On a vu Tenet, le dernier film de Christopher Nolan (critique et avis sans spoiler)
Très attendu par les fans de Christopher Nolan, Tenet sort en salles ce mercredi 26 août. Nous venons de le voir en avant-première, et on vous dit ce qu'on en a pensé.
Un film très attendu
Un film de Christopher Nolan est toujours un événement. Le réalisateur de la trilogie The Dark Knight et d'Inception est passé maître dans l'art de réaliser des films d'auteur intelligents prenant la forme de blockbusters dynamiques. On comprend dès lors que dans un contexte très particulier pour le monde du cinéma et des exploitants de salles, très touché par la crise du CoVid-19, son nouveau film, Tenet, cristallise autant d'attentes. Tenet est-il le film qui permettra de ramener le public dans les multiplex ? Indépendamment de sa qualité intrinsèque, le film, aidé par l'aura de son créateur, peut en tout cas y prétendre.
Dès sa bande-annonce, Tenet nous avait intrigués. Si l'on avait compris que le temps, son écoulement et sa perception, étaient au centre de l'intrigue, difficile toutefois d'en deviner les grandes lignes. Assurément, après un Dunkerque souvent perçu comme pas assez "nolanesque", le réalisateur d'Inception et d'Interstellar revenait à un cinéma plus cryptique, plus intello.
Un scénario cryptique et bancal
Et cet aspect cryptique est ce qui fait la force autant que la faiblesse de Tenet. Christopher Nolan, qui signe seul ici le scénario, livre une histoire immensément complexe. On aurait pourtant tort de trop comparer Tenet à Inception. Là où Inception tirait sa complexité uniquement de son concept (un film avec des rêves imbriqués les uns dans les autres) pour finalement raconter une histoire somme toute assez simple (un braquage), Tenet tisse une histoire qui semble, au premier abord du moins, aussi complexe que son concept.
Si l'histoire de Tenet semble aussi complexe c'est en grande partie parce que son personnage principal, interprété par un John David Washington (BlackKklansman) convaincant, est aussi perdu que le spectateur. Seul Neil (impeccable Robert Pattinson) semble comprendre les tenants et les aboutissants de la mission. Ce protagoniste complètement perdu détonne par rapport aux autres personnages "nolaniens". En effet, depuis Batman Begins, Christopher Nolan aime écrire des personnages dont l'intelligence n'a d'égale que leur courage. Batman (trilogie The Dark Knight), Alfred Borden (Le Prestige), Cobb (Inception) et Cooper (Interstellar) parviennent toujours à se sortir d'affaire parce qu'ils ont une compréhension plus précise que les autres de la situation. Ce qui n'est pas le cas du personnage de John David Washington dans Tenet.
Autre défaut qui participe à la confusion du spectateur : son rythme effréné. Tenet est un film extrêmement dense (2h30), qui va à toute allure, sans jamais prendre le temps de laisser au spectateur le temps de souffler et de digérer. Cela aurait pourtant été bien utile : un peu de répit dans l'action peut contribuer à appréhender les concepts les plus difficiles (ici l'entropie inversée). De ce problème de rythme résulte un autre soucis, souvent reproché à Nolan : le manque d'émotion. Et ce n'est pas Tenet qui va réconcilier Nolan avec ceux qui reprochent à son cinéma d'être trop froid. Les enjeux humains sont à peine esquissés, souvent à grand renfort de stéréotypes (de personnages, de situations) mille fois usités.
Une mise en scène étourdissante
Mais si parfois la complexité de Tenet semble artificielle, c'est parce que son récit sert de prétexte à un concept que Christopher Nolan explore avec brio. Sa bande-annonce autant que son titre-palindrome laissait présager que dans Tenet le temps s'écoulait dans un sens comme dans l'autre. Les scènes d'action où le temps est inversé sont absolument renversantes, et viennent témoigner de la parfaite maîtrise de Nolan en matière de réalisation et de montage. A plus d'un titre, ce film bourré d'idées mériterait d'ailleurs l'Oscar du meilleur montage, lors de la prochaine cérémonie.
L'autre grande force de Tenet, c'est le jeu de ses acteurs principaux. Nous l'avons déjà dit, mais John David Washington nous livre une interprétation tout à fait convaincante. Bien que toujours mené à la baguette, son personnage ne manque pas de charisme. Robert Pattinson confirme, quant à lui, que les années Twilight sont loin derrière lui. Pour ceux qui ont découvert récemment, avec la bande-annonce de The Batman, que l'interprète britannique était un excellent acteur devrait avoir une belle surprise avec Tenet. On ne saurait que leur conseiller de prêter plus d'attention à sa filmographie. Regardez The Rover (David Michôd, 2014), The Lighthouse (Robert Eggers, 2019) ou ses apparitions dans le cinéma de David Cronenberg (Cosmopolis, Maps to the Stars).
Dans la continuité du cinéma de Nolan
Par ailleurs, malgré les défauts que nous venons d'évoquer, Tenet demeure un spectacle particulièrement appréciable, pour qui sait y lire les volontés à peine cachées de son auteur. Christopher Nolan l'a confié en interview (notamment à nos confrères de Première) : il voulait avec Tenet "retrouver l'émotion des James Bond de [son] enfance". Ce qui permet d'expliquer des personnages souvent très archétypaux : le méchant mégalo, la femme à sauver, etc. Tenet est un hommage efficace aux films d'espions anglais.
Mais si Tenet nous a parfois passionné, c'est à la fois par sa manière de s'intégrer au cinéma de Nolan autant qu'il le révolutionne. Il est de notoriété commune que le temps et son contrôle est le principal leitmotiv des films du réalisateur. Memento est construit à l'envers ; Insomnia raconte les déboires d'un policier perturbé par sa perception du temps, rendue difficile par l'insomnie ; le temps se dilate dans Inception ; la relativité du temps est au coeur d'Interstellar ; et Dunkerque est conçu sur trois temporalités. Compte tenu du CV de Nolan, Tenet tient donc de l'évidence.
Mais c'est par sa conception de l'héroïsme que Tenet se retrouve à part dans la carrière de Nolan. Le réalisateur questionne toujours l'héroïsme. Dans Memento, Leonard (Guy Pearce) pourrait bien avoir tué sa femme ; dans Insomnia, Will Dormer (Al Pacino) tue son collègue par accident, et se fait mener en bateau à cause de ce crime qu'il ne peut avouer ; Le Prestige met en scène des personnages à la mentalité trouble, prêts à tout sacrifier pour leur art ; la trilogie The Dark Knight est plus le récit d'une chute que celui d'une ascension ; Cobb (Leonardo DiCaprio) dans Inception est un criminel recherché ; dans Interstellar, Cooper (Matthew McConaughey) accepte la mission non pas pour sauver l'Humanité, mais pour sauver ses enfants. Le personnage de John David Washington dans Tenet est le premier véritable héros (pleinement héroïque, donc) du cinéma de Nolan : il n'agit pas pour lui même, ni par vengeance ni par volonté de flatter son égo, et désire seulement sauver le monde.
On émettra cependant un dernier regret : la musique. Après une longue collaboration avec Hans Zimmer, Christopher Nolan a fait appel au compositeur suédois Ludwig Göransson (Black Panther). Purement accessoire, la musique ne sert qu'à suivre le rythme effréné de l'action, et ne laisse apparaître aucun thème musical mémorable, comme avait pu le faire Zimmer à l'époque de The Dark Knight, Inception ou Interstellar.
Conclusion
Pour conclure, Tenet est la promesse d'un véritable spectacle, bourré d'action, parfois splendide grâce à une mise en scène et un montage efficaces, ainsi que l'interprétation impeccable de ses acteurs principaux. Malgré cela, le scénario souffre d'être trop cryptique, souvent bancal, le spectateur étant au final aussi perdu que l'est son personnage principal. Au final, pour être pleinement satisfait de Tenet, il faut aller au-delà de ce qui nous est montré à l'écran, et faire l'exégèse du film en même temps qu'on le regarde. C'est par sa manière de révolutionner le cinéma de Christopher Nolan autant qu'il en est la continuité que Tenet est le plus intéressant.
"C'est par sa manière de révolutionner le cinéma de Christopher Nolan autant qu'il en est la continuité que Tenet est le plus intéressant. "
Outre le défaut d’une source fiable sur de telles critiques, c’est quand même difficile de soutenir cela quand on regarde Interstellar et/ou Inception qui met notamment en avant le thème de la famille et de ses retrouvailles.
Je serais très intéressé de lire de telles critiques car je ne suis pas d’accord avec celles-ci. Est-ce que vous auriez une source à m’adresser?
Je vais regarder cela. Merci encore pour les recherches.
Voici mon avis sans spoiler ;-)
https://le7emeartparchlo.wordpress.com/2020/08/26/tenet-de-christopher-nolan/
À bout de souffle !
On ne présente plus Christopher Nolan ! Chaque nouveau long-métrage de cet Anglais de 50 ans est attendu comme le messie. Et c’est pour cause, il a mis en scène de nombreux succès tels que : Memento, The Dark Knight, Le Prestige, Inception, Interstellar et plus récemment Dunkerque. Tous ses films ont pour point commun une histoire mêlant complexité et pour la plupart du temps science-fiction. On sait de lui qu’il travaille minutieusement en amont ses créations, notamment avec la complicité de son frère, avec lequel il couche sur papier le script du film en question. En effet, contrairement à beaucoup de metteurs en scène, Nolan a ce talent d’écrire et de produire la plupart des films qu’il réalise. Fidèle à lui-même, il aime travailler avec les mêmes équipes, notamment en ce qui concerne l’image et la photographie, le son et la musique mais aussi les acteurs (Gary Oldman, Cillian Murphy, Tom Hardy, Joseph Gordon-Levitt…) qu’il a fait tourner à maintes reprises.
Avec l’arrivée de la pandémie et les événements singuliers qui en ont découlés, Tenet était l’un des films les plus attendus de cette année. Une nouvelle fois, Christopher Nolan aborde son sujet phare qui n’est autre que celui du temps et plus précisément ici l’inversion temporelle. Ce concept sans queue ni tête est exploité tout le long du film dans une incompréhension qui peut laisser perplexe. Le titre du film lui-même pose questionnement. Pourquoi ce choix de palindrome ? « Tenet » est l’un des mots issus du carré Sator (nom du personnage nullement choisi au hasard joué par Kenneth Branagh) qui est un carré dit « magique » contenant le palindrome latin SATOR AREPO TENET OPERA (lieu de la scène d’ouverture du film) ROTAS. Ces mots, placés dans un carré, peuvent être lus dans tous les sens. Cette énigme est précisément au cœur de la pensée de Christopher Nolan sans que l’on découvre clairement les tenants et les aboutissants.
La séquence d’ouverture démarre sur les chapeaux de roues ! Pas de doute, l’action est au rendez-vous ! Mais ce rencard est éternel. À peine quelques minutes pour reprendre son souffle que les péripéties s’enchaînent à un rythme effréné tout comme les répétitions sans aucun temps mort. C’est quelque peu épuisant sur la longueur. Tenet est un véritable show à l’américaine, un spectacle mêlant bagarres et coups de feu ! Le scénario est prenant par la diversité des plans et la chorégraphie des cascades. Le montage laisse place à un rythme vif avec de magnifiques images et un son percutant. La musique est assourdissante.
Les acteurs interprètent avec brio des personnages dont on se demande parfois s’ils ont eux-mêmes tout compris du pitch. On découvre en tête d’affiche un courageux John David Washington, acteur et joueur de football américain, révélé en 2018 par Spike Lee dans BlacKkKlansman : J’ai infiltré le Ku Klux Klan. On apprécie le retour à l’écran de Robert Pattinson (qui a quelque peu perdu de sa superbe à mon humble avis) et le charmant Aaron Taylor-Johnson (Kick-Ass, Savages). L’homme à abattre est interprété par Kenneth Branagh en épatant méchant dans ce registre sombre et cruel. Les femmes ne sont pas en reste puisqu’on peut également découvrir la prestation réussie d’Elizabeth Debicki (Les Gardiens de la Galaxie, Gatsby le magnifique) et de la frenchie Clémence Poésy (Harry Potter et la Coupe de Feu, 127 heures).
Pourtant, malgré un rythme haletant et des acteurs authentiques, le long-métrage me laisse assurément sur ma faim. Trop de questions sans réponses, de doutes, d’ambiguïtés sont présents pour que je puisse apprécier entièrement le travail de Nolan que je juge d’une complexité déconcertante ! C’est comme si le réalisateur prenait un malin plaisir à perdre ses spectateurs dans une spirale infernale. Tenet vise une vitesse de pointe qui frôle l’arrêt cardiaque !
Prêt à prendre votre respiration ? Prêt, feu, partez !
Chloë H