Dracula, The Cure, Tim Burton : 15 chefs-d'oeuvre qui vont vous faire adorer le gothique
La fin d'année 2024 ne serait-elle pas placée sous le signe de la culture gothique ? Du film Beetlejuice Beetlejuice de Tim Burton le 11 septembre au remake de Nosferatu de Robert Eggers le 25 décembre prochain, en passant par Songs of a Lost World du légendaire groupe The Cure - leur premier album en 16 ans ! -, on ne sait plus où donner de la tête. De quoi nous donner envie, quelques jours après Halloween, de vous montrer toute la diversité de cette culture passionnante, avec une sélection de 15 chefs-d'oeuvre.
Attention : les oeuvres ne sont pas classées par ordre de préférence, mais selon leur chronologie.
#1 Le Château d'Otrante, d'Horace Walpole (1764)
Fils de l'homme d'État Robert Walpole, Horace Walpole est communément considéré comme le père du mouvement gothique, avec Le Château d'Otrante. Le roman raconte comment Manfred, seigneur du Château d'Otrante, dont le grand-père a empoisonné le véritable propriétaire de la demeure pour lui voler son titre, voit une redoutable prophétie se réaliser. Avec ses statues qui bougent et qui saignent, ses portraits qui soupirent et ses fantômes, Le Château d'Otrante a jeté un voile de peur sur l'Angleterre. En plus d'avoir lancé le mouvement gothique, le roman était choyé par les romantiques anglais, mais également par les surréalistes français. Ainsi, dans la préface de Melmoth de Charles R. Maturin, André Breton évoque "le grand coup de gong d'Otrante". À lire absolument !
#2 Le Moine, de Matthew Lewis (1796)
Publié en mars 1796, Le Moine de Matthew Lewis a été écrit en une dizaine de semaines dans un état de fièvre, alors que son auteur était âgé de 19 ans. À Madrid, un moine capucin respecté chute moralement lorsque Mathilde, une jeune femme mystérieuse se faisant passer pour novice, le séduit. Mais Mathilde cache bien son jeu : elle est en vérité un agent du Diable, envoyé pour faire chuter le moine. Extrêmement transgressif pour l'époque, notamment dans sa vision de l'Église catholique et sa représentation de la sexualité, Le Moine a fait scandale lors de sa première publication. Il demeure aujourd'hui l'un des monuments du roman gothique, dont l'influence se ressent notamment dans Frankenstein de Mary Shelley. Plus généralement, il a eu un impact majeur sur les romantiques anglais du XIXème siècle, à commencer par Lord Byron et John Keats. Le Moine a également séduit le cinéaste surréaliste Luis Buñel, qui a écrit un scénario pour un film finalement réalisé par Ado Kyrou en 1972. Il a ensuite eu droit à une adaptation décevante avec Vincent Cassel dans le rôle principal.
#3 Frankenstein, de Mary Shelley (1818)
Comptant parmi les plus grands classiques de la littérature anglaise, Frankenstein, ou le Prométhée moderne de Mary Shelley nous raconte comment une créature hideuse abandonnée par son propre créateur, Victor Frankenstein, à cause de sa laideur, cherche à se venger de la société humaine qui l'a rejetée. Mélangeant à la fois l'horreur et la science-fiction, Frankenstein est un monument du mouvement gothique, dont il garde les récits enchâssés représentatifs des premiers romans du genre. Le film a été plusieurs fois adapté au cinéma, notamment par James Whale en 1931. Le cinéaste a réalisé une suite, La Fiancée de Frankenstein (1935) encore meilleure que le film original et qui a fortement influencé le cinéma de Tim Burton, notamment Frankenweenie (1984 ; 2012) et Edward au Mains d'Argent (1990). Parmi les adaptations les plus récentes, citons l'hilarante comédie de Mel Brooks Frankenstein Junior (1974) ou la déconcertante adaptation de Kenneth Branagh avec Robert De Niro, Frankenstein (1994). On attend désormais de découvrir la version de Guillermo Del Toro pour Netflix prévue pour 2025, avec Jacob Elordi (Euphoria), Oscar Isaac (Dune), Christoph Waltz (Inglourious Basterds), Mia Goth (Pearl) et Charles Dance (Game of Thrones).
#4 Dracula, de Bram Stoker (1897)
On ne pouvait décemment pas vous proposer une sélection des meilleures oeuvres de la culture gothique sans y inclure le dentier le plus célèbre de la culture occidentale. Écrit par l'écrivain irlandais Bram Stoker, Dracula est un chef-d'oeuvre de la littérature britannique, mêlant l'effroi et la structure caractéristique de la littérature gothique aux idées psychanalytiques qui commencent à émerger à l'époque de sa rédaction. Si l'on vous recommande bien évidemment de lire ce merveilleux roman épistolaire, comment ne pas évoquer ses nombreuses adaptations officielles et officieuses ? On songe bien évidemment au Nosferatu le vampire de Friedrich Murnau (1922), classique du film expressionniste allemand qui aura prochainement droit à un remake très attendu et très stylisé signé Robert Eggers (The Witch, The Lighthouse). Citons également le Dracula (1992) de Francis Ford Coppola, véritable merveille visuelle, encore aujourd'hui considérée comme un des meilleurs films des années 1990 et les nombreuses adaptations du studio Hammer.
#5 Le Cabinet du docteur Caligari, de Robert Wiene (1920)
Souvent perçu comme un sommet du cinéma expressionniste allemand, Le Cabinet du docteur Caligari peut-être vu comme l'un des premiers films d'horreur de l'Histoire du cinéma. Racontant l'histoire d'un hypnotiseur fou utilisant un somnambule pour commettre des meurtres, le film de Robert Wiene a profondément marqué les esprits par son style visuel, à la fois sombre et tordu, représentant le délire de son personnage. Fortement inspiré de l'expérience des scénaristes Carl Mayer et Hans Janowitz durant la Première Guerre mondiale, Le Cabinet du docteur Caligari a eu une influence majeure sur le cinéma gothique et d'horreur. Que ce soit dans la représentation du monstrueux ou dans l'utilisation de lignes tordues, cette influence est bien évidemment visible à des degré divers dans Nosferatu de Murnau (1922), Frankenstein de James Whale (1931), Le Chat Noir d'Edgar G. Ulmer (1934) - d'après la nouvelle éponyme d'Edgar Allan Poe - ou encore dans le cinéma de Tim Burton.
#6 La Chute de la Maison Usher, de Roger Corman (1960)
L'écrivain américain Edgar Allan Poe, dont H.P. Lovecraft disait qu'il était son "God of Fiction" (dans sa correspondance avec Rheinhart Kleiner) et que Charles Baudelaire qualifiait de "singulier génie" (dans sa préface des Histoires extraordinaires), a été le centre d'un cycle de huit films réalisés par le puissant producteur Roger Corman avec Vincent Price. Le premier de ces films est La Chute de la Maison Usher, adaptant la nouvelle éponyme publiée en 1839. Racontant l'histoire d'une famille maudite dont tous les membres sombrent dans la folie et meurent, le film est encore trouble que l'oeuvre originale de Poe. Il développe par ailleurs une esthétique gothique absolument marquante, qui a profondément influencé Tim Burton. Le réalisateur de Burbank a d'ailleurs rendu hommage aux adaptations de l'oeuvre d'Edgar Allan Poe par Roger Corman dans le court-métrage Vincent, entièrement réalisé en stop-motion et dans lequel un jeune garçon fan d'Edgar Allan Poe et de Vincent Price fait mine de sombrer dans la folie. La Chute de la Maison Usher a depuis été adaptée sous la forme d'une série réalisée par Mike Flanagan (The Haunting of Hill House, Midnight Mass) pour Netflix.
#7 Bela Lugosi's Dead, de Bauhaus (1979)
Créé à Northampton autour de la figure de Peter Murphy, le groupe Bauhaus est l'une des références du rock gothique anglais. Son premier single, Bela Lugosi's Dead (1979), d'une durée de 9 minutes et inspiré de l'acteur Bela Lugosi - connu entre autres pour son rôle de Dracula dans le long-métrage éponyme de Tod Browning (1931) - est presque une profession de foi. Portée par la basse de David J, qui vient tisser une atmosphère sombre et désespérée, Peter Murphy chante un poème à la gloire de l'acteur hongro-américain : "The virginal brides file past his tomb / Strewn with time's dead flowers". Le single, considéré comme la première chanson de rock gothique, est disponible sur le best-of Crackle du groupe, où elle figure parmi quelques-unes des plus grandes chansons de Bauhaus comme She's in Parties. Présente dans la bande-originale du film de vampires Les Prédateurs du réalisateur anglais Tony Scott (1983), elle figure également en tête du classement des meilleures chansons de vampire établi par la très sérieuse revue Rolling Stone. (Pour l'anecdote, le bassiste David J est un proche collaborateur d'Alan Moore, qu'il accompagne dans ses spectacles de magie, notamment La Coiffe de naissance, et avec qui il a écrit de la musique.)
#8 Floodland, de The Sisters of Mercy (1987)
Les avis divergent : le nom The Sisters of Merci a-t-il été inspiré par la chanson éponyme de Leonard Cohen ou par les Soeurs Brontë, qui étaient originaires de la ville de Leeds en Angleterre où a été fondé le groupe ? Quoi qu'il en soit, l'influence majeure du groupe dans le mouvement du rock gothique britannique est plus certaine. En trois albums à peine, les Sisters of Mercy se sont hissés parmi les plus grands groupes anglais des années 1980, grâce à la voix profonde du chanteur Andrew Eldritch et ses instrumentales atmosphériques. Souvent considéré comme le plus grand album du groupe, Floodland est d'une redoutable intensité.
#9 Disintegration, de The Cure (1989)
Véritable légende du rock britannique, on doit au groupe The Cure de nombreux tubes, dont Boy's Don't Cry, Friday I'm in Love ou encore Just Like Heaven. Mais le groupe né à Crawley et formé autour de la figure de Robert Smith a aussi produit des albums beaucoup plus sombres et désespérés, comme la sublime trilogie cold (Seventeen Seconds, Faith, Pornography) ou encore l'album Disintegration qui ont fait de The Cure l'un des plus éminents représentants du rock gothique British. Moins claustrophobe et inquiétant que l'était Pornography (1982) Disintegration est considéré par la critique comme le plus haut sommet de la discographie du groupe. Laissant à nouveau une large place à la basse de Simon Gallup, qui voûte musicale à la majorité des morceaux, Robert Smith signe ses plus beaux textes. Lorsque dans l'épisode Mecha Streisand de South Park, Kyle Broflovski crie à Robert Smith "Disintegration est le meilleur album de tous les temps", on a du mal à lui donner tort. D'ailleurs, pour le plus grand bonheur des fans, The Cure est revenu le vendredi 1er novembre 2024 avec un nouvel album, Songs of a Lost World, dans la lignée de son chef-d'oeuvre. Encensé par la critique et le public, le nouvel album est considéré comme le meilleur disque du groupe depuis Disintegration. C'est dire !
#10 The Sandman, de Neil Gaiman (1989-1996)
Avec son Alan Moore (Watchmen), Neil Gaiman fait partie de ces scénaristes britanniques qui ont révolutionné l'écriture des comics américains. Sandman est unanimement considéré comme son chef-d'oeuvre. Adapté en série par Netflix en 2022, le comics raconte l'histoire de Dream, l'un des sept Éternels et l'incarnation du rêve, de sa libération à sa mort. S'il appartient au genre de la fantasy, The Sandman inclut de nombreux éléments gothiques, que renforcent les dessins de Dave McKean. Dream et sa soeur Death sont d'ailleurs deux personnages dont l'accoutrement est explicitement gothique. Pour Dream, Neil Gaiman et ses dessinateurs se sont inspirés du chanteur anglais Robert Smith de The Cure, tandis que la chanteuse de Siouxsie and the Banshees a influencé la conception de Death.
#11 Edward aux Mains d'Argent, de Tim Burton (1990)
Après l'immense succès de Beetlejuice (1988) et de Batman (1989), Tim Burton a besoin de souffler. Il réalise se lance ensuite dans un conte de Noël gothique qui lui tient beaucoup à coeur, à tel point qu'il s'agit de l'un de ses rares films dont il signe le scénario (avec l'aide de Caroline Thompson). Il retrouve l'actrice américaine Winona Ryder, devenue une icône gothique avec Beetlejuice - et elle le restera tout au long des années 1990 - et rencontre Johnny Depp, qui deviendra pour longtemps son acteur fétiche. Dans Edward aux Mains d'Argent, Tim Burton rend hommage aussi bien à Vincent Price (à qui il confie le rôle du concepteur d'Edward), au film Frankenstein de James Whale (1931), au cinéma expressionniste et aux contes de fées. Il faudrait également être aveugle pour ne pas voir un clin d'oeil au chanteur anglais Robert Smith du groupe The Cure dans l'allure d'Edward. (Rappelons que le film est sorti en pleine Curemania.)
#12 L'Étrange Noël de Monsieur Jack, de Henry Selick (1993)
Film culte des années 1990, L'Étrange Noël de Monsieur Jack est l'adaptation par Henry Selick du poème The Nightmare Before Christmas de Tim Burton, écrit en hommage aux écrits du Dr. Seuss. Engagé sur le tournage de Batman, le défi - un autre film de Noël gothique, et sans doute l'un des meilleurs films de toute la filmographie de Burton -, le réalisateur-star avait été contraint de refuser de réaliser L'Étrange Noël de Monsieur Jack. Il a néanmoins été présent tout au long de sa conception. Véritable chef-d'oeuvre de l'animation en stop-motion, le film porte la marque de Henry Selick, de Tim Burton mais aussi du compositeur Danny Elfman. Film d'Halloween autant que de Noël, L'Étrange Noël de Monsieur Jack a eu droit à plusieurs regains de popularité depuis sa sortie. "It's our town, everybody scream / In this town of Halloween"
#13 Sleepy Hollow, de Tim Burton (1999)
Parfois cité comme le dernier film de l'âge d'or du cinéma de Tim Burton, Sleepy Hollow - La Légende du Cavalier Sans Tête est une magnifique adaptation de la nouvelle écrite par Washington Irving en 1820 et déjà adaptée par le studio Disney dans Le Crapaud et le Maître d'école (1949). Sur un scénario d'Andrew Kevin Walker (le scénariste de Se7en de David Fincher), Sleepy Hollow bénéficie des talents de l'immense directeur de la photographie Emmanuel Lubezki (proche collaborateur de Terrence Malick et d'Alejandro Gonzalez Iñarritu). Dans Sleepy Hollow, Tim Burton rend un vibrant hommage aux films gothiques du studio britannique Hammer, connu notamment pour les adaptations du Dracula de Bram Stoker avec Christopher Lee. Un chef-d'oeuvre que l'on revoit régulièrement !
#14 L'échine du Diable, de Guillermo Del Toro (2001)
Avant de devenir une star avec Hellboy (2004) et Le Labyrinthe de Pan (2006), Guillermo Del Toro a ému les festivals avec L'échine du Diable, qui a remporté plusieurs récompenses prestigieuses dont le Prix du Jury du Festival du film fantastique de Gérardmer. Le réalisateur mexicain nous plonge dans un orphelinat en pleine Guerre d'Espagne, où Carlos, un jeune garçon de 12 ans, doit faire face à l'adversité de ses camarades d'infortune et de Jacinto, l'homme à tout faire. Mais lorsqu'il rencontre Santi, le fantôme d'un enfant tué par Jacinto, le destin de Carlos bascule. Grand film tragique, L'échine du Diable a été inspiré - selon les dires de Guillermo Del Toro - par la littérature gothique et fantastique irlandaise et anglaise, notamment l'oeuvre de Sheridan Le Fanu (Carmilla) et d'Arthur Machen - grand inspirateur de H.P. Lovecraft à qui Alan Moore a rendu hommage dans son dernier excellent roman. Guillermo Del Toro est depuis revenu au film gothique avec le très joli Crimson Peak (2015), qui a néanmoins reçu un accueil critique plus contrasté.
#15 L'Étrange vie de Nobody Owens, de Neil Gaiman (2008)
L'auteur anglais de The Sandman s'est souvent illustré dans le registre gothique. Nous aurions pu également citer l'excellent roman Coraline - adapté au cinéma par Henry Selick (L'Étrange Noël de Monsieur Jack) -, mais nous avons préféré évoquer L'Étrange vie de Nobody Owens. Dans ce roman, Neil Gaiman transpose l'histoire du Livre de la Jungle de Rudyard Kipling dans un cimetière londonien : Mowgli est remplacé par Nobody Owens, les loups qui l'adoptent par un couple de fantôme, la panthère Bagheera par le vampire Silas, et le tigre Shere Khan par Le Jack, un ersatz de Jack L'Éventreur. Le roman est accompagné des illustrations en noir et blanc de Dave McKean. Neil Gaiman a également adapté son oeuvre en comics, accompagné par les dessins de l'américain Philip Craig Russell. Disney cherche à adapter le roman au cinéma depuis 2012, mais les récentes accusations d'agressions sexuelles émises à l'encontre de Neil Gaiman ont contraint le studio à mettre son projet en pause jusqu'à nouvel ordre.