrant à la postérité quelques-uns des meilleurs comics de l’Histoire, dont Arkham Asylum ou Multiversity) : Supergods.
Batman, quant à lui, n’est pas un dieu. Il ne possède aucun pouvoir, et combat le crime uniquement armé de sa propre intelligence et de son aptitude au combat. On se souvient de sa réponse édifiante quand Barry Allen / Flash lui demande, dans Justice League, quel est son super-pouvoir : « Je suis riche. » Batman est également un héros qui est véritablement blessé. La mort de ses parents est un véritable traumatisme, et c’est ce traumatisme qui s’avère être l’origine de la lutte contre le crime. On pourra me rétorquer que chaque super-héros possède son traumatisme : Spider-Man a perdu sa Tante May, Wonder Woman a perdu Steve Trevor, Aquaman a perdu son fils dans La Mort du Prince. Ces traumatismes ont bien évidemment des répercussions dans la psyché de nos super-héros favoris. Néanmoins, le traumatisme originel de Bruce Wayne me semble d’un ordre particulier. Car toute la psyché du personnage découle précisément de ce traumatisme originel. Sa lutte forcenée et parfois déraisonnée contre le crime organisé, sa volonté de créer une famille (appelée la Bat-family), son obsession pour l’Héritage des Wayne, tout découle de cet événement fondateur. La lutte de Batman contre le crime n’est que résilience contre sa propre douleur. Autrement dit, quelque chose que chaque lecteur peut comprendre. Superman, Wonder Woman, Aquaman, Flash, Green Lantern, tous sont le fruit de leur propre puissance ; Batman est le fruit de sa propre faiblesse.
Batman est un héros profondément humain à plus d’un titre. S’il lui arrive parfois d’aller dans l’espace (La Tour de Babel) ou de lutter contre des phénomènes issus du Multivers (Batman Metal), c’est avant tout un héros attaché à une ville : Gotham. Batman fait d’ailleurs partie intégrante du paysage de Gotham, et les deux semblent complètement indissociables. Batman est un héros qui court les rues, les égouts et les taudis. Autrement dit, le champ des possibles de Batman ressemble bien plus au nôtre qu’à celui de ses collègues de la Justice League. Bien qu’il arrive que ses aventures l’emmènent loin de Gotham (notamment ses aventures avec la Justice League), les meilleurs récits de Batman sont ceux qui se passent à Gotham : The Killing Joke, The Dark Knight Returns, Un long Halloween.
Si Batman donne des coups, il en reçoit également beaucoup. Plusieurs scènes des films de la trilogie de Nolan montre un Bruce Wayne blessé (mordu par un chien dans The Dark Knight ou fracassé par Bane dans The Dark Knight Rises). Une autre scène de Justice League nous montre le torse tuméfié de Bruce Wayne, qu’aperçoit Wonder Woman, sensiblement choquée. D’ailleurs, Frank Miller utilise l’imagerie d’un Batman vieillissant, souvent sanguinolent, dans son chef d’oeuvre The Dark Knight Returns et ses deux suites, The Dark Knight Strikes Again et The Dark Knight : The Master Race. Batman est également un héros qui fait des erreurs. Bien qu’il soit armé d’une intelligence hors du commun et d’un code moral rigoureux, il lui arrive parfois de plonger. Ainsi Batman tue-t-il le Joker à plusieurs reprises (dont dans The Dark Knight Returns de Frank Miller). Par son incapacité à faire confiance, il lui arrive d’être la cause de bien des maux de la Justice League (comme dans La Tour de Babel de Mark Waid). Enfin, il met en danger ses apprentis, comme dans la trilogie The Dark Knight de Miller.
Il en découle que Batman est un héros qui combat contre lui-même autant que contre les criminels. Et ça participe à en faire un personnage profondément fascinant.
Des comics inspirés
L’une des forces des comics Batman tient sans doute à l’inspiration de leurs auteurs. Si Gotham apparaît au premier abord comme un microcosme, ce microcosme est très complexe. L’univers de Batman, ce petit univers (Gotham) au sein d’un univers plus large (DC Comics) est le fruit de plusieurs inspirations qui s’entrecroisent et se complètent.
Tout d’abord, il est évident que Batman tient en partie du personnage de Sherlock Holmes, créé par Arthur Conan Doyle. Leur intelligence exceptionnelle, leur obsession pour les enquêtes, leur relation avec leur acolyte, leur relation avec leur Némésis, tous ces éléments sont hérités du mythe de Sherlock Holmes. Ensuite, il est également évident que l’univers de Batman est imprégné d’iconographie gothique. Batman est une chauve-souris (réminiscence du Dracula de Bram Stoker), le Joker n’est pas sans rappeler le Gwynplaine dans L’Homme qui rit de Victor Hugo, et même l’architecture de certains bâtiments rappellent l’architecture gothique (cela est particulièrement visible dans la série de jeux vidéos Batman Arkham). Ce n'est pas pour rien que Tim Burton a mis autant de lui-même dans son adaptation des aventures de l'Homme-Chauve-Souris. Le tout saupoudré des grands mythes de la Science-Fiction.
Il en ressort que plus que toute autre univers de comics, le Batverse est un melting-pot d’inspirations diverses. Les meilleurs comics Batman tiennent autant du roman policier que du roman gothique, le tout dans un univers profondément ancré dans l’iconographie SF, avec un héros profondément humain. Rien d’étonnant donc si parmi les quatre œuvres qui ont révolutionné l’écriture des comics à la fin des années 80 (The Dark Knight Returns et Batman : Année Un de Frank Miller ; Watchmen et Batman : The Killing Joke d’Alan Moore), trois d’entre elles sont des aventures de Batman. C’est d’ailleurs le constat du dessinateur Tim Sale (Un long Halloween, Amère victoire) dans sa préface au Killing Joke d’Alan Moore.
L’importance de Gotham
Comme dit précédemment, bien que Batman ait déjà quitté Gotham à de nombreuses reprises pour ses missions, sa ville fait indéniablement partie de son ADN.
Gotham est une ville profondément paradoxale. Bien qu’elle soit décrite comme une ville corrompue, où la pègre semble être l’unique maître à bord ; bien que cette ville semble changer son visage à la nuit tombée pour offrir à ses habitants un théâtre de sang et de drogue ; bien qu’elle ait donné naissance à quelques-uns des méchants les plus emblématiques de la Bande-Dessinée, du Joker au Pingouin, en passant par le Sphinx et Poison Ivy, Gotham fascine.
Les différents auteurs de Batman semblent s’amuser à nous décrire Gotham comme une jungle, où se joue sans cesse une guerre entre des super-prédateurs, qui se disputent leurs territoires. Et le lecteur voyage, au fur et à mesure des cases, d’un territoire à un autre. Cette impression se ressent particulièrement bien dans les jeux de la saga Arkham. Mais cela peut également se voir dans des comics emblématiques, tels qu’Un long halloween de Jeph Loeb.
Gotham participe également à installer cette atmosphère profondément gothique de l’univers Batman. Son nom, déjà, est lourd de sens : alors que Gotham est un des noms de New York, les scénaristes de Batman ont délibérément voulu l’appeler ainsi, sous cette nouvelle nomenclature officielle. Gotham, dont la racine est goth. Comme gothique. Ensuite, Gotham semble vivre surtout la nuit. Comme les chauve-souris.
Gotham est une ville passionnante qui explique grandement le succès de Batman. D’ailleurs, on peut penser (à juste raison) que Frank Miller, qui livré deux des plus grandes œuvres de Batman, s’est inspiré de sa fascination pour Gotham pour décrire le Hell’s Kitchen de Daredevil, puis Sin City.
Les méchants, piliers du Batverse et de DC Comics
Difficile d’imaginer un super-héros sans méchants qu’il doit affronter. À n’en pas douter, les super-vilains de l’univers Batman sont sans contestation possible les méchants les plus emblématiques du monde des comics-books (avec, peut-être, Magneto et Thanos pour Marvel, et Lex Luthor pour Superman).
Comme dit dans la partie précédente, les méchants de l’univers Batman apparaissent comme des prédateurs qui se disputent leurs territoires. Cette guerre sans merci, parfois entrecoupée d’alliances (comme dans Batman : Silence) est absolument passionnante, et participe à rendre cet univers si attrayant. Mais qu’est-ce qui rend les méchants du Batverse si exceptionnels ? Tout d’abord : leur folie profonde. Ensuite : parce qu’ils sont eux aussi, désespérément humains. Autrement dit, ils sont à la même échelle que Batman. Alors que Superman, Aquaman et Wonder Woman parviennent le plus généralement à éclater sans trop de difficulté apparente leurs ennemis, Batman est au même niveau que les siens. De ce fait, pour le lecteur, la lutte de Batman contre les criminels m’apparaît plus intéressante, et me semble présenter plus d’enjeux scénaristiques. D’ailleurs, il arrive souvent à Batman de perdre.
Plus passionnantes encore sont les relations qu'entretiennent les méchants avec Batman. On pourrait disserter des heures sur la relation entre Batman et le Joker. Même chose entre Batman et Catwoman. Leurs relations sont extrêmement complexes, et ont donné naissances à quelques chefs d'oeuvre, dont The Killing Joke d'Alan Moore et White Knight de Sean Murphy (pour le Joker) ou A la vie à la mort de Tom King (pour Catwoman).
Les méchants de l’univers Batman sont tellement iconiques, qu’ils ont pour la plupart droit à leur propre série : le Joker (par Brian Azzarello), Harley Quinn (par Paul Dini), Deadshot, etc.
Par jeanLucasec, il y a 5 ans :
Best perso ever !
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