Dossier : les cinq plus grands génies du manga
Aujourd’hui, le manga occupe une place prépondérante dans la culture de masse. Fer de lance de la culture nippone à travers le monde, les mangas se vendent par millions d’exemplaires à travers le monde. Mais qui sont les plus grands auteurs de ce médium qui se renouvelle sans cesse ? Cette sélection d’auteurs ne conviendra forcément pas à tout le monde. Il s’agit de mon avis personnel, établi à partir de ma propre sensibilité de lecteur. N’hésitez pas à nous donner vos auteurs favoris dans les commentaires. À noter également que j’ai volontairement exclu de cette sélection Eiichiro Oda, Akira Toriyama, Masashi Kishimoto et Arakawa. En effet, si je suis un très grand fan de One Piece, Dragon Ball, Naruto et Fullmetal Alchemist, j’ai voulu sélectionner des mangakas dont l’oeuvre, certes moins vendue, demeure plus littéraire que ces dernières. Je ferai prochainement une autre sélection, avec d’autres critères, et dans laquelle j’inclurai des séries plus bankables, et au demeurant excellentes, comme les séries citées ci-dessus.
Osamu Tezuka
Difficile de ne pas commencer par Osamu Tezuka, « le dieu Tezuka », parfois surnommé le « Disney japonais ». Si, à la lecture d’Astro Boy (également connue sous le nom d’Astro, le petit robot), on peut comprendre ce surnom, l’oeuvre de Tezuka est aussi ample que complexe. Auteur d’une cinquantaine de mangas, parus entre les années 50 et 80, Osamu Tezuka a influencé un nombre incalculable de mangakas, de Katsuhiro Otomo (le papa de Akira) à Hayao Miyazaki (Nausicaa de la vallée du vent). Le principal point fort d’Osamu Tezuka, c’est son habilité à slalomer entre les genres. Ainsi le voit-on aussi à l’aise dans un registre jeunesse naïf (Astro Boy), que dans le drame social (Ayako, son chef d’oeuvre selon moi), que dans le thriller (Gringo) ou dans la reconstitution historique (L’Histoire des 3 Adolf). Son passage dans le domaine de l’animation l’a, par ailleurs, sacré maître incontesté au Japon et ce, bien que ses films et ses séries comportent, par-ci par-là, des défauts évidents, dont une animation très économe. Il n’empêche que c’est toujours avec beaucoup de plaisir que l’on peut voir, et revoir, des chefs d’oeuvre du cinéma d’animation japonais, tels que Le Roi Léo, qui inspira le studio Disney pour Le Roi Lion. À noter par ailleurs que depuis le mois de juin, certaines œuvres de Tezuka, dont Ayako et L’Histoire des 3 Adolf, font actuellement l’objet de rééditions sous forme d’intégrales de toute beauté, chez Delcourt, pour la modique somme de 29,99 euros chacune. L’occasion de découvrir une autre dimension d’Osamu Tezuka, plus adulte, moins naïve, avec plus de violence et de sexe que vous n’en trouverez jamais dans Astro, le petit robot. Sont également prévues, pour septembre, et dans la même édition, les intégrales de Barbara et La Vie de Bouddha.
Hayao Miyazaki
Vous connaissez forcément Hayao Miyazaki, réalisateur de génie, Dieu absolu du cinéma d’animation nippon, co-fondateur du studio Ghibli avec son ami et rival Isao Takahata, auteur de onze films, onze chefs d’oeuvre (dont les merveilleux Le Château dans le ciel, Princesse Mononoké, Le Voyage de Chihiro ou encore Le Vent se lève). Découvrez maintenant Hayao Miyazaki, le mangaka. Les débuts de Hayao Miyazaki en tant que mangaka sont antérieurs à sa percée dans l’animation, son premier manga datant de 1969 : Le peuple du désert. Hayao Miyazaki, malgré son succès fulgurant dans le Septième Art, n’a jamais pour autant délaissé le manga. Ce dernier sert d’ailleurs, bien souvent, de point de départ à ses œuvres cinématographiques. Il y a bien sûr Nausicaa de la vallée du vent, manga en sept tomes, commencé avant qu’il ne réalise son film éponyme, et terminé plus d’une décennie après. Un manga bien plus sombre que l’oeuvre cinématographique, mais aussi bien plus complet, avec des ressorts narratifs plus osés. Que ce soit en couleur ou en noir et blanc, Hayao Miyazaki surprend par la beauté de son dessin, qui fourmille toujours, quelque soit le médium, de détails hallucinants. Nausicaa de la vallée du vent est un chef d’oeuvre qu’il faut lire et voir. Si Nausicaa de la vallée du vent est le seul manga de Hayao Miyazaki publié en France (aux éditions Glénat), il nous est possible, grâce à l’extraordinaire travail du site Buta Connection, site non-officiel français du studio Ghibli, de découvrir l’oeuvre écrite de Miyazaki. Ainsi pouvons-nous lire les quinze pages du manga L’ère des hydravions, paru dans Model Graphix, et qu’adaptera Miyazaki dans Porco Rosso. Vous y découvrirez également la première partie du manga Le Vent se lève, dernier manga en date du maître, qui donnera naissance à son dernier chef d’oeuvre (mais pas ultime, comme cela avait été annoncé au départ), le film Le vent se lève. Dans ces mangas, plus triviaux que Nausicaa de la vallée du vent, plus courts aussi, Miyazaki se permet, parfois, de casser le quatrième mur, en faisant quelques commentaires.
Toujours sur Buta-Connection, vous pourrez découvrir l’intégralité du livre Princesse Mononoké. Plus qu’un manga, il s’agit d’un album jeunesse, avec de magnifiques dessins peints à l’aquarelle, dont l’histoire est bien différente du film sorti en 1996. Plus proche finalement dans son approche graphique d’un Mon voisin Totoro, il n’en demeure pas moins que certains détails annonce déjà les aventures d’Ashitaka et de San (le contexte historique et la présence de forges). Mais Princesse Mononoké (le livre, pas le film) se veut plus une adaptation de La Belle et la Bête, qui avait permis au studio américain Disney de triompher aux Oscars deux ans plus tôt, en 1991. Pour retrouver les germes de Princesse Mononoké (le film, pas le livre) et de Nausicaa de la vallée du vent (le film et le livre), nous vous conseillons la lecture du Voyage de Shuna. Jamais publié en France, il vous sera néanmoins possible de vous le procurer en langue japonaise dans la librairie nipponne, Junku, à Paris, pour la modique somme de huit euros. À noter également que si vous ne savez pas lire le japonais, il vous sera tout de même possible de lire Le Voyage de Shuna, en téléchargeant le texte en français sur le document word proposé par Buta-Connection. Quand on vous dit qu’il font du bon boulot ! Plongez-vous dans l’oeuvre littéraire de Hayao Miyazaki. Vous y découvrirez que derrière le Dieu du cinéma d’animation se cache un Dieu du manga.
Katsuhiro Otomo
Autre grand génie de l’animation, au moins aussi important que Miyazaki et Takahata, Katsuhiro Otomo est également un mangaka d’exception. Comme l’auteur de Nausicaa de la vallée du vent, Otomo est l’auteur d’une œuvre transmédiatique, Akira, déclinée en film, et en manga, plus complet. Le film comme le manga sont deux chefs d’oeuvre cyberpunk, hallucinés, nihilistes, des tours de force de SF, où le dessin précis et nerveux d’Otomo redéfinit les bases d’un genre jusqu’ici gouverné par l’esthétique d’Osamu Tezuka. Si vous avez apprécié Akira, on ne saurait faire autrement que de vous plonger illico presto dans les autres œuvres de Katsuhiro Otomo, telles que Domu, duel psychique entre un vieillard poussant ses voisins au suicide et une jeune fille prête à sauver son quartier. Un manga qui porte en germe le dernier chef d’oeuvre de Hiroya Oku, Last Hero Inuyashiki. Mother Sarah, scénarisé par le maître Otomo et dessiné par Takumi Nagayasu permet à l’auteur d’Akira de continuer à explorer sa peur du nucléaire. Ces œuvres garantissent à Katsuhiro Otomo la place de Dieu nippon de la SF.
Jiro Taniguchi
C’était avec beaucoup de peine que nous apprenions l’année dernière la mort de Jiro Taniguchi. Il faut dire qu’on réservait à ce mangaka une affection toute particulière. Auteur d’un nombre incalculable d’oeuvres, en solo ou en duo, Taniguchi a su, par sa maîtrise du dessin et du scénario, émouvoir et surprendre son lectorat. À l’aise dans tous les genres, il était capable de livrer des récits ultra-violents, comme Blanco, l’histoire sauvage de ce chien-soldat mettant en exergue la cruauté de l’Homme face à la Nature et aux animaux, que dans les drames, comme il l’a si bien montré dans les pages de Quartier lointain. Les drames de Taniguchi, mélancoliques et poétiques, rappelleraient presque du Haruki Murakami (le célèbre romancier nippon, auteur de La Ballade de l’impossible ou de L’incolore Tazaki Tsukuru et ses années de pèlerinage), mis en BD. Son chef d’oeuvre restera, néanmoins, Au temps de Botchan. Proche, dans son approche mélancolique et graphique de l’époustouflant Quartier lointain, Au temps de Botchan est une reconstitution en cinq tomes de l’époque Meiji. Taniguchi y dévoile les destins croisés de plusieurs auteurs, représentatifs de cette époque d’ouverture du Japon sur l’Occident, dont un certain Natsume Sôseki, auteur de Botchan et de Je suis un chat.
Naoki Urasawa
Star du dernier Festival International de la BD d’Angoulême, Naoki Urasawa mérite amplement sa place dans ce classement. À l’aise dans tous les genres, il est capable d’emmener son lecteur où il le souhaite, du rire (Beta!!!) à l’anxiété (Monster). Son chef d’oeuvre reste néanmoins le brillant 20th Century Boys, œuvre-fleuve dans laquelle Urasawa y met, pelle-mêle, toutes ses obsessions, dans un récit où les retournements de situation arrivent toujours à point nommé. Avec un dessin précis et un sens du scénario qui semble inné, Naoki Urasawa se rêve comme l’héritier d’Osamu Tezuka. Et la lecture de Pluto, d’après une histoire de ce dernier, vous fera admettre que s’il existe un hériter d’Osamu Tezuka, c’est peut-être bien Naoki Urasawa.
Il est parti bien trop tôt...
même s'il est moins prolifique que les autres auteurs cités, il n'en reste pas moins un des plus accomplis tant au niveau du dessin que du scénario.
J'ai découvert Tsutsui avec "Duds Hunt" (oneshot) et "Manhole" (3tomes) est pour moi un must have !!!!
si vous ne connaissez pas, précipitez-vous dessus !